Pionnier du black sympho/atmo en compagnie d'
Emperor au début des années 90, puis représentant d'un metal avantgardiste poétique, sophistiqué et barré,
Arcturus s'est longtemps imposé comme une figure phare et très respectée. Ses albums, portés par les claviers astraux de Steinar "Sverd" Johnsen, ont charmé bon nombre d'adeptes, au point d'influencer des formations telles que
Vesania ou
Quadrivium, pour ne citer qu'elles. Le départ de Garm et l'arrivée à plein temps de
Vortex (ex-
Dimmu Borgir,
Borknagar) en 2005 ont marqué un tournant dans la musique d'
Arcturus, plus soft et plus progressive, avant une séparation en 2007 et une reformation inespérée en 2011. Les nombreuses tournées semblent avoir fait revivre la flamme arcturienne car arrive cette année le nouvel album tant attendu, "
Arcturian", presque dix ans après le "Sideshow Symphonies".
Toujours composé de membres passés et présents d'
Ulver,
Mayhem ou
Dimmu Borgir,
Arcturus nous embarque au sein de dix voyages interstellaires. Le nom "
Arcturian" représente à lui seul une forme d'hommage au travail passé et présent du quintet norvégien. Les pistes contiennent, à la fois, les éléments du vieux
Arcturus et du nouveau
Arcturus : le charme, l'authenticité, le côté baroque et organique d'un côté, la modernité, le prog, et l'électro de l'autre. A ce mélange, le groupe revient aux fondamentaux et évite la programmation par ordinateur : la batterie est "vraie", les violons et instruments à cordes sont réels eux-aussi, et les solos de guitares ont tous été improvisés. Le son est donc particulier, loin des standards actuels aseptisés et synthétiques.
"The
Arcturian Sign", présenté en avant-première il y a quelques semaines, ouvre l'album avec des expérimentations industrielles et des saccades électroniques qui ne sont pas sans rappeler la dubstep. La suite présente une progression intéressante, entre passages posés et aériens et passages plus rentre-dedans et barrés. Le mixage fait, cette fois-ci, plus de place aux instruments et ne relègue pas au premier plan la voix de
Vortex, qui semble ici plus en phase avec ses acolytes. Il alterne parfaitement bien envolées déjantées à la Garm sur "The Sham Mirror" et chant black rageur pour un résultat très convaincant.
Arcturus enchaîne étonnamment avec "Crashland", morceau en deux temps, alternant moments doux et planants, mélodiques et acoustiques, avec un violon à la
Borknagar (clin d'oeil?), et moments plus inquiétants et sombres où les guitares grinçantes nous embarquent dans des contrées froides et incertaines...contrées qui s'avèreront assez angoissantes, comme en témoigne "
Angst", chanson la plus extrême de l'album, où les blasts intersidéraux d'
Hellhammer côtoient les vocaux black dérangés de
Vortex et la folie des violons, comme si le "Radical Cut" de "The Sham Mirrors" avait fusionné avec un titre de la "
Masquerade". Une sacrée réussite.
Les Norvégiens nous prouvent qu'ils peuvent autant faire dans le rugueux que dans la douceur, et la douceur cosmique nous tend les bras sur de nombreuses pistes, que ce soit sur "
Demon" ou "The
Journey", toutes deux marquées au fer rouge par une empreinte industrielle et par un côté easy-listening que certains aimeront ou détesteront. La ballade acoustique et les chants spirituels du second rappelleraient presque l'aventure "
Ghost" de
Devin Townsend.
Pour du rugueux, il faudra se pencher par exemple sur "
Pale" avec son début à la "Ad Absurdum", assez barré, ou sur "
Bane" avec ce côté théâtral et complètement décalé qui fait tout le charme d'
Arcturus. Le violon et le piano ont une place très importante mais leurs mélodies ne sont pas aussi entêtantes que par le passé. Malgré le talent de Sverd et sa bande, ils oublient parfois d'attirer notre attention, si bien que l'ennui peut parfois se faire sentir. En particulier sur "
Archer", fade et très peu inspiré. Malgré un début encourageant, la suite semble être de l'auto-plagiat du "Hufsa" mixé aux passages les plus calmes de "Hibernation
Sickness Complete", tous deux présents sur "Sideshow Symphonies", à la différence qu'il n'y a pas de passages chantés en norvégien. Etrange!
"
Arcturian" n'est pas un chef d'oeuvre complet et peut en cela décevoir les plus fervents admirateurs. Certains passages manquent de force, d'émotion, et de folie, si bien qu'il arrive de passer à autre chose. D'autres possèdent énormément de qualités, comme la première partie de l'album, dont rien n'est à jeter : les quatre premiers titres sont impressionnants. Et d'autres s'apprécient au fil des écoutes. Cet opus ne se digère donc pas facilement. Il faut du temps, pour en capter toutes les nuances et y découvrir tous les mystères...même si certains ne risquent pas d'être résolus !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire