Stéphan Forté

Musicien d’exception rapidement sorti de nos frontières pour laisser exploser son talent et sa technique dans le monde entier, Stéphan Forté, guitariste et fondateur d’Adagio, se permet aujourd’hui une petite parenthèse avec un premier album solo instrumental hautement technique et ambitieux. C’est néanmoins un homme simple, sympathique et affable que l’on retrouve à l’autre bout du téléphone pour discuter de « The Shadows Compendium » et du prochain Adagio qui promet d’écrire certaines des plus belles pages du metal tricolore. Place à l’artiste. [Par Eternalis]

interview Stéphan Forté1 – Salut Stephan comment vas-tu ? The Shadows Compendium vient juste de sortir. Il s’agit de ton premier album solo depuis la demo « Visions » sortie en 1996…que peux-tu me dire sur l’album et sur son nom (cf : « Résumé de Ténèbres » en français) ?
C’est une métaphore qui regroupe l’ensemble des arts sombres, que ce soit la peinture, la littérature ou la musique, et qui me représente. Donc c’est une sorte de recueil de ces ténèbres…

2 – Tu travailles actuellement sur le cinquième album d’Adagio et on peut dire que le statut du groupe est aujourd’hui bien imposé. Qu’est-ce qui a fait qu’il était le bon moment de sortir The Shadow Compendium ?
J’ai envie de le faire depuis la première demo en fait, mais pour des raisons commerciales, il fallait que je mette du chant. Mon premier label avait plus ou moins imposé de faire un album d’un groupe « traditionnel » et depuis tout ce temps, je n’avais pas encore eu la possibilité de revenir dessus. Juste après « Archangels in Black », le dernier Adagio, je me suis pris du temps pour moi, et voilà le résultat aujourd’hui.

3 – L’album est évidemment très technique, souvent rapide et avec des soli souvent constants, servant même parfois de rythmiques. As-tu eu peur à un moment de tomber dans l’écueil de la technique facile et démonstrative ou alors tu t’en foutais simplement ?
En fait c’est un album que je voulais faire uniquement pour moi, sans faire aucun compromis ni penser à ce que les autres en penseraient. C’est aussi ça l’intérêt d’après moi de faire un album solo donc non, je ne me suis pas du tout posé de questions. Cet album est vraiment ma façon de concevoir la musique, donc avec des morceaux très techniques qui font très shred (ndlr : jouer très vite, de manière démonstrative) et d’autres titres basés bien plus sur l’émotion et les mélodies. C’est un mélange de beaucoup de choses.
Après l’éternelle question sur la technique et tout ça, je n’y fais plus vraiment attention. J’estime que pour s’exprimer, on a besoin de vocabulaire donc ça tombe sous le sens (rires). C’est donc très technique mais c’est comme ça que je conçois la musique.


4 – On retrouve beaucoup d’invités sur l’album, que ce soit des guitaristes en pleine lumière aujourd’hui ou d’autres plus confidentiels. Pourquoi avoir choisi ceux-là et pas d’autres ?
Alors Jeff Loomis, Glen Drover et Matthias IA Eklundh se sont retrouvés là parce que ce sont des potes. J’adore leur façon de jouer, leur personnalité musicale donc ça me semblait évident de les avoir sur l’album. Les deux autres sont moins connus mais j’adore leur jeu, je les ai découvert il y a assez longtemps et ils ont des touchés très particuliers qui apportent une couleur différente au disque selon moi.
J’ai envoyé mes petites invitations et ils ont tous acceptés ; j’en ai été très content et très fier.


5 – La pochette de l’album, les photos promos etc…expriment un côté assez dark, mais je trouve l’album plus mélodique que Dominate et Archangels in Black d’Adagio. Il est aussi beaucoup plus mélancolique…qu’est-ce que tu voulais exprimer à travers tes compos en solo et la pochette de l’album, bardée de symboles ?
C’est vraiment une transposition en musique et en images de mon univers, de ce que j’aime et de ce que je suis réellement. Je considère vraiment l’art comme une forme d’expression donc tout ceci est tout simplement le reflet le plus pur de ma personnalité.

6 – Le dernier morceau justement, Improvition Sonata, est très mélancolique, latente et plombe littéralement le moral contrairement au reste de l’album, plus résolument puissant. On dirait que tu te mets à nu dans ce dernier titre…
C’est marrant parce que tu es le premier à me dire ça. La plupart des interviews que j’ai faite, les journalistes ne comprennent pas
interview Stéphan Fortévraiment ce morceau ou pourquoi j’ai fait ça donc c’est déjà agréable (rires).
En fait, c’est un moment, un instant que j’ai retenu. Je voulais faire ça depuis longtemps et là encore, je pense que c’était le bon moment. Je suis partout de cette sonate pas très connu de Beethoven et j’avais toujours voulu faire quelque chose dessus. Donc je suis parti d’une partie de piano et ensuite improvisation en une prise, sans ne rien retoucher dessus par la suite. Donc je suis à nu dessus comme tu dis, complètement même.


7 – The Shadows Compendium me fait beaucoup penser à The Glass Prison de DT sur l’intro, et la mélodie principal de Spiritual Bliss à Octavarium…est-ce que la comparaison avec DT te gêne et est-ce que tu la trouves viables ?
Alors Dream pour être tout à fait honnête, je suis énormément fan de « Images and Words » et « Awake » et tout ce qu’il y a eu après, beaucoup moins. J’ai beaucoup de mal à écouter un album en entier.
« Octavarium », je n’ai pas aimé donc l’influence si elle est là, n’est pas du tout volontaire. Après peut-être que l’on retrouve des éléments similaires mais rien n’a été conscient ou voulue…



8 – Est-ce que tu vas faire des concerts pour promouvoir le disque ?
A la base, je devais faire pas mal de masterclass, uniquement basé sur la guitare donc mais suite à pas mal de demandes, des concerts font ce faire effectivement.
Franck (ndlr : Hermany, bassiste d’Adagio) et Kevin (ndlr : Codfert, claviériste d’Adagio) me suivront mais je ne sais pas encore ce qui en sera pour la batterie.



9 – Est-ce que tu as tout fait seul ou alors des personnes extérieures t’ont aidé ?
Kevin s’est occupé des parties de batterie et m’a proposé beaucoup d’idées. Il sait ce que j’aime, on se comprend beaucoup maintenant donc il s’est occupé de presque toutes les programmations pour l’album et au niveau de la prod, c’est moi qui ai produit et lui a mixé donc un vrai travail en commun.
En dehors de ça, c’est moi qui ai tout fait.


10 – Et pour Adagio ? Maintenant que Kelly Carpenter est au micro et que l’on sait qu’il y aura un orchestre sur l’album, on est impatient…ce sera pour quand ?
En fait, je dois finir toutes les compositions pour le 20 décembre (ndlr : interview réalisée fait novembre) donc c’est bien avancé oui. Il me reste trois titres à finir et on rentre à studio en janvier.
Par contre, en ce qui concerne l’orchestre, ce sera pour l’album d’après parce que c’est super long à mettre en place, il y a des subventions à gérer, des emplois du temps de fou et l’orchestre est assez gros donc déjà bouclé depuis longtemps. Ce sera pour le sixième album mais celui là, le cinquième, arrivera mi-2012.


11 – Comment s’est passé l’intégration de Kelly après le passage éclair de Màts Leven au chant ?
On avait déjà travaillé avec lui pour la tournée au Japon avec Adagio parce que le chanteur que l’on avait à ce moment-là n’avait pas pu avoir de visa. J’adorais Kelly pour ce qu’il avait fait dans Beyond Twilight et Outworld donc il nous avait dépannés pour ce coup-là. Tout c’était super passé, il a vraiment la voix qui colle à l’univers d’Adagio, une technique monstrueuse et un brin de voix à la fois mélodique et très sombre qui est géniale ; et humainement, c’est quelqu’un de très cool.

Donc ça faisait un moment que l’on aurait voulu travailler ensemble mais il habitait au Texas. Pas évident de bosser ensemble mais à chaque fois que l’on avait un changement de chanteur, on se contactait mutuellement pour savoir si c’était possible ou non mais il n’était pas décidé à quitter le Texas. Mais il y a quelques mois, il m’a contacté en me disant qu’il habitait désormais en Belgique donc ça a été évident pour lui comme pour nous que c’était enfin le moment de bosser ensemble. Donc voilà, tout a été trè
interview Stéphan Fortés naturel.

Et pour Mats, c’était vraiment pour la tournée. Il a été super cool mais ça a été clair dès le départ, il nous a dit « Tant que vous n’avez pas de chanteur, je reste avec vous » mais c’était fixé qu’il ne voulait pas rentrer dans un groupe. C’est une sorte de « mercenaire », il aime avoir ses trucs à lui et faire ce qu’il veut quand il veut. Donc ça a été clair dès le départ mais c’était vraiment clair entre nous. Dès que Kelly nous a écrit, j’ai contacté Mats et tout a été naturel, il nous a souhaité bonne chance pour l’avenir et on reste en excellent termes.



12 – Est-ce que tu penses que tu as encore des choses à apprendre sur un point strictement technique ?
(rires). En fait, je fais entre trois et quatre heures par jour pour retenir le peu (ndlr : il se reprend vite), enfin ce que j’ai déjà et ne pas le perdre (ndlr : modestie quand tu nous tiens).
C’est bateau de dire ça mais c’est vrai : plus on avance et plus on se rend compte des choses que l’on a à apprendre donc oui, il me reste encore énormément à apprendre. Je me fixe des objectifs et quand je les atteints, je remarque qu’il y a des choses que je ne maitrise pas et ainsi de suite…infiniment.


13 – Qui est ton idole et avec qui rêverais-tu de partager la scène ?
En metal, on pourrait dire Metallica ou les plus gros évidemment, pour partir en tournée avec et faire des salles immenses. Après en musique à l’état pure, il y en a plein, mais pas forcément dans le metal et pas très connu. Il y a un violoniste tzigane que j’adore par exemple…hum…voilà, il y en a vraiment pas mal.

14 – Cela fait plus de quinze ans que tu es dans le métier. Est-ce que ton regard a changé sur l’industrie du disque ? Sur le fait d’être musicien et de vivre de sa musique… ?
Enormément oui, le marché et ma vision ont beaucoup muté. J’étais beaucoup plus jeune et moins expérimenté donc j’ai appris beaucoup, de mes erreurs pour commencer puisque tous n’a pas évolué dans le bon sens.
Il y a des choses qui ont marché, d’autres beaucoup moins. Les contacts se sont fait aussi avec le temps et dans le business, ça reste quelque chose de primordial : avoir des contacts avec tout le monde. Donc oui, depuis mon premier disque, je ne suis plus vraiment le même sur cet aspect-là de ma vie.


15 – On te voit dans les vidéos, les interviews, en festival…très ouvert et proches autant de tes fans que des gens qui t’entourent. Quelle est ta recette pour ne jamais avoir pris la grosse tête et avoir gardé les pieds sur Terre ?
Oui…tout a été naturel en fait.
Par rapport au phénomène de ces musiciens qui prennent la grosse tête et qui s’enferment dans une bulle pleine d’ego, il faut peut-être qu’il réalise que l’on fait cela pour les gens surtout, pour leur offrir un moyen de s’échapper de la vie réelle, du quotidien ou de leur faire passer des messages. Ce que je veux dire, c’est que l’on n’est pas dans une démarche qui change le monde non plus, donc se la raconter et faire des différences je ne comprends pas. Je pense qu’on est tous pareils sauf que certains font de la musique et d’autres l’écoute donc ça me parait naturel de discuter avec les gens.
Je trouve même ça cool au contraire de rencontrer les gens, de discuter de ce que tu fais, de ce qu’il aime ou un peu moins et quand ils sont content de te voir, ça me fait tout autant plaisir. Ils prennent du temps pour venir te voir, t’écouter ou acheter tes disques donc ça me parait tout à faire normal d’en prendre pour les rencontrer un peu…
Ça ne parait donc pas bizarre du tout (rires).



16 – Dernier mot à ajouter… ?
Merci déjà pour l’interview.
J’espère que l’album plaira à ceux qui me connaissent et à ceux qui me découvriront avec. Et pour ceux qui ne sont pas musiciens, je pense quand même qu’ils pourront passer un moment agréable.
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interview réalisée par Eternalis

6 Commentaires

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spoky - 28 Décembre 2011: Merci pour l'interview! un vrai seigneur ce Stéphan!
J'ai vraiment hâte d'entendre le nouvel adagio...
beon - 28 Décembre 2011: Excellente interview, merci!!!
Ce Stephan est bien le meilleur!!
Eternalis - 29 Décembre 2011: Merci à vous.
Stéphan est en effet quelqu'un de vraiment adorable et la conversation a été la plus naturelle du monde grâce à lui...
Et on peut dire que ce qu'il annonce du Adagio donne l'eau à la bouche...en espérant qu'ils passent enfin un cap !
Metalyon - 13 Janvier 2012: Merci Eternalis, comme d'hab, que ce soit en interview ou en critique, tu gères ! Et merci à Stephan, en effet, ça donne l'impression que tout était naturel !
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