Liste des groupes Metal Symphonique Beyond The Black Beyond the Black

Nous ayant laissés sur le souvenir ému d'un subtil et audacieux « Horizons », son quatrième album full length, c'est à pas de loup que le combo allemand revient dans la course. En effet, ce dernier concoctera la bagatelle de cinq singles (« Wasted Years », en 2021, suivi de « Reincarnation », « Is There Anybody Out There? », « Winter Is Coming » et « Dancing in the Dark », successivement, en 2022), avant de nous livrer son cinquième et éponyme mouvement, « Beyond the Black », que trois longues années séparent de son pimpant prédécesseur. Sorti, une fois n'est pas coutume, chez le puissant label germanique, ce nouvel opus cristalliserait une sérieuse envie de porter l'estocade de la part du prolifique quartet, neuf ans à peine suite à sa sortie de terre. Ce faisant, les dix pistes de ce frais arrivage seraient-elles de nature à fédérer aussi bien le fan de la première heure, alors accoutumé à un heavy symphonique bien trempé, que l'aficionado du dernier propos, typé, lui, pop metal mélodique ?

Dans ce dessein, nous retrouvons à la barre : l'expérimentée chanteuse à l'angélique filet de voix, Jennifer Haben, les fins guitaristes/vocalistes Chris Hermsdörfer (Serenity, ex-Visions Of Atlantis) et Tobi Lodes (Winterstorm), ainsi que Kai Tschierschky (God's Second Son) derrière les fûts, le bassiste Stefan Herkenhoff (Aeranea) ayant, quant à lui, quitté le navire. Aventure à laquelle ont également pris part Amanda Somerville (Trillium, Exit Eden, HDK, ex-Aina) et Billy King (guest chez Blind Guardian, Helloween, Kissin' Dynamite et Beyond the Black, et ce, à plusieurs reprises) en qualité de choristes, sans oublier Sandro Friedrich à la flûte et à la cornemuse, déjà sollicité par la groupe ainsi que par Sabaton. De cette étroite collaboration émane un propos rock'n'metal mélodique aux relents symphoniques et celtiques, conjuguant dès lors, et non sans une certaine habileté, quelques sonorités originelles et celles, un poil plus aériennes, du précédent effort.

A l'instar de ses devanciers, ce cinquième opus jouit d'une production d'ensemble de premier ordre. Laissée, tout comme ses aînées, aux mains expertes de Marc Schettler (Edguy, Blind Guardian, Sodom...), de Sascha Paeth (pluri-instrumentiste (Avantasia, ex-Luca Turilli...) et producteur prolifique (Angra, Epica, Kamelot, Rhapsody Of Fire, Xandria...)), de Mark Nissen et Hardy Krech (multi-instrumentistes/vocalistes occasionnels et producteurs (Beyond the Black, Kissin' Dynamite)), et, pour la première fois, de Niklas Budinsky, la galette laisse entrevoir une saisissante profondeur de champ acoustique tout en n'accusant pas l'ombre d'une sonorité résiduelle. A cela s'ajoutent un soin particulier apporté aux menus détails ainsi qu'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation. Des conditions d'écoute quasi optimales nous installant confortablement à bord du cargo, pour une croisière que l'on espère ponctuée de terres d'abondance...


Comme il nous y avait accoutumés, le collectif allemand révèle son aptitude à décocher ces séries d'accords aptes à prestement éveiller d'authentiques plaisirs. Ce qu'atteste, en premier lieu, ses magmatiques offrandes. Ainsi, se terrant dans l'ombre du précédent méfait, « Is There Anybody Out There? » se pose tel un tubesque up tempo rock'n'metal mélodique aux riffs acérés, disséminant de puissants coups de boutoir et investi d'intrigantes sonorités de sirène ; à l'aune de son refrain catchy, alors mis en exergue par les fluides inflexions de la sirène, et de son vibrant solo de guitare talonné d'une grisante reprise à la guitare acoustique, le poignant effort ne se quittera qu'à regret. Dans cette mouvance, l'entraînant « Winter Is Coming », au regard de ses enchaînements intra piste des plus sécurisés, ne ratera pas davantage sa cible. Un vivifiant et ''jamesbondien'' propos pop metal recelant d'insoupçonnées montées en régime du corps orchestral et surmonté d'un refrain immersif à souhait qu'encensent à nouveau les magnétiques ondulations de la déesse. On retiendra, enfin, l'up tempo syncopé « Into the Light » tout comme l'engageant et vrombissant « Not in Our Name » tant pour leur énergie aisément communicative qu'au regard de la qualité de leurs arrangements instrumentaux et vocaux. Mais le magicien aurait encore bien d'autres tours dans sa manche...

Quand le convoi instrumental ralentit un tantinet sa cadence, nos acolytes parviennent une fois encore à nous retenir plus que de raison. A commencer par « Reincarnation », mid tempo metal symphonique aux relents folk, magnifié par le son enivrant d'une cornemuse aux abois et relevé d'un fin picking à la guitare acoustique. Décochant un entêtant refrain sur fond de sonorités traditionnelles et mis en exergue par un duo mixte en voix de contrastes, les claires volutes de la belle répondant point pour point aux growls ombrageux d'une bête irascible, le méfait fera fi de toute tentative de résistance à son assimilation. Dans cette veine se place « Dancing in the Dark », chavirant mid tempo aux riffs massifs doublés de corpulents et métronomiques coups de tambour et recelant un fuligineux solo de guitare ; tel un rituel chamanique doté d'ensorcelantes séries d'accords, l'hypnotisant propos aspirera sans mal le tympan du chaland. Enfin, dans une dynamique metal mélodico-symphonique qui n'est pas sans rappeler celle de leur troisième album, « Heart of the Hurricane », le félin « Raise Your Head », quant à lui, se fait groovy tout en nous gratifiant d'un fin legato à la lead guitare ; à la princesse, eu égard à ses chatoyantes patines, de contribuer à sublimer chacune des mesures du poignant manifeste.

Lorsque les lumières se font plus caressantes, nos compères se muent, comme à leur habitude, en de véritables bourreaux des cœurs en bataille. Ce qu'illustre, d'une part, « Free Me », power ballade pétrie d'élégance, glissant le long d'une radieuse rivière mélodique sur laquelle se greffent les limpides volutes de la maîtresse de cérémonie ; un instant privilégié des plus troublants, délivrant une charge émotionnelle que l'aficionado du genre intimiste ne pourra que malaisément contenir. La petite larme au coin de l'oeil ne sera pas moins déclenchée sous le joug de l'infiltrant cheminement d'harmoniques dans lequel nous mène « Wide Awake ». Délivrant des couplets finement ciselés, relayés chacun d'un refrain satiné, livrant parallèlement un changement de tonalité bien amené, cette ballade romantique fera, à son tour, plier l'échine à plus d'une âme rétive. Jamais deux sans trois, dit-on... Ce que prouve « I Remember Dying », touchante ballade atmosphérique aux riffs émoussés, investie d'un délicat toucher à la guitare acoustique et pourvue d'un refrain ouaté instillé des ''siréniennes'' oscillations d'une interprète bien habitée.


En définitive, le quartet d'outre-Rhin nous convie à une croisière parsemée d'îlots plus enchanteurs les uns que les autres, nous poussant dès lors à un rembarquement immédiat à bord du navire sitôt l'ultime portée évanouie. Variant judicieusement ses ambiances comme ses phases rythmiques, se faisant techniquement efficient mais nullement ostentatoire, doté de mélodies finement esquissées, bénéficiant, en prime, d'une ingénierie du son rutilante et d'arrangement aux petits oignons, ce cinquième mouvement n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense. Sans omettre l'élargissement du spectre vocal de la diva, le grain de voix de cette dernière s'étoffant, par ailleurs, de modulations encore vierges de toute incursion de sa part. Qualités auxquelles s'ajoute la présence de l'une ou l'autre sonorité inédite dans la trame de la goûteuse galette.

D'aucuns, pour se sustenter, auraient probablement requis davantage de variété quant aux exercices de style dispensés, fresques symphonico-progressives, instrumentaux et autres duos manquant, une fois de plus, à l'appel. Mais telle n'est pas l'actuelle visée du groupe allemand, orientant dorénavant son projet vers un rock'n'metal mélodique multi-facettes, la part belle étant alors faite aux colorations pop-rock et folk symphonique. Sans pour autant s'être totalement affranchi des riffs symphonisants de son passé, ceux qui, précisément eurent pu manquer aux fans de ses premiers émois, le collectif n'a cessé de repenser, et de moderniser ses gammes in fine ; offrant dès lors une palette stylistique plus étoffée que naguère, la troupe continue à bousculer quelques certitudes tout en rendant son message musical, au demeurant savamment élaboré, accessible à tout nouvel entrant. Par cet heureux trait d'union entre vibes d'hier et d'aujourd'hui, une page se tourne pour le combo teuton...

Note : 15,5/20