Elend est de retour, plus puissant, plus violent et plus extrême jamais !
Cher lecteur, chère lectrice,
Après leur célèbre « Office Des Ténèbres » (
1994-1998), le groupe franco-autrichien
Elend entame un nouveau cycle : « Le
Ophis Des Vents », introduit par l’album «
Winds Devouring Men » sorti en 2003 et suivi par «
Sunwar the Dead » l’année suivante. Initialement prévu pour contenir cinq albums, ce cycle s’achèvera prématurément sur « A World In Their Screams », album que je vais vous présenter dans les lignes qui suivent. « A World In Their Screams » est le résultat de 3 années de travail pendant lesquelles les morceaux ont été réorchestrés, retravaillés puis fusionnés aux travaux d’Ensemble Orphique, projet parallèle de musique classique et expérimentale, jusqu’à obtenir le son désiré. De la cinquantaine de musiciens jouant sur le précédent album,
Elend n’en a gardé qu’une vingtaine. L’intégralité des parties orchestrales a été enregistrée au Studio des Moines, et les voix, à The
Fall, studio créé par le groupe. La trame qui anime « A World In Their Screams » est en continuité directe avec les textes des deux précédents albums, «
Winds Devouring Men » et «
Sunwar the Dead ».
A l’issue de «
Sunwar the Dead »,
Elend nous a laissé au milieu d’un monde de peur et de désolation, aux frontières des ténèbres, à la limite de l’
Apocalypse. Pouvait-il nous mener plus loin encore dans la démence et la violence ? «
Ophis Pûthon » ouvre l’album sur une lente complainte grecque, un chant clair, beau et pur qui fend le silence. Puis, quelques expérimentations industrielles retentissent, illustrant les vestiges d’une civilisation ; un désert de cendres s’élève sous nos yeux. Les violons gémissent et leurs pleurs remplissent d’effroi, un chœur masculin soutient l’ensemble et un bourdonnement électronique accroit l’angoisse qui nait … Quand soudain, tout explose dans un tonnerre démesuré, un vacarme assourdissant de cordes qui crissent et se déchirent, les percussions miment l’anéantissement d’un monde ! L’horreur s’empare de nos êtres, nous plongeons sans retenue dans un monde de désolation. Violons et violoncelles hurlent leur rage dans une monstrueuse cacophonie de cordes et, dominant cette tumultueuse dysharmonie, c’est le murmure sombre, monocorde et déshumanisé d’Iskandar Hasnawi qui raconte l’histoire. Une histoire de morts, d’esclaves, de destruction, de pleureuses qui n’en finissent pas de pleurer et de serpents qui jaillissent de toutes parts !
Les titres s’enchaînent mais ne se ressemblent pas, l’un après l’autre, ils tissent l’histoire de ce monde qui sombre, de ces humains qui tombent en esclavage et de ce sang qui éclabousse la terre et la mer, jusqu’au ciel ! Les quelques instants d’accalmies ne sont là que pour amplifier l’intensité des détonations qui les suivent. La musique nous emporte dans l’immensité des abysses, au plus profond du Royaume des Morts, où règnent en maître Perséphone et Hadès. Sur cet album,
Elend domine l’espace et s’impose dans toute sa démesure et… sa splendeur ! Le paroxysme de la violence et de la fureur est atteint sur le titre « Borée », qui transcende tout ce que le groupe a pu faire dans le passé. C’est une cacophonie à la limite du désagréable, un enchevêtrement sauvage alliénant. Ici, on ne joue plus, on se déchaîne !
Avec « Urserpens », l’album prend fin sur une ultime explosion électronique, classique et industrielle accompagnée de ces éternels cris de femmes torturées et cède soudainement sa place à un étrange silence… le Néant… En 60 minutes,
Elend aura fait sombrer un monde, livré son ultime album, atteint l’apogée de son oeuvre et achevé son
Ophis, entamé 4 ans plus tôt. L’un des points positif de l’album est, pour les non anglophones, la réaction entièrement française des textes, exceptés les passages grecs, issus de écrits de Sophocles, Herodotus, Euripides, Plutarchus et Macrobius. Un second point positif est la très bonne qualité de son, elle permet de se rendre compte de l’extrême complexité de la musique et d’apprécier ce désordre organisé. Fracas et hurlements s’entremêlent mais ne s’étouffent pas, murmures et bruits se distinguent aisément. Nous sommes loin du boucan black métal simpliste (je vais m’attirer les foudres de sommiens …), de la musique garage facile et du bruit pour faire du bruit. Ici les influences de musiques savantes se font entendre et renforcent la crédibilité de ce groupe. Les expérimentations électroniques modernisent les orchestrations et nous reconnaîtrons par exemple des influences de Scelsi et de Ligeti dont l’écriture micro-tonale est admirablement apprivoisée. Avec « A World In Their Screams »,
Elend n’est plus seulement un groupe, il entre dans la légende !
Pour finir cette chronique, je proposerai cet album à ceux qui suivent
Elend depuis ses débuts, aux amateurs de musiques violentes, aux férus d’expérimentations, aux passionnés de musiques contemporaines et à tous les curieux et adeptes d’originalité et de bizarrerie. Pour les autres, nul ne vous empêche de tester le voyage, mais un conseil, accrochez-vous !
« Alors viens, viens, car tel est ton royaume. Viens. » [Urserpens]
Kissofsteel => On peut appeller ça du Dark Ambiant, c'est pas du Metal, certes, mais les seuls personnes susceptibles d'écouter ce genre de musique sont les fans de Metal. Il existe des centaines de groupes comme ça.
Jamais entendu quelque chose d'aussi violent émotionnelement
Pas du tout...
Je sens que je vais en baver. Parfait. Merci pour cette chronique, par ailleurs !
...
L'estomac retourné, la tête en feu, argh ! Une ode démentielle à la Dame Folie comme il y n'en a pas d'autres...
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