Avoir une demie-molle (expression populaire). Définition : Avoir une joie contenue, ressentir un instant de bonheur furtif.
Après des débuts tonitruants et deux albums à leur actif permettant de cerner les contours de leur volcanique heavy-rock speedé et après une tournée nationale ponctuée d'une escale sur les terres de la perfide
Albion en compagnie de
Chariot,
Vulcain repose valises et instruments au studio Maunoir situé à Genève un an après y avoir conçu «
Desperados ». De nouveau sous la houlette de Elie Benali qui prendra une part importante dans la composition des dix titres et cela va s'entendre, le groupe enregistre «
Big Brothers » durant la mois de septembre 1986.
Impossible de débuter sans tirer un grand coup de chapeau au concepteur artistique de cette pochette foncièrement ridicule, digne du Bébête Show, émission politico-satyrique ayant fait les grandes heures de TF1 de 1982 à 1995, le verso n'ayant rien à envier au recto, bien au contraire. D'ailleurs on se demande pourquoi la réédition n'a pas conservé la couverture originale, oui on se demande…
Le premier constat qui vient à l'esprit à l'écoute des dix pièces qui émaillent cette galette, c'est la dilution de l'
ADN motorspeedé ayant fait la réputation de
Vulcain dans un bain électrolytique à forte dominance mid-tempo. Hormis « Les Plaisirs Solitaires » et «
Grand Prix », titres dans la lignée d'un « Rock'n'Roll Secours » ou encore « Le
King » sans toutefois en exhaler l'enivrante fragrance, les amateurs de vitesse et d'adrénaline resteront sur leur faim. La cadence a fortement ralenti, ce qui nous conduit au deuxième constat.
Simplicité, efficacité et surproduction.
Vulcain le prouve sur cet album, les recettes les plus simples sont souvent les meilleures. En ouvrant les hostilités avec le métronomique et plutôt Rock « Kadhafi » et en enchaînant avec le solide « Soviet Suprême » à la mélodie qui fait mouche, le combo démontre si besoin était sa capacité à envoyer du riff secoueur de tignasse et confirme de belle manière avec un « 22 » aux doux parfums de terres Australiennes, charge anti-Pasqua et sa loi de 1986, l'ex-ministre de l’Intérieur sera d'ailleurs "chaleureusement" remercié sur l'espace dédié aux crédits et remerciements divers.
Impossible de faire l'impasse sur la production claire et puissante entachée par un sur-mixage de la batterie assez gênant par moments, le beau, bluesy et brûlant « Drôles de Jeu », théâtre d'explorations sonores inhabituelles pour le groupe avec son apport en saxophone en fait les frais avec cet horrible son de caisse claire semblant provenir d'une casserole. Frustrant !
Troisième constat, du déchet. Clairement, la sensation d'un album enregistré trop rapidement est prégnante, le banal et anecdotique « Faire du Rock » l'atteste, peu inspiré le titre ne stimule pas le cortex et s'oublie sitôt entendu. L'inutile reprise de Dutronc ainsi que la grivoiserie countrysante, même si elle s'avère fun « Marylou » font plutôt office de remplissage et présentent un intérêt plus que limité.
Évoquons également le cas « Jeudi 19 Juin » qui débute à la façon de «
Ton Dernier Acte », le vibrant hommage de
Trust adressé à Bon Scott, mais la comparaison tourne vite court. Là où les paroles serraient la gorge et l'interprétation de
Bernie Bonvoisin nouaient les tripes, le témoignage de respect par
Vulcain envers Michel Colucci alias Coluche rate sa cible, la faute à un texte insuffisamment inspiré pour provoquer l'empathie et à un saxophone aux interventions crispantes jusqu'à la stridence finale destructrice d'émail dentaire. Sans douter de la sincérité du projet, l'ensemble donne un blues assez maladroit et pataud, lourd et relativement indigeste.
Placé sous l'influence de Elie Benali, «
Big Brothers » convainc donc à moitié, le bon côtoie le moins bon et le carrément inutile tout en perdant l'originelle teinte sonore si typique en canalisant les élans volcaniques des fils de Héphaïstos. Le manque de maturation et de recul est perceptible et une question taraude l'esprit : Pourquoi être allé si vite ? Grosse production certes, mais sensations mitigées.
L'écoute de ce disque provoque donc une demie-molle, mais ne culpabilisez pas amis lecteurs et rassurez-vous amies lectrices car une demie-molle demeure exploitable, les sensations ne sont pas amoindries, elles sont simplement différentes. Gardons à l'esprit qu'une demie-molle est également une demie-dure et que l'on peut gentiment se satisfaire des quelques bons titres figurant sur cet album tout en étant conscient de ne jamais atteindre l'explosion triomphale.
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