Toxik H est définitivement un grand malade. Non content de nous avoir allégrement massacré les tympans au travers d'
Arkhon Infaustus, légendaire groupe français de Black/Death, et plus récemment de
Kickback, autre géant de notre scène hardcore, le bonhomme revient au travers de son projet personnel
Diapsiquir. Pour ceux qui ne seraient pas familier avec le groupe, disons que
Toxik H y dégueule sa haine, ses injures, ses invectives grossières sur un chant presque rappé, sur fond d'un Black
Metal très particulier, distordu, couplé à de grosses nappes d'Indus' et de samples divers. On aime ou on déteste, mais
Diapsiquir ne laisse jamais indifférent.
Après un "
Virus STN" que je pensais parfait, ou du moins inégalable dans le genre,
Diapsiquir revient avec "A.N.T.I.", nouveau disque riche en émotions, et une nouvelle fois écrasant son prédécesseur sur tout les plans. Que ce soit au niveau de la qualité du son, du degré de complexité des compositions ou même au niveau de la qualité des textes.
Les albums de
Diapsiquir nécessitent plusieurs écoutes pour être appréciés, et ce ne sont pas le genre d'albums sur lesquels on peut aisément passer certaines pistes qu'on trouverait agaçantes. Les titres composant "A.N.T.I." forment un tout qu'on ne peut dissocier, du moins si l'on veut pouvoir pleinement se tremper dans ce mélange de bile, de sueur et de foutre qui dégouline de nos enceintes.
Le son est excellent. La batterie est très correctement mixée, et martèle correctement le rythme quand il y en a (et accessoirement lorsque ce dernier n'est pas assuré par une drumbox), les guitares passent par un large panel de distorsion, entre feulement jazzy, le son brut du folk, et bien entendu ce bon vieux son bien abrasif qui arrache les tympans. La voix, l'élément le plus important de ce disque, est très correctement placée, mixée légèrement plus fort que l'ensemble, ce qui permet d'appréhender complétement les textes dans leur intégralité.
Les compositions sont, comme toujours avec le groupe, surprenantes. Le mot est d'ailleurs bien faible. En témoigne le titre d'ouverture, "?low", démarrant sur une instrumentation chaotique et cauchemardesque ou
Toxik H hurle "Nous revoilà, t'y as pas cru ! T'y as pas cru ! T'y as pas cru !", avant de se rompre brutalement sur un sample hip-hop, sans prévenir. Non, effectivement, on y croit pas.
Diapsiquir mélange d'ailleurs chant très rappé et Black
Metal avec une facilité assez déconcertante. un titre comme "Kmkz" passerait presque pour un bon morceau de Rap français (avec une instru bien plus recherchée derrière, et heureusement). Et que dire de ce "Peste", hanté par ces chants clairs et ces choeurs presque Pop ? De cet "Avant" marqué par ses guitares désaccordées et sa boîte à rythme bien balancée ? Rien. Simplement applaudir devant tant d'aisance dans le mélange des genres.
Ne passez pas à côté des textes, qui même s'ils parlent sensiblement de la même chose d'une piste à l'autre (en pagaille, la vie de merde des musiciens, la drogue, l'amour tarifé, l'alcool, l'autodestruction, la perversion, la pédophilie, la vulgarité,
Satan et autres joyeusetés). Ils sont plutôt bien écrits, et au vu des polémiques soulevées par les paroles du dernier
Peste Noire, m'est avis que les invectives de
Diapsiquir ne seront pas à la convenance de tout un chacun. Qu'importe, à l'instar d'un Famine,
Toxik H n'est certainement pas là ou on l'attend, et n'est pas là pour faire le bouffon. Les textes de "
Seul" sont d'ailleurs une critique au vitriol de la scène clownesque Black
Metal actuelle, et on les dévore avec un sourire aux lèvres qu'on ne prendra même pas la peine de dissimuler.
A noter que les remerciements, pour ce disque, ont été énoncés de vive voix sur la fin du titre de "A.M.A.C.C.". "Remerciements", ou plutôt le processus d'élaboration de ce monolithe de haine, entre virée chez les prostituées, dilution des tripes dans l'alcool pur et l'ingestion de drogues diverses et variées. "On a pris du temps. Trop de temps." Vous avez bien fait, les gars, le résultat est là. Monologue ou l'on apprend d'ailleurs que dans les nombreux featurings sur ce disque, on trouve Stephen, chanteur chez
Kickback, qui a posé sa voix sur de nombreux titres d'"A.N.T.I.". Le disque se termine sur un sobre mais efficace : "Dimanche 11 Juillet 2010, à quelque minutes et loin du bruit d'une finale de coupe du monde de foot, perdue par l'Argentine."
Nous n'avons pas le bruit de la finale de foot, mais le bruit de la ville et des déviances qu'elle peut nous imposer. C'est un peu ça,
Diapsiquir : une plongée en apnée dans les méandres d'un bidonville urbain, entre l'odeur âcre de la pisse, de l'alcool, de la bière rance et le tintement des seringues rouillées. L'incarnation du
Satan de l'ère moderne. Vous voilà prévenus, cette plongée dans "A.N.T.I." se fera à vos risques et périls. Il en reste que c'est un album brillant, mené de main de maître, qui nécessite plusieurs écoutes pour être pleinement apprécié en raison de la complexité, de la densité des pièces qui le composent. Bien parti pour être l'un des meilleurs albums de cette année 2011.
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