Qu’on se le dise, 2013 sera l’année de la consécration pour le black belge. Après le somptueux Ritu de
Saille sorti en début d’année, c’est au tour de Cult of Erinyes, combo bruxellois fondé en 2009, de nous délivrer son deuxième full length,
Blessed Extinction, et d’imposer définitivement son black sombre, lourd et dissonant.
Profonde, mystérieuse et habitée, la musique de Cult of Erinyes nous offre un voyage au cœur des ténèbres, aux portes de la souffrance et de la folie. Cette incantation est portée par une pléthore de voix habitées qui animent la musique de leur spectre maudit, à commencer par ces vocaux black très sombres et diaboliques, parfaitement articulés, haineux et sentencieux, émanation vengeresse et implacable des déesses infernales, qui rappelle beaucoup les éructations de
Maniac. De temps en temps, des grondements death, particulièrement gutturaux et abyssaux viennent appuyer ces hurlements (The Vlasov Notes), et nous avons même le droit à quelques parties de chant clair du plus bel effet, plaintives et mélancoliques, qui viennent envelopper ce chaos musical déjà bien sombre d’une aura de désolation et de déliquescence.
Blessed Extinction est vraiment très noir, ésotérique et hermétique, sorte de mélange entre la beauté vénéneuse et ambiant d’un Eïs et l’hermétisme suffocant d’un
Mayhem couplés aux ténèbres envoûtantes d’un Nehemah et aux dissonances maladives d’un
Ondskapt.
Les guitares forment un mur compact et bourdonnant, impénétrable, qui se répercute infiniment dans les couloirs sans fin de l’Érèbe et poursuivent impitoyablement l’auditeur jusqu’aux tréfonds de son âme damnée. Les riffs sont excellents, tortueux, rampants et dissonants, fortement inspirés par le courant orthodoxe norvégien, et ces superpositions de guitares au son massif forment un mur opaque et bourdonnant qui nous plonge dans un puits de ténèbres et nous égare dans les vapeurs méphitiques d’un malaise insidieux et impalpable.
Cette agression musicale se mue parfois en des sonorités plus ténues et délétères qui viennent expirer aux portes d’un ambiant glauque et désespérément noir ( Bipolar, court interlude tout en résonnances étranges et lugubres, la fin de Dissolve into the Stars, avec ces bourdonnements sourds aux échos inquiétants, la fin de Sunken
Cities, avec ces cris déments qui nous entraînent aux confins de la folie et ces chuchotements lointains et ensevelis qui semblent émaner d’un autre temps ), mais Cult of Erinyes sait parfois aussi s’extraire des abysses dans lesquels il se vautre pour aller caresser de ses notes ailées les firmaments de l’Olympe. Ainsi, des titres comme Jibaku ou Dissolve into the Stars, du haut de leurs plus de 7 minutes, se complaisent à nous perdre dans l’obscurité sans fin des mondes souterrains pour mieux nous guider par les notes cristallines et mystiques de leurs guitares vers un au-delà inconnu qui sonne comme une promesse d’espoir dans la vacuité désolée de ce chaos chtonien.
Les Érinyes incarnent parfaitement cette dualité, divinités maudites méprisées des Dieux et redoutées par les hommes, tenant autant du divin que de l’infernal, d’ailleurs, l’artwork reflète bien cette polyvalence avec ces trois mystérieuses femmes aux traits brouillés et aux contours indécis et monstrueux (Muses ou Erinyes ?) qui semblent vouloir nous guider à travers les ténèbres de ce labyrinthe sans fin, pour nous mener soit vers la lumière du dehors, soit vers la damnation éternelle.
La plupart des titres sont longs et se colorent de plusieurs nuances, alternant un metal sournois et rampant à des attaques frontales, entre parties blastées et agressives, passages plus lourds et inquiétants qui font la part belle à la double pédale, et nappes ambiant où des notes de guitare moribondes tissent une toile de fond sonore inquiétante qui irradie l’ensemble d’une douce lumière noire.
Les parties de batterie se composent majoritairement de blasts moribonds et traînants, à la vitesse d’exécution moyenne, mais à la frappe lourde et répétitive, ce qui rend un effet hypnotique et envoûtant dans la grande tradition du true black. Ceci dit, les Belges savent aussi accélérer la cadence (le début de Sunken
Cities et son blast diabolique et inhumain, rapidement contrebalancé par ce chant clair mélancolique et désabusé) ou retomber sur un tempo plus catatonique (la partie centrale de The Vlasov Notes), et
Baal varie son jeu selon les exigences des atmosphères.
En conclusion, voilà une superbe réalisation, un black violent, intense, immersif et totalement envoûtant, d’une beauté vénéneuse et maladive. Nul doute qu’avec ce
Blessed Extinction, Cult of Erinyes va faire parler de lui et s’affirmer comme l’un des nouveaux espoirs du black puissant, racé, progressif et ambiancé. A posséder absolument pour tous les amateurs du style !
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