Motocultor 2022 - Jour 4

the Воскресенье 21 Август 2022, Saint Nolff



Mormieben

 

Pour moi, le concert de 1914 était très attendu et devait être un grand moment vu comme j’ai apprécié leur dernier album Where Fear and Weapons Meet. Quelle ne fut donc pas ma déception de trouver sur la Supositor en lieu et place des Poilus ukrainiens une bande de joyeux drilles habillée en  pirates ! Et pour le coup, il faut bien l’admettre, pas évident de remplacer au pied levé un groupe de death black doom ultra sombre quand on officie dans une sorte de happy folk metal dansant et festif !

Pourtant, force est de constater que les français de Mormieben ont su relever le défi haut la main et convaincre même les plus grincheux grâce à un metal survitaminé et bon enfant ainsi qu’une bonne humeur communicative. Les cinq sont fièrement accoutrés en flibustiers et livrent un show énergique, emmenés par un frontman hilare à l’humour bonasse, délivrant une musique à mi-chemin entre Alestorm et les morceaux les plus gentils, folkloriques et dansants d’un Finntroll passablement adouci. Les instruments traditionnels sont enregistrés et le groupe se contente de jouer les guitares, la basse et la batterie, mais le tout est propre et carré, parfaitement synchronisé avec les samples et le public semble apprécier : gigues endiablées, pogos joyeux, chenille géante et vagues incessantes de slams sur un dynamique Singapour de fin, les cinq pirates nous auront décidément fait passer un agréable moment et auront réusis l’exploit de dérider un peu le public de brutes épaisses de la Supositor.

Hail Mormieben !        


 

My Own Private Alaska

 

J’avais déjà vu dès vendredi que Harakiri For the Sky avait annulé sa venue et serait remplacé par le groupe de « pianocore » My Own Privte Alaska. Premièrement, un grand bravo aux organisateurs du festival pour réussir à remplacer aussi rapidement un groupe qui annule au dernier moment, surtout lorsque, comme ici, le choix du groupe est aussi judicieux : à bien y regarder, les deux combos évoluent dans un style très émotionnel qui s’éloigne pas mal des codes du metal dit traditionnel.

Pour My Own Private Alaska, deux claviers, un batteur, un chanteur et c’est tout. Mais quel chanteur ! Milka est tout bonnement incroyable, et chaque mot expulsé de son gosier est intensément vécu au moment où il s’envole et s’offre aux spectateurs. Matthieu Miegeville possède une tessiture très large, passant aisément d’un chant grave maîtrisé (After You, Just Like You And I) à des hurlements arrachés qui font froid dans le dos, le tout avec une aisance technique impeccable et une dose d’émotions qui fait frissonner. Sur des nappes de piano mélancoliques et entêtantes qui nous transportent, il dévide le fil d’une vie tourmentée que l’on sent traversée de fulgurants éclairs de souffrance, appuyés par des rugissements féroces à la limite de la rupture mais toujours incroyablement justes et qui habitent la musique de leur âme sombre et écorchée. Anchorage, dégueulant les affres de la dépression et de l’alcool, n’est pas loin de m’arracher des larmes, morceau insoutenable d’intensité dont les paroles crues et obscènes nous violent les oreilles et le cœur, nous vrillant de l’intérieur. Les choses s’apaisent – un peu – sur le dernier morceau, plus mélancolique et sobre, où Milka descendra au milieu de la foule pour scander et répéter à l’envie ce « Just Like You And I » comme une catharsis libératrice qui restera gravée longtemps dans la psyché des spectateurs les plus réceptifs qui auront eu la chance d’être présent devant la Mustage en ce début d’après-midi.

Un fantastique moment de musique et de communion avec le public, qui s’imposera pour moi comme l'un des temps forts de ce festival… 


 

Truckfighters

 

Maintenant, direction la Dickinscène pour aller voir du bon vieux rock velu qui poutre sa grand-mère. Je veux bien évidemment parler de Truckfighters, excellent groupe de stoner dont la réputation scénique n’est plus à faire !

Autant sur album, je trouve les Suédois un peu irréguliers, me perdant parfois dans des variations stylistiques toujours maîtrisées mais manquant un peu de pêche, autant cet après-midi, il auront mis tout le monde d’accord, incarnant en un show endiablé ce que doit être la quintessence du rock n roll et représentant toutes les facettes du style, entre riffs tendus et électriques, passages plus mélodiques, accords plus gras et lourds et envolées furieuses et destructrices.

Voilà un power trio super efficace qui dégage une énergie monstrueuse, surtout via ce diable de Dango qui n’arrête pas de courir d’un bout à l’autre de la scène et de sauter dans tous les sens, envoyant des kicks de ninja dans les airs, jouant de la guitare derrière sa tête… Le bonhomme ferait presque le show à lui tout seul, mais derrière, ça suit, avec un Ozo qui ne démérite pas, tapant du poing sur sa basse sur le titre final, dont le public reprend les paroles en choeur. Une prestation survoltée et un très bon moment de musique.

Rock n’ roll !


 

Cattle Decapitation

 

Après ce début de journée plutôt gentillet niveau violence sonore, il fallait bien se faire ramoner les oreilles, et ça tombe plutôt bien puisque c’est Cattle Decapitation qui va débuter son concert sur la Supo. Ne connaissant que quelques titres par ci par là que j’apprécie par ailleurs beaucoup, j’étais curieux de voir ce que pouvait donner le combo en live, et tout en appréciant à sa juste valeur la prestation honnête des vegans de San Diego, j’ai trouvé que le show manquait un peu de mouvement et de folie. Les cinq livrent un concert simple, carré et brutal mais je trouve que le live ne rend pas tout à fait hommage à la richesse et la profondeur de leurs compos, plus brutes et desservies par un son qui manque de puissance. Les Américains se concentrent principalement sur les titres des très bons The Anthropocene Extinction et Death Atlas, enchaînant riffs très lourd et gros breaks terrassants (les parties qui d’après moi, fonctionnent le mieux, vraiment irrésistibles, car c’est quand la musique accélère qu’elle perd parfois de précision et, paradoxalement, d’efficacité) avec des parties blastées ultra rapides appuyées par le chant aigu et aigre et grinçant si particulier de Travis Rayan.

D’ailleurs, la voix de ce dernier est un peu en retrait et manque de puissance, ce qui est dommage quand on voit ses capacités vocales sur album, qui guident littéralement la musique. Quoi qu’il en soit, le groupe est visiblement très content de jouer après les temps durs de la pandémie, et leur enthousiasme est communicatif, emballant un public qui s’en donne à cœur joie dans la fosse, avec notamment un With All Disrespect d’anthologie sur lequel déferle une marée  incessante de slameurs.

Un show solide et efficace qui aura séduit les nombreux fans du groupe à défaut de rester dans les annales.

 

 

 

Swallow The Sun

 

Retour à la Dickinscène pour un sacré changement d’ambiance, avec les Finlandais de Swallow the Sun qui nous livreront une leçon de doom death gothique magistrale. Un silence quasi religieux s’installe dès les premières notes tant l’ambiance est prenante et la musique envoûtante, et durant ces longues intros désolées en arpèges (l'intro de Stone Wings m'a filé des frissons) ou lors des passages où la voix claire et pure de Mikko Kotamäki résonne, on n’entend pas une mouche voler. Le sextette joue avec toute son âme, nous offrant un moment de communion incroyable, spectacle de toute beauté mêlant lourdeur terreuse et écrasante (le remuant Swallow, Horror Part I au mid tempo death bien senti) et moments aériens qui semblent touchés par la grâce.

Un superbe moment d’émotions offert par des musiciens complètement maîtres de leur art, puissant, mélancolique et profondément immersif, et pour moi l’un des meilleurs concerts de ce festival, ni plus ni moins.

Il n’y a pas à dire, ce soir, les Finlandais auront vraiment avalé le soleil…

 

 

Dark Funeral

 

Dans le monde du black, Dark Funeral ce n’est quand même pas n’importe qui, et les Suédois faisaient pour moi partie des têtes d’affiche à ne pas rater pour cette treizième édition, surtout que ce concert venait à pic pour confirmer la bonne tenue de leur dernier album, We Are the Apocalypse, sorti en mars dernier.

Après une intro sombre et inquiétante, les cinq débarquent sur scène dans leur amure black et c’est parti pour 50 minutes de show intense. Il n’y a pas à dire, sur scène, Dark Funeral, c’est une machine de guerre bien huilée que rien ne peut enrayer, et ce concert ne fera pas exception à la règle même si le son ne sera définitivement pas à la hauteur et gâchera largement le plaisir (un gros larsen d’une bonne vingtaine de secondes viendra notamment nous vriller les oreilles en milieu de concert) : la guitare soliste aux chorus diaboliques si chers au groupe est noyée dans ce mur de son frontal, et à moins de vraiment tendre l’oreille et de bien connaître la discographie du groupe, pas toujours évident de distinguer un morceau plutôt qu’un autre dans ce déluge de distorsion et de blasts infatigables (mention spéciale à Jalomaah, effroyable de régularité et de rapidité).

Malgré une prestation très professionnelle et efficace donc, avec un Heljarmadr bien en voix et plutôt communicatif pour un groupe du genre qui sortira même un drapeau de la France dans lequel il s'enroulera le temps d'un morceau, difficile de s’immerger complètement dans l’art satanique du combo (même le fameux The Secrets of the Black Arts ne tiendra pas ses promesses), sauf lors des passages les  plus lents sur lesquels les ténèbres peuvent plus facilement nous posséder : à ce titre, Let the Devil In, introduit par un long solo de batterie, sera l’un des moments forts du concert, les mélodies noires et vénéneuses de Lord Ahriman ressortant mieux lorsque la caisse claire ne les étouffe pas.


Ce concert restera néanmoins une déception en ce qui me concerne, et j'espère avoir l'occasion de revoir Dark Funeral dans de meilleures conditions...

 

 

Orange Goblin

 

Après ce show en demi-teinte, retour à la Dickinscène (décidément, ça en fait des déplacements !) pour aller voir les vétérans du stoner, Orange Goblin. Ca c’est du rock n roll ! En effet, impossible de ne pas headbanger au son des riffs velus du quatuor londonien : gros stoner qui vire parfois à un doom plus lourd mais toujours dynamique, les Anglais ont mis tout le monde d’accord avec un show efficace et dépouillé basé sur l’énergie live ainsi que la puissance de leur musique. Les titres s’enchaînent sans temps mort, dans la fosse, ça chante, ça remue et ça secoue la tête, ici, pas de grand spectacle mais une prestation simple, brute et sincère qui se suffit à elle-même.

C’est sans exubérance technique ni jeu scénique sophistiqué que Joe Hoare envoie une floppée d’accords tantôt secs et nerveux, tantôt plus gras et lourds, se fendant à l’occasion de soli qui viennent transpercer le mur de basse de Martyn Millard. On appréciera le remuant Acid Trial, le lourd Made of Rats au pont central plus atmosphérique, le très motorheadien Renegade toute basse dehors écrit en hommage à Lemmy, ou un Red Tide Rising final qui durcit le ton, et qui sera repris en chœur par le public.

Merci pour ce bon moment les gars !

 

 

 

Behemoth (PL)

 

Après ce bon moment de rock n roll, Il est temps de rejoindre la Mustage pour le dernier concert du soir et du festival, j’ai nommé Behemoth… Logique pour l’une des têtes d’affiche d’être programmée le dernier soir un peu comme le clou du spectacle, malheureusement, il est tard et de nombreux festivaliers quittent déjà les lieux, c’est qu’on imagine que beaucoup doivent retourner au boulot le lendemain matin, dont certains qui viennent de – très - loin… L’affluence aurait pu être plus importante donc, et c’est vraiment dommage pour les absents au vu de la super prestation des Polonais. 

Behemoth va sortir un concert très pro, millimétré et parfaitement exécuté dans lequel l’intensité de la musique ne l‘emporte jamais sur la profondeur de l’ambiance, servie par un son clair et optimal. La batterie d’Inferno est idéalement mixée un peu en retrait histoire de laisser les guitares s’exprimer (heureusement quand on connaît la frappe du bougre !) et l’équilibre entre brutalité et atmosphères est parfait, les blasts nourrissant l’intensité de la musique sans l’étouffer. Il faut dire que le choix de la setlist est aussi très judicieux, le quatuor proposant des morceaux variés et piochant dans leur large discographie (rien d’antérieur à Satanica, mais bon, il faut bien avouer que le black metal des débuts jurerait trop avec le style actuel du groupe pour former un show cohérent), enchaînant pièces véloces et ravageuses (Wolves of Siberia, Conquer All, Chant for Eschaton 2000 ) et compositions plus solennelles et introspectives (Ora Pro Nobis Lucifer, le lourd Ov Fire and the Void, avec cette intro grandiloquente, un Bartzabel de toute beauté, sur lequel Nergal revêtira sa tiare de prêtre des ténèbres) mais privilégiant la lourdeur à un déferlement de blasts  bestiaux pour un show à la fois prenant et intense.

Sobre et efficace, le quatuor utilise judicieusement le jeu de lumières et les canons à fumées pour magnifier leur prestation, et on aura même droit à un bref hommage à l’Ukraine en intro de Off To War !, titre  du nouvel album à venir en septembre, avec ces fumigènes bleu et jaune que Nergal allume et tend à bout de bras sans dire un mot.   

 

 

Behemoth nous aura donc livré un excellent concert de fin, clôturant de la plus belle des manières cette treizième édition du Motocultor qui aura été pour moi indubitablement une grande réussite. C’est encore sonné par cette prestation impeccable et les sensations de ces quatre journées riches en émotions que je me dirige d’un pas nostalgique vers le camping pour une dernière courte nuit (cette fois, pas de concert le lendemain, on va donc pouvoir fêter dignement cette fin de festival avec les très sympathiques bénévoles rencontrés au cours de cette belle aventure musicale et humaine).

Le retour à la réalité quotidienne risque d’être brutal, mais heureusement, chacun aura pu faire le plein de décibels, de gros son saturé et de sensations metalliques durant ces 96 heures hors du temps.

Merci au Motocultor et à  l’année prochaine !


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