Ddulden’s Last Flight

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Nom du groupe Grorr
Nom de l'album Ddulden’s Last Flight
Type Album
Date de parution 26 Fevrier 2021
Style MusicalDeath Progressif
Membres possèdant cet album6

Tracklist

1.
 Ddulden Dreams Beyond the Peak
 
2.
 Sky High
 
3.
 Hit the Ground
 
4.
 Sirens Call
 
5.
 Ddulden Flies to His Fate
 
6.
 Blackened Rain
 
7.
 Newborn Whirlwind
 
8.
 Last Flight
 

Bonus
9.
 Orang Lao
 
10.
 The Painter
 

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Grorr


Chronique @ JeanEdernDesecrator

19 Avril 2021

Ddulden au pays des chakras

Lorsqu'on est restreint de manière géographique, tout est bon pour s'évader en esprit, si ce n'est par le corps. Grorr est le remède tout indiqué pour nous dépayser les oreilles, avec ses concept albums aux saveurs d'Asie, qui emballent un squelette rythmique djentiforme dans des volutes d'instruments traditionnels exotiques. Or il se trouve que nos exterminateurs intrépides de la world music ne viennent pas d'une lointaine contrée orientale, mais en ce qui me concerne de l'autre bout du département 64, Pyrénées Atlantiques, à Pau. Le moins qu'on puisse dire à l'écoute de leur précédentes productions discographiques, c'est que nos amis palois ne font pas dans la charcutaille de petit artisan, mais dans la monumentale Tour de Babel instrumentale.

Leurs trois albums ont marqué une progression constante à tous les niveaux. "Pravda" (2011) était un essai concluant avec un death industriel à la Fear Factory, "Anthill" (2012) se déployait dans un prog messhuguesque aux influences japonisantes, et "The Unknown Citizen" (2014) était un pesant et majestueux ouvrage aux arrangements symphoniques à la Septic Flesh. La personnalité du groupe s'est affirmée, avec le choix renouvelé d'utiliser des instruments traditionnels tels la sitar.

Depuis la tournée qui a suivi "The Unknown Citizen", l'eau du Gave de Pau a coulé sous les ponts, avec quelques changements de line-up : Si on retrouve toujours les hommes de base et principaux compositeurs Yoann Estingoy (guitare), et Sylvain Kansara (claviers, instruments traditionnels), ainsi que Jérémy Chabanaux à la batterie, Bertrand Noël, guitariste chanteur emblématique de Grorr, avait quitté les siens en 2014. Il a été remplacé au micro par Franck Michel (ex Livhzuena), et Christine Lanusse a depuis intégré le groupe à la basse.

La génèse de leur quatrième album s'est faite sans se presser, le groupe prévoyant de faire un EP suivi d'un concept album, conjointement avec un film utilisable pour vidéos et tournées, mais cette idée ambitieuse dû être abandonnée, bien qu'ils en aient fait une bonne partie du travail préparatoire. L'EP "II" sorti fin 2020, est fait de deux morceaux expérimentaux qui viennent de chutes de l'album, avec une autre couleur que sur celui-ci ; A noter que l'on retrouve ces deux titres "Orang Lao" et "The Painter" en bonus tracks de "Ddulden's…", l'un sur CD, l'autre en vinyle, et les deux en version digitale. Le bel objet sort donc au printemps 2021 sur ViciSolum Records, label suédois qui a signé le combo depuis 2014.

Pour le concept de l'album, je vais vous faire un pavé, et attention je vais spoiler : c'est l'histoire de Ddulden, qui veut faire une machine pour voler (on la voit sur la superbe pochette, donc je ne divulgache pas tant que ça), qui se plante, et se prend la tête. Ne râlez pas, vous ne lisez jamais les paroles, bande de fainéants. N'empêche que j'aimerais bien m'appeler Ddulden, ça claque. Et voler aussi.

A l'instar d'un Septic Flesh, Grorr impressionne par la richesse de ses orchestrations, et la complexité technique déployée. On sent l'ambition d'écrire une œuvre monde qui vous plonge dans un univers mystique et foisonnant. La couleur hindoue très marquée, dans les gammes utilisées par les arrangements, et avec une sitar très présente, des tablas, et même du chant diatonique, si je ne m'abuse. Mais ce n'est pas la seule influence qu'on trouve ici, car autres contrées musicales, Japon, Amérique du sud, entre autres, font des incursions dans le paysage sonore. Plus qu'un carnet de voyage musical, c'est plutôt un périple rêvé et fantasmé qui nous est proposé.


Le nouveau chanteur Franck Michel avait un sacré défi à relever, d'autant plus que le groupe souhaitait apparemment garder la patte si identifiable de Bertrand Noël : un timbre clair grave au fond de gorge moelleux sur les voyelles qui n'est pas sans rappeler le chanteur de Crash Test Dummies (oui vous savez, "Mmm Mmm Mmm Mmm" ce hit fleurant bon le spleen des années grunge). Depuis ses prestations chez les thrasheux de Livhzuena, ses progrès sont foudroyants, avec une assurance plombée dans les screams à la Phil Anselmo mais en plus grave, et une performance bluffante en chant clair. C'est donc surtout au niveau vocal que les changements sont les plus notables, avec une mélancolie et des mélodies travaillées mettant en valeur la tessiture chaleureuse de Franck.

La batterie, comme d'habitude chez Grorr, fait la part belle aux rythmiques torturées, souvent martelées par une crash pesante. Les parties de Jérémy sont très techniques, avec parfois un toucher prog jazz avec force ghosts notes à la caisse claire (le superbe "Sky High"). La basse de Christine est bien audible, bien calée sur tous les impacts grosse caisse / caisse claire ; le morceau bonus "Orang Lao" est littéralement porté par son riff ondoyant qui roule avec de belles virgules dans les aigus. Les guitares, accordées très graves, sont finalement assez sobres, les morceaux tournant sur quelques riffs syncopés et hachés dans la tradition séculaire d'un Meshuggah ("Sky High", "Siren's Call",…) ou d'un TesseracT ("Blackened Rain"). Des sons clairs ou crunch, apportent de la variété, qui nous amènent parfois du coté de The Mars Volta (l'intro de "Siren's Call").

Mais comme les épices dans un bon poulet Tandoori, ce sont les arrangements qui font tout le sel des morceaux de Grorr. Ceux-ci sont d'une complexité rare, avec de multiples couches (on a même des violons et de la flûte dans "Sky High"), qui se superposent, se croisent, et tissent un canevas de mélodies qu'on découvre au fur et à mesure des écoutes. De véritables instruments traditionnels ont été utilisés : sitar, vielle mongole, tablas, taikos. Des instruments numériques programmés en MIDI ont été utilisés pour d'autres (les cuivres symphoniques par exemple).

Les palois nous emmènent donc à des milliers de kilomètres, dans un contexte imaginaire, mystique et enchanteur. Leur musique a une dimension presque cinématographique, onirique, essayant de désorienter sensoriellement l'auditeur. Outre les intermèdes instrumentaux dignes d'un blockbuster d'aventures ("Ddulden's Dreams Beyond the Peak", "Ddulden's Flies to his Fate"), de nombreux passages planants donnent de l'altitude au tapis volant ("Hit the Ground"), ou à l'inverse des toms tribaux nous font mordre la poussière façon Gojira ("Blackened Rain"). On pourra avoir un peu de mal à mémoriser les morceaux à la première écoute tant il y a un fossé pour les oreilles entre djent et musique planante hindoue. Le BBB (Bon Bourrin de Base) qui sommeille en moi pourra regretter un manque de morceaux plus directs et rentre dedans dans le noyau couplet/refrain, alors que le groupe sait donner des coups qui font mal, et avoir du punch, par exemple dans les breaks ou certaines fins de morceaux. Il manque un tout petit quelque chose, une sorte d'évidence pour emporter le chaland par le colback direction Soleil Levant.

Reste que Grorr se détache sans peine de la meute déclinante en photocopie automatique des groupes de Djent, avec une musique foncièrement originale, technique et racée. Avec sa réalisation sans faille et sa production puissante et détaillée, "Ddulden's Last Flight" est une œuvre à écouter et réécouter, dans son intégralité de préférence, et avec les bonus (dont le superbe "Orang Lao", vidéo en extrait) pour bien prendre toute la mesure de la richesse de ses compositions.

2 Commentaires

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Groaw - 20 Avril 2021:

Merci beaucoup pour la chronique.

J'ai été très intrigué par ton écrit et j'ai écouté le morceau juste en dessous. Moi qui adore les sonorités hindoues, la qualité de composition notamment avec le sitar m'a complètement séduit. De même, j'aime beaucoup ces pics d'intensité et qui ne viennent absolument pas étouffé le sitar. Comme tu le dis si bien, l'influence djent est omniprésente mais le fait d'amener une couche supplémentaire permet au groupe de totalement se défaire des certains Meshuggah, Animals As Leaders ou tout autre formation de djent plus traditionnel. De plus, l'apport d'instruments folkloriques permet d'amener de la chaleur dans une mélodie assez froide de base.

En revanche, là où ça couak un peu chez moi, c'est au niveau de la prestation vocale. Je pense que c'est voulu mais je trouve le chant totalement décalé par rapport à l'instrumental. Je ne suis pas non plus fan du timbre de voix de ce chanteur et j'ai eu l'impression, en tout cas dans Orang Lao, que ça va en pilotage automatique. Pourtant, le travail vocal ressemble beaucoup à celui de Gojira mais là où Joe Duplantier est capable de m'arracher le coeur comme par exemple dans Low Lands ou Pray, l'aspect émotivité est la grande absente de l'ensemble. Peut-être est-ce différent dans les autres compositions mais là où je trouve sincèrement que le travail sur l'orchestration est incroyable, le travail sur le chant me refroidi énormément.

J'écouterai le reste de l'opus pour me faire un opinion complète mais en tout cas, c'est original, c'est assez expérimental et c'est déjà un très bon point pour moi !

JeanEdernDesecrator - 28 Avril 2021:

Merci pour ton commentaire, Groaw. Si le chant te chafouine un peu, tu peux tenter les premiers albums, plus velus vocalement.

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