La Division Mentale

Cette page s’adresse aux amateurs avertis d’un métal extravagant. Mix de black-metal et de bidouillages sonores élektro, La Division Mentale est un duo français qui vient tout juste de sortir son premier album sur un label allemand. Le genre de skeud pas évident d’accès à ranger pas loin des récents Dødheimsgard et Abigor. Entretien avec les 2 protagonistes, Cypher et Mriik, en juin 2007.

interview La Division Mentale>Salut à vous deux de La Division Mentale ! A la base le projet était personnel à Cypher je crois, rejoint seulement récemment par Mriik. Peut-on commencer l’entretien par une explication des premières heures du projet ?
C: Pas grand chose de transcendant sur les premières heures. Juste l’envie de mélanger deux univers pour expérimenter de nouvelles sonorités et apprendre à utiliser tout ce foutoir de mao et de hardwares. De cette période, seuls 3 titres ont subsisté : la démo 'Syndrome', le reste est passé à la trappe. C’est à partir de cette démo que s’est composée l’identité LdM. M: Le projet a fait son apparition en 1998, c’est là que Cypher a sorti sa première et excellente démo 'Syndrome' qui, je dois l’avouer, a dû être considérée comme très avant-gardiste pour l’époque. Une sorte de death-indus brutal jusqu’alors inédit. Je n’ai intégré le projet qu’au début de l’année 2006 en tant que chanteur. Cypher s’occupe de tout le reste : musique, arrangements, textes et mixage.

>Musicalement, LdM évolue aujourd’hui dans une espèce d’hybride avant-gardiste entre black-metal et electro-indus qui ne va pas plaire à tout le monde. Pourquoi cette envie de faire rimer ensemble ces deux univers ?
C: J’évolue sur les deux scènes depuis pas mal d’années. Donc il me semblait naturel pour ce projet d’utiliser tout mon vocabulaire, donc effectivement, ce genre de mélange ne plaît pas à tout le monde, mais LdM est ce que je suis, et je ne suis pas là pour plaire à tout le monde. M: LdM ne va en effet pas plaire à tout le monde, du fait de notre côté expérimental, mais ceux qui apprécient ce genre de démarches artistiques sont heureusement de plus en plus nombreux. On le voit bien avec l’intérêt croissant concernant des groupes tels que Aborym, Red Harvest, Blacklodge et d’autres encore.

>C’est donc Cypher qui compose seul la musique. Comment procèdes-tu concrètement ? As-tu généralement une idée en tête définitive du morceau sur lequel tu bosses ? Ou alors tel un savant fou reclus dans son labo, ce sont les différents apports en riffs, en manipulations synthétiques, qui vont le modeler ? Est-ce l’électronique qui se greffe sur les riffs Black, ou l’inverse?
C: Pour 'l’eXtase des fous', j’ai composé toutes les parties de guitares dans un premier temps. Tout le reste est venu se greffer ensuite, par strates. Rien n’a été défini au départ, tout s’est fait au fur et à mesure, pour permettre à chaque morceau de trouver sa propre identité. J’aime dégrossir, explorer différentes possibilités, enrichir à l’infini et voir les limites du propos. Si la composition d’un morceau prend peu de temps, les arrangements prennent des lustres. M: Lorsque Cypher m’a fait écouter ses nouveaux titres pour la première fois, j’ai été fortement impressionné et je me suis dit que les heures de travail ont été substantielles. Sa façon de composer est très différente de la mienne dans le cadre de mes projets solitaires, mais le fait d’observer son propre processus de création a été très enrichissant.

>Comment/où s’est déroulé l’enregistrement de ce premier album 'l’eXtase des fous' ? Etes-vous parvenus à restituer le son que vous recherchiez ?
C: Tout n’est que bric à brac de home studiste, rien de plus, donc pour le son, je n’irai pas jusqu’à dire qu’il constitue la finalité attendue, mais plutôt qu’il est ce que nos moyens nous ont autorisé. Vu le foutoir des morceaux et la volonté d’avoir un rendu clinique, froid et précis, on a pas eu des tonnes d’alternatives. Ça fait trop longtemps qu’on vit avec cet enregistrement pour ne pas en avoir tiré certaines conclusions, mais l’ambiance, la cohérence de l’ensemble, c’est véritablement ce que j’avais en tête, et ce qu’on avait envie de restituer avec Mriik. M: Oui, tout à fait. Nous sommes habitués à de telles méthodes. Pour tout te dire, j’ai fait les prises de chant au beau milieu de mon appartement lorsque je vivais encore en France, à l’aide de mon 8-pistes numérique. Après, le talent de Cypher en tant que bidouilleur sonore bat son plein pour le reste…

>Ça sort donc chez Blood Fire Death apparemment. Comment ça s’est décidé ? Aviez-vous contacté différents labels ?
C: Bon, on va pas se la
raconter, une quantité de labels non négligeables n’en a rien eu à cirer, une autre partie a trouvé l’album génial mais trop loin de leur ligne de conduite… ou alors la prise de risque était trop grande. En conclusion, sortis des labels UG amis qui l’auraient signé pour nous soutenir, seul B:F:D s’est manifesté immédiatement en nous donnant de solides arguments. M: Je t’avouerai que le fait de bien connaître Marco de Det Germanske Folket (et qui gère donc aussi la sous-division Blood:Fire:Death) a largement favorisé notre choix. De plus, Twilight Vertrieb est le distributeur principal, on s’est dit que c’était l’idéal pour lancer LdM, en particulier en Allemagne. Jusqu’à présent, nous sommes ravis de leur boulot, Marco fait une promo exemplaire, Twilight Vertrieb distribue l’album un peu partout, espérons que le feedback soit positif par la suite.

>A propos des textes, en français, dont le style est assez poétique et sobre, tranchant bien avec la rugosité musicale. J’ai lu quelque part que le processus d’écriture était fastidieux. Quelle en est la raison, vous recherchez la perfection ? Qui les a écrits ? Est-ce plus facile de bosser sur la musique que sur les textes ?
C: Fastidieux… oui ! Voilà une phase qui me prend autant de temps que la réalisation complète des morceaux… LdM est en quelque sorte une thérapie musicale, alors dès qu’il s’agit de mettre les mots sur les ambiances... Je pars toujours de choses très concrètes, puis je les noie dans l’abstraction pour les rendre plus universels, ce qui permet à Mriik de les faire siennes, et à l’auditeur de ressentir le propos. Qui plus est, il faut que les mots 'sonnent' aussi en tant que tels, au-delà de leur signification, ce qui n’est pas si simple en français. Bref, c’est un véritable brainstorming.

>C’est quoi l’idée derrière ce sous-titre, cette 'Introspection Létale' ? Pourquoi cette fascination pour la folie ?
C: C’est tout simplement parce que pour l’extase, je me suis mis à nu, face à moi-même. Une sorte d’introspection jusqu’au-boutiste durant laquelle une partie de moi est morte. J’ai su tirer la quintessence de mes vieux démons. C’est une sensation plutôt compliquée à expliquer en quelques lignes. Après, je ne me sens pas fasciné à proprement parler par la folie. LdM est très loin de l’univers d’un Stallagh par exemple. Ce qui m’intéresse, c’est beaucoup plus insidieux : la névrose, l’angoisse, la dépression. Ce qui en découle, comme la claustrophobie, l’agoraphobie, le vertige... Toutes ces choses et sensations avec lesquelles tout un chacun doit vivre le quotidien.

>C’est donc toi Mriik (Wolok, Devilish Era, etc) qui chante sur l’album dans un style féroce. Pourquoi crois-tu que Cypher t’ait choisi ? Comment as-tu appréhendé ces parties vocales ?
M: Cela n’a pas été facile. Premièrement, c’est la première fois que je suis amené à chanter en français, c’est tout con, mais ce n’était pas forcément évident. Par ailleurs, là où mes autres projets laissent une grande place à l’improvisation au niveau du placement des parties vocales, j’ai dû respecter la charpente élaborée par Cypher qui avait déjà tout planifié. Telle et telle phrase se case ici, ce couplet ira là, l’ossature était prédéfinie dans les grandes lignes. De plus, j’ai dû m’adapter au projet dans la mesure où j’ai opté pour un timbre de voix différent de celui que je développe dans mes autres groupes, je ne voulais pas sonner de la même façon. Enfin, le plus difficile a été d’interpréter des textes qui n’ont pas été écrits par moi. Cypher a écrit des morceaux très personnels, en particulier le dernier de l’album 'Le Tout Indivisible', et c’est toujours délicat d’aborder ce genre d’exercice. J’appréhendais le fait que Cypher soit déçu par mon interprétation. C: Au-delà de ses qualités de vocaliste, on se connaît bien avec Mriik. Ça me semblait primordial de donner mes textes à quelqu’un qui voit concrètement ce que je veux dire et donne ainsi une interprétation qui aille dans le bon sens. J’ai proposé le job à Mriik parce que ce qu’il a réalisé vocalement sur le 'Deiphobic Syndrome' de Devilish Era m’avait bluffé. Un panel tellement large d’émotions si humaines, il était forcément la voix qui correspondait à LdM.

>Quelques invités ont
composé les interludes ambiants. Qui sont-ils ? Ces parties ont-elles été utilisées telles quelles sur l’album, clé en main ? Ou ont-elles été remodelées une dernière fois par LdM ?
C: En premier lieu, il y a Yan D avec qui je travaille sur le projet Absent. Ça commence à faire quelques années que l’on bosse ensemble de manière étroite, donc forcément, l’idée de le faire travailler sur 'l’eXtase…' s’est imposée immédiatement et très naturellement. Ensuite, il y a Botchan Karisen, l’homme de Babylone Chaos. J’aime son travail sur BC et j’avais envie de le confronter à Yan. Deux sensibilités et deux manières de faire totalement différentes… Et vu le résultat, je crois que c’était le bon choix. Ils m’ont livré 4 titres chacun. Ils figurent tous sur l’album. Intégrer tout cela de manière cohérente a été le dernier challenge. Tenir une narration de bout en bout, créer l’unité. Pour cela, certains morceaux ont été très peu retouchés, d’autres sont plus méconnaissables.

>Je suis loin d’être un spécialiste en musiques électroniques, mais certaines sonorités m’ont fait penser à du Black Lung, à GGFH aussi pour l’apport en voix féminines innocentes, voire les géniaux Autechre. Quels sont ceux dont le travail a influencé consciemment LdM ?
C: Consciemment… aucun. J’évite absolument de chercher à sonner comme tel ou tel type. J’estime qu’il y a déjà suffisamment d’influences qui transfigurent de manière inconsciente. Le seul que je cite explicitement sur 'Le Tout Indivisible', c’est Takemura. Je lui ai piqué un sample tiré de son fabuleux remix du génial Steve Reich, sur l’album 'Reich Remixes'.

>D’où vient cette photo dérangeante qui illustre la pochette du cd ?
C: C’est une photo de mon fils. Tout l’artwork a été créé à partir de photos privées. Pour aller au bout du concept, il fallait que je donne une imagerie correspondante, donc personnelle.

>Parles-nous de Guerilla Underground ? C’est quoi exactement : un label, un collectif, une asso ? Quels sont les groupes concernés ?
C: Ecoute, ça fait un bon paquet d’années que j’ai créé Guérilla, et je crois que je n’ai jamais su définir concrètement cette structure. Disons que je l’ai créée pour venir en aide aux groupes UG avec qui j’avais des affinités. Je produisais bénévolement des démos pour leur donner de quoi démarcher (labels, concerts, etc.). J’avais le temps, et ma priorité allait à la scène (soutien des groupes, plus le zine/newsletter, plus l’orga de soirées etc.), mais j’en suis revenu. Ça a été très formateur, je m’y suis retrouvé au niveau de l’expérience. Je suis enfin devenu ma principale préoccupation musicale et il était temps. On vient d’ailleurs de remodeler le site, je te laisse l’adresse : http://guerillablog.free.fr qui a fini en petite distro.

>Quels sont les premiers retours concernant la sortie de ce 1er album ?
C: Ils sont bons pour ce qui concerne le 'milieu'. J’attends les retours des structures plus conventionnelles avec impatience pour voir comment il est perçu. M: Pour le moment, toutes les chroniques sont plus qu’encourageantes, j’ai été flatté de constater que certaines comparaisons avec Red Harvest soient régulièrement citées. Je suis fan de ce groupe en plus…

>Des projets de concerts pour La Division Mentale ? Ou cela restera une expérience studio ?
C: La Division reste avant tout une expérience studio auxquels participent différents laborantins. En même temps, il y a quelques personnes, dont Yan, qui aimeraient m’aider à faire tourner LdM. Sait-on jamais… Mais rien de concret n’est à l’ordre du jour. M: Ah bon ? Tiens, j’apprends quelque chose en même temps que toi Jean, ah ah, je découvre. Je ne serais pas contre, mais nos emplois du temps respectifs ainsi que nos situations géographiques risquent de compliquer la tâche.

>Voilà de mon coté j’ai terminé, si vous avez un truc à rajouter. Merci pour les réponses en tout cas.
C: Merci à toi pour le soutien. M: Nous apprécions vraiment l’intérêt que tu portes à nos différents projets. Bonne continuation à toi et encore merci. [email protected] myspace.com/ladivisionmentale
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interview réalisée par DJ In Extremis

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