Altra

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18/20
Nom du groupe Naïve
Nom de l'album Altra
Type Album
Date de parution 25 Mars 2015
Style MusicalMetal Atmosphérique
Membres possèdant cet album16

Tracklist

1. Elevate / Levitate 08:40
2. Yshbel 08:56
3. Mother Russia 07:12
4. Monument Size 08:16
5. Surge 06:44
6. Waves Will Come 07:58
7. Altra 12:41
Total playing time 1:00:27

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Naïve


Chronique @ Just_an_Ellipsis

16 Avril 2015

« Pourquoi est-ce que tu écris ? »

« Pourquoi est-ce que tu écris ? »
« Quand on se fait chier, ça passe le temps. Histoire de prendre un bout de papier, d’écrire deux-trois conneries dessus, de souffler, de se dire que ça ne sert à rien, de raturer, de relire, de rayer, de pester. Puis d’un coup, en voyant ce bout de papier dégueulasse sur lequel je marquais une poignée de débilités, tu m’as sorti : « Oh ! Tu lis tes ratures ? ». Là, je t’en ai voulu. »

« Elevate / Levitate » est un nom pur, simple, mais qui symbolise à la perfection l’âme de Naïve, alliance d’un Metal Moderne et puissant couplé à des sonorités électro-ambiante somptueuses, donnant un aspect force hybride à l’impact émotionnel certain. Ce titre ne sort pas de l’ordinaire des titres les plus forts du groupe. On retrouve globalement tout ce qui fait la recette des Toulousains. Jouch et son timbre chaud et lancinant, une mélodicité excellente, entre hargne (cette batterie parfois nerveuse) et envolée musicale (cet accouplement entre guitare épaisse et électronique aérienne). On lévite et on retrouve une patte aérienne et des virages sonores qui ne sont pas sans rappeler « To Lose and to Die for » du premier album. « Yshbel » reprend une trame assez similaire. Toujours ce truc aérien en intro, une grosse claque et de la saccade pour poursuivre et la voix éthérée de Jouch pour lancer le débat. Il a cette particularité d’envoyer des intonations semblant quasiment désabusées tout en faisant preuve d’une fermeté émotionnelle extrêmement intense. Si le titre suit une trame plutôt convenue pour qui a déjà arpenté « The End » et « Illuminatis » de fond en comble, il serait injuste de laisser cette magistrale conclusion dans l’oubli. D’une lourdeur implacable et étouffante, un mur épais d’une infinie tristesse s’élève alors que les voix se superposent pour nous offrir un moment d’émotion incroyable…

« Pourquoi est-ce que tu écris ? »
« Inconsciemment, il y a quelque chose qui me pousse à tapoter ce clavier, à additionner les mots, les verbes, les adjectifs. Inconsciemment, j’ai besoin de vider mes stylos à écrire tout et n’importe quoi. Je t’ai menti, tout à l’heure. Je n’écris pas parce que je me fais chier. J’écris parce que je crois que j’en ai besoin. »

La pause intervient sur la troisième piste, exactement à la même place que le « Focus » du deuxième opus. « Mother Russia », quasi instrumental. Une phrase répétée en boucle et une voix russe en arrière-plan, lointaine, flottante, incertaine. Devant nous, une aventure électronique, une boucle structurelle répétitive. Très proche de ce que Julien propose avec Phantom Status, cette répétitivité atmosphérique sert complètement le propos, elle ne nous détend pas, ne nous relaxe pas. Elle se délecte de la pression avec laquelle elle sert notre âme, lui implorant une délivrance qui interviendra lorsque la guitare détruira notre transe et nous fracassera le cœur. Nous n’avions plus connu pareille violence depuis l’ « Underwater » de « The End » et « Monument Size » nous le ressert sur un plateau. Un démarrage en trombe. Violence, saturation, un mal-être palpable dans cette assourdissante pression exercée par cet ensemble de doubles et de saccades. Tout confine au malaise le plus complet, Jouch et sa voix dure notamment, détériorant le rythme de sa hargne. Ce break prenant nous inflige un malaise sourd et résonnant. Mais l’ambiance plus légère et le redémarrage restent un peu trop classiques.

« Pourquoi est-ce que tu écris ? »
« J’en ai besoin, oui. Quand tu ne sais pas t’exprimer à l’oral, tu le fais par écrit. C’est peut-être plus simple, trop simple même, de paraître quelqu’un d’autre, protégé derrière ton écran, derrière ton bout de papier. Mais c’est peut-être ça qui me pousse à régler mes problèmes par la force du verbe, tout compte fait, et non de la lettre. Il y a des faux-semblants qui ne trompent pas quand tu acceptes le face à face. »

La menace se profile quand « Surge » lance une introduction bien plus explosive laissant place à un martèlement presque aquatique puis une voix éraillée et menaçante. Rempli de malaise, le refrain offre une noirceur rarement ressentie à ce niveau-là. Tout concourt pour en faire l’un des titres les plus sombres de Naïve, rien ne parvient à nous mettre à l’aise dans cet implacable piste, les touches mélodiques se voient supplées d’une ambiance bruitiste étouffante. Les touches presque acoustiques qui introduisent « Waves Will Come » me rappellent aux bons souvenirs d’Agora Fidelio (dont Jouch en est le guitariste) pendant que Rico prend une ampleur magnifique, sa basse donnant un aspect extrêmement chaleureux à cette ballade. De sa voix plus sublime que jamais, Jouch détend l’atmosphère tout en la maintenant constamment dans cette mélancolie palpable. De quelques passages de puissance bien sentis, quelques échos électroniques transvasent en phases synthétiques somptueuses de beautés… C’est bien sur ces passages-là que Rico peut donner la pleine mesure de son talent. Les passages métalliques peinent à convaincre au premier abord avant enfin de révéler tous leurs éclats par la suite. Mélodiquement parlant, la basse fait encore une fois parler d’elle de par sa puissance et sa présence. Un ensemble plus violent, plus progressif, on peut le dire.

« Pourquoi est-ce que tu écris ? »
« Tout concourt à me renvoyer vers l’écriture quand je n’y crois plus. Comme un fumiste se complaît dans l’utopie que son bédo le sortira de son quotidien, je suis persuadé que mes écrits peuvent me permettre de faire évader mon esprit torturé. Ne plus penser à quiconque, faire le vide et embrasser la solitude face à mon clavier dans le seul but de coucher sur le papier mes sentiments. Je n’ai jamais su dire « je t’aime ». »

« Altra »-titre. Une convention depuis « The End ». Le nom de l’album et le nom de l’ultime piste ne font qu’un. Treize minutes. Le son est saturé tout d’abord. Ambiance de vieille radio peut-être. Un violon se fera fil rouge à de nombreuses reprises alors que la guitare se fait plus que mélodique, Jouch l’accompagnant de sa voix lancinante et profonde… On passe allègrement d'un refrain mélodico-atmosphérique à des phases de noirceur terriblement relaxantes. Les instants de force sont sublimés par ce qui semble être un duo de voix. Minimaliste sur ses breaks, le groupe n’ose que mélanger basse-batterie et touches ambiantes délicates. Jamais la voix de Jouch n’avait autant semblé à fleur de peau, si délicate, si sublime, si touchante. Mes yeux se ferment, la chaleur envahit mon cœur froid et je m’envole avec ces trois musiciens incroyables. Mais la guitare appuie chacune de ses notes dans le silence, Jouch s’envole vocalement. On ne touche plus terre, mais déjà elle se rapproche imperceptiblement. L’atterrissage est lourd. Le son se donne un aspect capharnaüm impitoyable et maitrisé, chacun des musiciens se déstructurant du reste pour une dernière explosion avant de rendre les armes.

« Pourquoi est-ce que tu écris ? »

Naïve fait partie de ces groupes qui m’ont fait me dire que je ne faisais pas ça pour rien. Que derrière chaque note se trouve une émotion, une larme, un sourire, une tâche de sang, un plaisir, un orgasme, une déception, une envie. La musique atmosphérique est une terre de sensations et de sentiments impalpables et pourtant omniprésents pour nous faire ressentir au travers d’une heure de musique née de plusieurs mois (et années) de travail un amour de la litanie d’une puissance rare. Voilà pourquoi j’écris. Parce qu’il n’y a rien de plus beau que l’émotion brute d’un mot couché sur le papier pour parler d’une émotion brute d’une note sortant d’un disque fait avec amour et passion. De « The End » l’impertinence à « Illuminatis » la force pure, « Altra » est le symbole d’une alchimie parfaite entre passion et amitié.

10 Commentaires

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raistlin - 18 Avril 2015: Chouette chronique, merci, je découvre le groupe à l'instant en écoutant des extraits des 2 premiers albums, fan de toutes sortes de metal et de trip hop je trouve ce groupe vraiment exceptionnel et je vais appeler mon disquaire dès lundi pour qu'il me trouve les albums. 1er coup de coeur 2015, merci beaucoup Just_an_Ellipsis.
 
Karacall - 03 Mai 2015: J'ai vraiment adhéré à ta chronique. Tes sentiments lors de l'écriture sont presque palpables. Merci
DragonMaster - 31 Mai 2015: Tu m'as convaincu de tenter le coup!
LostPhoenix - 06 Août 2017: "Pourquoi est-ce que tu écris ?"
Quand les sentiments qui passent dans la musique provoquent l'envie de faire couler l'encre, on écrit. Je comprend que Naïve agite tes doigts comme l'âme qu'ils mettent dans leur disques. Merci pour ce texte qui résonne dans l'esprit d'un amateur de musique et de mots.
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