Interview - Sharon den Adel & Robert Westerholt - promo Running
Up That Hill

Mindview n° 101 - Août 2003

Le groupe néerlandais WITHIN TEMPTATION se retrouve à nouveau
devant le feu des projecteurs avec leur nouveau single "Running Up That
Hill", une reprise de Kate Bush. "Mother Earth" est sorti depuis
déjà deux ans et il n\'y a pas encore de nouvel album en vue; ceci est imputable
en grande partie au succès de son prédécesseur. MINDVIEW est allé sonder la
situation du groupe auprès de la chanteuse Sharon den Adel et du guitariste
Robert Westerholt.



Pourquoi avez-vous choisi de sortir une reprise comme single au lieu
d\'un nouveau morceau?

Sharon: Parce que dans le passé nous étions déjà comparés à
Kate Bush. Quand nous relisions les interviews, les chroniques ou les comptes-rendus
de concerts, nous tombions souvent sur cette comparaison et nous nous sommes
dits :"Etudions la musique de Kate Bush d\'un peu plus près". Elle
précède un peu notre temps, nous avons tous dans le groupe entre 27 et 28 ans;
nous étions encore trop jeunes quand Kate Bush était au sommet de sa carrière:
nous ne connaissions que quelques morceaux de son répertoire. Nous avons alors
décidé d\'étudier sa musique et avons trouvé qu\'il s\'agissait en fait d\'une musique
de grande qualité. A ce moment nous avons pensé: "Jouons une de ses chansons
pour le fun". Nous avons donc totalement décortiqué la construction de
"Running Up That Hill" et nous en avons fait un morceau de WITHIN
TEMPTATION. Ce fut une telle réussite que nous avons décidé de l\'inclure dans
notre nouvel album. Nous ne voulons pas encore dévoiler les autres morceaux,
nous désirons encore les garder secrets un peu de temps. De plus comme "Mother
Earth" est sorti depuis déjà un bon moment, nous avons décidé de sortir
"Running Up That Hill" comme hors-d\'oeuvre.



Mais il est quand même frappant que vous ne sonnez absolument pas comme
Kate Bush sur ce single.

Robert: Oui, nous sommes WITHIN TEMPTATION et cela se produit
pour toutes les reprises de Kate Bush. Il s\'agit en fait plus d\'un clin d\'oeil.



Y-a-t\'il une raison particulière qui vous a poussés à choisir "Running
Up That Hill"?

Sharon: nous trouvions avant tout cette chanson très belle.
Le texte nous correspond bien; je trouve que si l\'on sort un morceau qu\'on n\'a
pas soi-même écrit, on doit au moins pouvoir s\'identifier au texte. Nous avons
profondément altéré le morceau musicalement, mais le texte aurait pu tout aussi
bien être issu de notre main. Nous avons donc dû beaucoup travailler la musique
pour en faire un morceau 100 % WITHIN TEMPTATION, en modifiant les accords et
en ajoutant des riffs. La version originale est un morceau calme, au chant murmuré
et lorsqu\'on écoute notre version, on s\'aperçoit qu\'elle est bien plus musclée
que celle de Kate Bush.



Il est plus que probable que vos fans ne connaissent pas cette chanson.

Sharon: Je sais fort bien que la plupart de nos fans ne connaissent
absolument pas cette chanson, seulement les gens de notre âge, peut-être, et
les gens plus âgés. Mon père est un très grand fan de Kate Bush et je ne l\'ai
découvert que lorsque nous jouions cette reprise, quand il a subitement déclaré
qu\'il avait toute une pile de ses disques.



Nous devons donc attendre un moment avant de voir la sortie de votre
troisième album. Il y eut aussi une longue attente entre "Enter" et
"Mother Earth". Cette attente était due aux études des membres du
groupe. Maintenant le vrai succès commence à poindre. Trouvez-vous qu\'il est
difficile de devoir sans cesse tout postposer?

Robert: Cela dépend naturellement de l\'organisation au sein
d\'un groupe. Certains groupes écrivent très vite tandis que pour nous il s\'agit
d\'un stade qui prend habituellement du temps. Nous ne sortons quelque chose
que si nous en sommes totalement satisfaits. Nous devons pouvoir prendre du
recul et donc nous ne laissons personne nous mettre la pression en ce qui concerne
le facteur temps. Il n\'y aurait rien de pire pour nous que de sortir un album
dont nous ne serions pas sati

sfaits. Nous ne pourrions même pas y survivre.
Si cela doit durer dix ans, cela durera dix ans. Il ne nous est pas agréable
de prendre autant de temps. Nous voudrions bien nous aussi porter de nouveaux
morceaux sur scène. Ce serait trop dément de sortir un album tous les six mois,
mais où trouverions nous le temps?

Sharon: Les gens nous demandent souvent si la pression due
au succès ne constitue pas un embarras pour nous, mais c\'est vraiment le domaine
dans lequel nous nous sentons le moins gênés. La plus grosse gêne pour nous
provient de la pression artistique et du fait que nous ne pouvons pas vivre
avec ce que nous écrivons. De temps en temps nous jetons quelque chose aux orties
et alors nous devons recommencer à zéro, cela coûte habituellement beaucoup
de temps.

Robert: D\'un point de vue commercial il est de bon ton de sortir
une nouveauté tous les ans, voire moins, toutes les maisons de disque en seraient
ravies, mais ce mode de fonctionnement ne nous convient pas.

Sharon: Nous ne sommes pas du tout préoccupés par l\'aspect
commercial car sortir un album le plus vite possible est peu compatible avec
notre manière de travailler, nous voulons avant tout bâtir une oeuvre de qualité.



Avez-vou déjà une petite idée de la date de sortie de votre nouvel album?

Robert: Nous nous sommes fixés comme but de l\'enregistrer cet
été et espérons le sortir ensuite le plus vite possible mais cela dépend naturellement
de la firme de diques. C\'est pourquoi, à part quelques festivals, nous avons
prévu peu de choses cet été.



Est-ce que la musique est en grande partie prête?

Robert: Dans les grandes lignes oui, mais nous devons encore
voir si tout s\'ajuste bien dans le concept. Nous devons encore beaucoup travailler
les arrangements et peaufiner un peu partout.

Sharon: Par le passé nous jouions déjà par exemple "Ice
Queen" aux Lowlands avant la sortie de "Mother Earth", et la
version album diffère grandement de cette version live: nous avons utilisé d\'autre
sonorités et d\'autres textes, car les précédents ne correspondaient plus; nous
avons donc tout repris à zéro.



Y-aura-t-il de grands changements musicaux?

Sharon: Je pense que la musique sera un peu plus musclée. On
peut déjà le remarquer sur "Running Up That Hill", la production est
totalement différente de celle de notre album précédent.

Robert: Mais "Running Up That Hill" n\'est pas vraiment
représentatif du reste de l\'album. Cela reste du WITHIN TEMPTATION mais il y
a toujours des changements dans le son et l\'atmosphère.

Sharon: Nous essaierons cette fois-ci de nous appuyer sur un
véritable orchestre, mais cela prend beaucoup de temps à concrétiser: on ne
se rend pas compte du temps que cela prend, d\'écrire des arrangements pour tous
les instruments!



Y-a-t-il une chance d\'entendre à nouveau le chant guttural ou est-il
définitivement abandonné?

Sharon: Nous n\'excluons rien.

Robert: Nous évoluons et utiliser un chant guttural serait
naturellement un retour en arrière, mais viendra ce qu\'il viendra.

Sharon: Si un morceau se prêtait bien à ce type de chant, si
ce chant apportait une réelle valeur ajoutée, alors nous le ferions; nous n\'avons
rien contre le chant guttural.



Entretemps vous avez signé un contrat avec le label Gun pour le marché
allemand. Gun va en fait refaire une promotion de "Mother Earth".
Est-ce l\'une des raisons qui explique qu\'on doit attendre un peu plus longemps
la sortie du nouvel album?

Robert: L\'album n\'est pas prêt, c\'est pourquoi nous ne le sortons
pas et c\'est l\'unique raison. Par contre, cette nouvelle promotion de "Mother
Earth" nous a incités à sortir "Running Up That Hill" uniquement
dans le Bénélux. "Mother Earth" va ressortir en Allemagne, car dans
ce pays la promotion était inexistante et la distribution mauvaise lors de la
sortie originale.

Sharon: Par exemple nous faisions un festival en Allemagne
mais les gens ne pouvaient trouver notre album nulle part; c\'est naturellement
frustrant.



Vou

s allez bientôt vous retrouver au Graspop pour la deuxième
fois. Mais vous n\'avez rien sorti entre vos deux participations. Est-ce que
cela vous semble être une situation étrange ?

Sharon: Non, nous essayons d\'apporter chaque fois du neuf;
maintenant nous avons quelques nouveaux morceaux à présenter et nous avons aussi
de nouveaux décors. Nous proposons donc chaque fois une prestation différente.



Adaptez-vous votre setlist au public? Y-a-t\'il une différence entre
la setlist du Graspop et celle de Werchter?

Sharon: Cela dépend surtout du temps à notre disposition lors
d\'un concert. A Werchter nous avons aussi joué des morceaux plus anciens; cela
a provoqué des réactions fort positives et nous avons alors pensé: "Wow,
il y a aussi des fans de la première heure ici".

Robert: Nous sommes un groupe en évolution, la musique est
différente sur chaque CD. On le voit aussi pour METALLICA par exemple. Leurs
albums sont chaque fois différents. Les fans de "Ride The Lightning"
et "Kill\'em All" ont détesté "... And Justice For All",
tandis que les fans de cet album ont décrié "The Black Album". Et
ainsi de suite. La conclusion de cette histoire est que si nous nous laissons
influencer par les dires des gens sur ce que nous devons écrire, nous aboutissons
alors à une musique de compromis. On peut être très préoccupé de la façon dont
les morceaux s\'enchaînent, mais nous ne partons pas avec l\'idée: "Nous
avons tel public, nous jouons donc tels morceaux". Nous recevons parfois
des commentaires de la scène métal; les gens de cette scène pensent qu\'un groupe
est populaire s\'il vend par exemple 30 000 CD en Belgique mais ils oublient
qu\'il y a dix millions de gens qui y habitent. Tout est relatif.



Mais il est aussi clairement plaisant que vous puissiez vous produire
au Graspop sur la scène principale.

Sharon: En principe ce n\'est pas vraiment un avantage: si nous
nous produisons dans une tente, nous restons plongés dans l\'obscurité et cela
dessert bien le décor; sur la scène principale, en pleine lumière, le décor
est moins bien adapté.



Est-ce que le succès a désordonné votre vie?

Sharon: Non, pas vraiment. Parfois nous sommes bien un peu
"connus", mais cela ne nous a pas changé, c\'est resté une belle expérience.
Que tant de gens apprécient notre musique est un compliment énorme.

Robert: Nous avions d\'abord un boulot à plein temps et notre
musique à côté, c\'était particulièrement chaotique. Maintenant nous nous consacrons
uniquement à la musique et notre vie est encore plus chaotique. C\'est la seule
chose qui a changé.

Sharon: Quand nous avions un travail en plus de notre musique
nous ne pouvions faire convenablement ni l\'un ni m\'autre; nous allions sans
cesse de l\'un à l\'autre et cela n\'est pas très bon. On ne pouvait faire cela
en permanence et nous avons donc dû faire un choix. Maintenant nous avons plus
de temps à consacrer à la conception de nos décors et à l\'enregistrement de
nos vidéoclips et ceci est bien plus gai.



MINDVIEW existe depuis maintenant dix ans. Que signifie notre magazine
pour vous et pour la scène métal?

Sharon: MINDVIEW est le premier magazine à nous avoir consacré
sa couverture et c\'était naturellement pour nous un moment spécial. Ce que je
trouve important est la gratuité du magazine: il atteint des gens qui ne sont
pas forcément enclins à acheter un journal et qui peuvent être amenés à se frotter
à d\'autre styles musicaux par son biais. D\'autre part il est important pour
les groupes débutants -- comme nous à l\'époque de "Enter" -- d\'attirer
l\'attention des médias et dans cette optique vous apportez certainement une
contribution importante à la scène métal.





Propos recueillis par Karel LALEEUWE - MINDVIEW - site
Web:href=\"http://www.mindview.be\">www.mindview.besize=\"4\">

Traduit du néerlandais par Miss MC



Un tout grand merci à Peter ROTTHIER pour m\'avoir donné la permission
de traduire l\'interview et la mettre sur ce site ;-) !