Difficile, voire inutile, de vouloir se faire une idée d’un album en regardant sa pochette. Cela serait trop facile de juger à l’emporte-pièce le contenu d’un disque sur son artwork sans avoir posé une oreille attentive sur le rendu des sillons. Néanmoins, le groupe donne assez souvent quelques pistes, décodables ou non, pertinentes ou volontairement à contre-courant. En ce qui concerne
Metal Church, la pose des artistes en couverture de leur troisième œuvre cherche à nous convaincre peut-être que le départ de leur chanteur David
Wayne (RIP) et de leur compositeur-guitariste-fondateur
Kurt Vanderhoof est un « mal pour un bien » traduction de l’idiome anglais servant de titre à ce nouvel opus sorti le 7 février 1989 chez Elektra. Il va falloir se lancer dans l’audition des 9 morceaux enregistrés entre le 29 août et le 4 octobre 1988 au Kajem
Victory Recording de Gladwynne en Pennsylvanie pour s’en faire une religion certaine.
Terry Date officie à nouveau à la console et fait bénéficier le groupe d’un son puissant et équilibré sur lequel les nouveaux arrivants peuvent facilement se libérer et se fondre dans un collectif qui ne met pas en avant un individu en particulier mais le fruit de compositions savamment travaillées et la cohésion d’ensemble. La touche
Metal Church demeure présente dans les envolées de guitares, la rythmique fossoyeuse et les changements de tempo irradiant des pièces de choix à la construction solide et tortueuse.
Kurt Vanderhoof, déjà fatigué des tournées dont celle avec
Metallica pour promouvoir «
The Dark », n’a pas pour autant coupé les ponts avec le groupe. Il cosigne sept des neuf nouveaux titres en tant que compositeur mais laisse la place de guitariste à John
Marshall, ex-roadie et technicien guitare de
Metallica après un bref intermède de Mark Baker en
Live. Décidemment, les anciennes connaissances ont du bon et permirent à
Metal Church de débaucher le prometteur Mike Howe de chez
Heretic, sachant que
Kurt avait produit en 1986 leur premier album «
Breaking Point ». Comble des transferts entre groupes, David
Wayne (RIP) partit former
Reverend sur les cendres encore chaudes et fumantes… d’
Heretic, orphelin de son prodigieux vocaliste.
Finalement, les bouleversements n’auront pas altéré la furie créatrice de
Metal Church.
Soignant leur entrée en matière, ils nous expédient au fond des tripes un «
Fake Healer » taille XXL pour son introduction, catapultée par une basse stratosphérique de
Duke Erickson et un riffing de cheval de trait. Le groupe n’oublie pas non plus de marquer les esprits avec un dernier titre surfant sur des harmoniques dévastatrices de la paire Wells-
Marshall. « The Powers that be » figure d’ailleurs parmi les compositions les plus euphorisantes et enthousiasmantes du groupe, tracté par une rythmique étincelante de limpidité comme la mélodie speed sur laquelle Mike Howe fait preuve d’un à-propos impressionnant. L’instrumental « It’s a Secret » placé au cœur de la seconde face constitue une aération divinement thrash, avec des plans hallucinants de guitares à la
Metallica et un jeu époustouflant de
Kirk Arrington derrière ses fûts.
Cette première dose de vitamine C se complète parfaitement avec un « Of Unsound Mind » au riff abrasif comme une pierre-ponce et une copie vocale de haute volée rendue par Mike Howe. Débordant d’énergie lui aussi, « The
Spell can’t be broken » souligne à nouveau le travail de Craig Wells et John
Marshall en rythmique mais aussi les soli, ainsi que la frappe sèche et lourde de leur compère batteur. L’entame punk-thrash vous propulsera dans un headbanging compulsif avant de vous terrasser soudain d’une accélération Churchienne plongeant une partie du titre dans un bain metal-core irritant comme la soude est caustique.
Metal Church enfonce définitivement le clou speed-thrash à grand coup de poing avec le « Cannot tell a Lie », nerveux dans ses contretemps et dégoulinant de riffing anguleux.
Bien entendu, un nouvel album de
Metal Church s’accompagne forcément de compositions plus complexes laissant place aux inspirations les plus débridées des cinq artistes.
Lorsque le groupe s’attaque à nous conter les derniers instants du RMS
Titanic en cette sombre nuit du 15 avril 1912, il propose un titre dans la grande tradition heavy-thrash dont le riff principal nous emporte dans les entrailles du paquebot où les deux énormes turbines dévoraient une quantité de vapeur astronomique pour propulser ce monstre de métal. « Rest in
Piece » vous tient donc en haleine dans l’imbroglio d’un titre à tiroirs, sinueux, solide sur ses bases, agrémenté de soli incisifs et décollant dans sa partie finale pour en arriver à l’issue fatale. «
Badlands » quant à lui déchire l’espace dans un riffing acéré et une basse atomique, notamment dès l’entame et dans un degré moindre sur le break. Ménageant des couplets calmes, les refrains, eux, tranchent par leur vindicte, clamée par un « I know these are the
Badlands » autoritaire de Mike Howe. Ce dernier prouve qu’il est mieux qu’un simple remplaçant sur les neuf minutes d’un poignant «
Anthem to the Estranged » abordant la solitude des apatrides et prônant l’ouverture d’esprit face aux différences. Alternativement, l’intensité des guitares menées par Craig Wells gronde tel un orage de décibels, les soli illuminent l’azur et la foudre claque comme les sticks de
Kirk Arrington frappant les peaux de sa double Pearl.
Metal Church atteint désormais un nouveau seuil dans sa progression et la maturité de ses interprétations confirme la prise de pouvoir de Craig Wells et
Kirk Arrington dans la signature sonore du groupe ainsi que l’intégration réussie de Mike Howe dans registre pas aussi radicalement différent que celui du regretté David
Wayne. Il donne une place encore plus prépondérante au chant en particulier lorsque les ambiances épiques ou nostalgiques nécessitent une bonne dose d’émotion que son grain de voix et son coffre apportent avec une facilité déconcertante.
Voilà un genre d’album qu’il convient de prendre le temps d’apprécier, tant la première écoute nécessite une attention soutenue au cours de la bonne cinquantaine de minutes qu’il nécessite. Au final, ce déluge de sons et d’atmosphères teintées de l’esprit de Seattle cristallise à merveille l’idée qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien. Jamais…
Didier – Février 2014
Your heart is the key
The powers that be
Are handed to me
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