Skyharbor

Skyharbor est un groupe assez rare sur scène, encore plus en Europe, et carrément unique en France, où c'est la première fois qu'il passe. Je ne voulais donc manquer leur présence dans notre pays sous aucun prétexte, et c'est pour cela que je suis venu jusqu'à Lyon. Et quitte à aller au concert, autant y rencontrer l'homme à l'origine du groupe Keshav Dhar, qui est au moins aussi sympathique qu'intéressant. Comme nous ne savons pas trop où s'installer pour l'interview, on nous propose finalement d'aller dans la salle, et c'est assis sur la scène du Marché Gare que l'interview s'est déroulée. Merci donc à Keshav d'avoir prit le temps de répondre à mes questions, à Hannah Gillicker de Hold Tight! Pr pour avoir organisé ce rendez-vous, et à Clémentine de Sounds Like Hell Productions pour l'accueil sympathique sur place.

interview Skyharbor1. Vous êtes en tournée actuellement en Europe, tous se passe bien ? Le public français vous apprécie ?
C'est notre quatrième fois en Europe en fait, et la deuxième fois pour une tournée. Tout se passe très bien, merci ! Le public français est sympathique, ça s'est bien passé.

2. Vous avez sorti en novembre dernier votre deuxième album, Guiding Lights, peux-tu le présenter ?
Oui bien sûr ! Donc c'est comme tu le dis notre deuxième album, le premier est sorti en 2012, et dès qu'il est sorti on s'est mis à travailler sur le second. Guiding Lights est très différent du premier album, parce qu'à l'époque c'était encore mon projet solo. Et puis le projet est devenu un groupe de scène, car je ne voulais plus que ce soit quelque chose en solo, je voulais que Skyharbor devienne quelque chose de collaboratif. Il y a des groupes où un seul gars compose tout, mais je ne voulais pas d'un groupe comme ça, sinon tout finit par se ressembler. Si j'étais resté à tout composer, le groupe aurait tourné en rond, et si tout le monde met sa patte à l'album, ça le rend plus coloré. On a passé beaucoup de temps dessus, mais on est très contents du résultat. Pour le premier album c'était juste l'expression de Dan et moi, donc cette fois c'est cinq personnes avec chacun leurs propres influences.

3. Et qu'est-ce qu'apportent les autres alors ?
Chacun a des influences très différentes, comme chacun vient d'un endroit différent. On a tous des goûts musicaux différents. Personnellement j'aime beaucoup la musique ambient ou les soundtracks, d'autres aiment la pop ou le jazz, ou encore la musique électronique. Donc chacun apporte sa touche à sa manière, et ce qui en ressort est très intéressant.



4. C'est pour cela que le deuxième album est plus rock, plus mélodique ?
Oui, très probablement !

5. Pourquoi plus de chant hurlé ?
Je crois que ce n'était pas une décision consciente. En fait, aucun de nous n'écoute de metal extrême. Sur le premier album il n'y avait finalement que trois morceaux avec vraiment du chant growlé ; l'album était en deux parties, Illusion et Chaos, et donc c'était sur la deuxième partie qu'il y avait du growl. C'était un chanteur différent qui s'en occupait, un ami à moi [Sunneith Revankar]. J'étais simplement en train d'expérimenter, je voulais tout essayer : chant clair, chant hurlé, scream, growl, chant haut-perché, ou très grave, tout ! Et quand on expérimente, tout doucement on commence à trouver ce qui nous plaît vraiment et ce qui nous convient. Et donc quand on s'est mis à écrire pour le deuxième album on a fait comme si le chant hurlé n'était pas nécessaire du tout, pour ce qu'on fait en tout cas. Mais pour la suite on ne se pose pas de question, si on a envie de remettre du scream sur une chanson, on le met.

6. Comment Dan Tompkins a-t-il rejoint le projet ? Tu n'étais pas encore très connu à l'époque …
Il faut remonter jusqu'en 2010, en octobre je crois. J'avais reçu un message sur Myspace. Dan regardait alors sur internet des nouveaux groupes, pour voir et écouter de nouvelles choses, c'est un peu ce qu'on fait tout le temps (rires). Il voulait collaborer avec des gens différents, pas en tant que projet à temps plein à l'époque, mais juste pour faire des expériences. Il a écouté mes démos, et je suppose qu'il a aimé, puisqu'il m'a demandé : "Tu as des idées pour le chant ? Au cas où je pourrais le faire sur une chanson". On a donc fait une chanson comme ça, et puis je lui en ai envoyé d'autres, juste pour qu'il écoute, et comme il les a appréciées aussi il a demandé pour aussi chanter dessus. On en a fait encore d'autres, et à la fin on s'est rendu compte qu'on avait un album ! On a eu des très bons retours, des avis très encourageants pour ce premier album, ça a donné des envies pour la suite. C'est à cette époque qu'il a quitté Tesseract pour la première fois, et du coup il m'a proposé de se rencontrer pour jouer ensemble et pourquoi pas créer un vrai groupe.

7. Et comment les trois autres sont venus ?
Je connaissais déjà depuis un certain temps le guitariste Devesh Dayal, il habitait en Inde, et il jouait dans un groupe qui s'appelait Goddess Gagged. J'avais besoin d'un autre guitariste en plus de moi, vu que
interview Skyharbor nos chansons utilisent plusieurs guitares, et je ne voulais pas que ce soit un seul gars qui le fasse, en utilisant un ordinateur à côté, je n'aime pas trop ça, pour moi c'est de la triche. Donc j'avais besoin d'un second guitariste, et il m'avait dit "si tu as besoin d'un autre guitariste, dis-le moi". Il a appris tous les morceaux lui-même, sans aide, sans tablatures, juste en écoutant. Il a tout travaillé lui-même, j'ai été très impressionné, donc je lui ai dit de venir avec nous.

C'était un peu la même chose avec Krishna, il a aussi joué dans Goddess Gagged. On avait un autre bassiste à l'époque, qui s'appelait Nikhil, et qui était un vieil ami à moi. Il avait joué dans d'autres groupes avant, mais ça n'a pas beaucoup marché pour lui, il nous a recommandé Krishna, et c'est donc Krishna qui est devenu notre bassiste.

Le batteur était Anup Sastry. Il faisait beaucoup de vidéos sur youtube, et il m'avait envoyé un message en me demandant de faire une reprise d'un de mes morceaux. Il a fait ça, puis il m'a demandé si je comptais faire de la scène avec Skyharbor. Je ne savais pas trop quoi répondre, et puis on a eu cette proposition pour un concert en Inde, donc je lui ai demandé s'il pouvait venir. Il est venu, on a fait ce premier concert, et puis il est resté dans le groupe. Récemment il a quitté Skyharbor. On ne l'a pas encore annoncé, on l'annoncera à la fin de la tournée. Il était très occupé, il a un autre groupe, qui s'appelle Intervals, au Canada, et qui tourne beaucoup. Il fait en plus des albums solo. Il a dû choisir un des deux projets … et c'est eux qu'il a choisi. Pour la tournée c'est notre ami Aditya Ashok, de Mumbai, qui le remplace, et c'est maintenant notre nouveau batteur.

8. Vous ne vivez donc pas tous dans le même pays …
En fait on vit presque tous dans le même pays maintenant. Dan habite au Royaume-Uni, et Devesh est actuellement à Boston, il étudie à Berklee, mais le reste est à Mumbai. Je suis de Delhi, mais je suis venu avec eux à Mumbai. La plupart du temps on communique par email ou par Skype.

9. Mais comment vous répétez ?
Ah c'est une très bonne question (rires) ! Nous ne répétons pas beaucoup en réalité. Pour cette tournée on s'est réunis un jour avant de commencer, et on a fait une seule répétition. On a joué trois heures, et après c'était on y va ! En réalité nous travaillons beaucoup, mais chacun de notre côté. Chacun connaît très bien ses parties, et puis chacun est tellement bon avec son instrument qu'on a pas besoin de répéter beaucoup ensemble. Mais d'un autre côté c'est très stressant.

10. Quels ont été les retours pour Guiding Lights ?
Ça a été très positif, les gens en ont dit beaucoup de bien, j'ai été assez surpris. J'espérais quelques critiques négatives, pour connaître ce qu'ils attendaient, mais tout le monde à l'air de l'aimer, donc je ne me plains pas ! Pour le premier album aussi on a eu beaucoup de bonnes critiques, mais aussi quelques unes négatives, qui disaient que ça ne sonnait pas très original, que ça ressemblait à tel ou tel groupe. Et c'était vrai, parce que quand on fait un premier album, nos influences sont très présentes, c'est pour tous les groupes comme ça. On ne développe pas son propre son tout de suite dès le premier album, mais souvent avec le deuxième ou le troisième. C'est avec le deuxième album qu'on a vraiment fait ce qu'on aimait faire finalement. Si on essaye de rendre quelqu'un heureux, et bien même quand ça marche la personne à côté ne sera pas nécessairement heureuse. Donc on doit vraiment jouer ce qu'on aime jouer. Ça n'a pas de sens d'essayer de plaire à une personne. Chacun a sa propre opinion, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise opinion, tu aimes ou tu aimes pas, et nous on fait juste ce que nous aimons. Si d'autres personnes aiment tant mieux, sinon, pas de chance.

11. Est-ce que tu penses qu'il y a une scène dédiée au metal progressif en Inde ?
Oui … On est quelques groupes de prog en Inde, mais je n'appellerais pas ça une scène. Il est très difficile pour un groupe en Inde de sortir du pays, pour aller en Europe par exemple, à cause des coûts très élevés pour voyager. C'est très très cher. Nous perdons de l'argent avec cette tournée, beaucoup d'argent. Les vols nous coûtent à chaque fois entre 500 et 600 euros, puis il y a les visas, et après nous devons louer un
interview Skyharbor véhicule, payer le staff, la nourriture … Ça fait des milliers d'euros au total, et nous ne gagnons pas tant que ça en retour. Donc tu vois c'est très dur pour les groupes indiens de sortir du pays. Nous tous dans le groupe avons un travail quand nous revenons. On gagne de l'argent en travaillant, et d'un coup quand on fait une tournée on dépense tout. C'est difficile, mais c'est vraiment quelque chose qu'on veut faire. C'est très difficile d'être un groupe qui fait des tournées ces temps-ci. Les gens disent que l'argent vient des concerts, mais ce n'est pas vrai ; il n'y a pas d'argent dans l'industrie de la musique pour les musiciens. Il y a de l'argent si on veut être ingénieur du son, si on veut être un tour manager, un agent de tournées, tout sauf musicien. Donc en Inde c'est vraiment très difficile pour beaucoup de gens qui veulent faire de la musique, mais qui n'ont pas les moyens pour ça. Mais il y a quand même des concerts qui se tiennent, il y a une petite scène qui grossit peu à peu. (ndlr : Comme Coshish ?) Oui Coshish par exemple ; ce sont des groupes talentueux, qui travaillent dur. Mais ils ont beaucoup de difficultés à passer à l'échelle supérieure et faire des tournées comme on est en train de faire. Je ne peux pas le leur reprocher, parce que … On a eu de la chance. Le genre de musique qu'on joue, le djent, est devenu d'un coup extrêmement populaire, en 2011 quand on a commencé. C'était très inattendu, la scène djent est devenue d'un coup très importante. On a eu soudainement beaucoup d'offres. Pour Coshish je ne pense pas qu'ils auront tout de suite le genre d'offres qu'on nous a proposé, parce qu'on a vraiment eu de la chance avec ça. Pour eux je pense qu'ils devront probablement investir plus d'argent, et être encore plus déterminés, c'est très difficile. Mais il y a quand même quelques groupes qui parviennent à faire quelques tournées un peu plus loin, comme Kryptos, qui joue du Thrash metal old school. Demonic Resurrection aussi, de Mumbai, arrive à faire quelques tournées. Mais pour les autres ça reste difficile. C'est pour cette raison qu'on est encore jamais allés aux États-Unis, c'est encore plus cher là-bas. En Europe on nous donne toujours l'hôtel, et le dîner, mais en Amérique on ne nous donne rien du tout.

12. Est-ce que vous êtes déjà en train de composer pour le prochain album ?
Oui ! On a déjà six morceaux presque terminés, qui seront je l'espère sur un prochain album. (rires).

13. Vous êtes rapides (rires) !
Oui, parce qu'en fait on ne fait pas beaucoup de tournées, donc dès qu'on est chez nous on a du temps pour composer.

14. Comment est-ce que ça sonnera ?
Ça va être différent. Différent du premier et du deuxième album. Tu vois avec le premier on voulait tout essayer, et avec le deuxième on voulait jouer des longs morceaux progressifs et atmosphérique, qui durent huit ou neuf minutes. Ça a rendu très bien, et on est très contents de ça. Pour le troisième album à mon avis on va se diriger vers des morceaux plus courts, plus punchy. Sur Guiding Lights on joue sur les atmosphères, c'est plus lent, ça ne te frappe pas au visage. Sur le troisième on va essayer de faire quelque chose plus frappant, on verra bien !

15. Qu'est-ce que vous écoutez comme musique ?
Je ne peux pas trop parler pour les autres, mais pour moi en ce moment … J'apprécie beaucoup la soundtrack du jeu Machinarium, c'est impressionnant, vraiment très beau. Karnivool évidemment mon groupe préféré, Oceansize, ou cet artiste de musique électronique qui s'appelle Floex, très très bon, tu devrais aller écouter !

16. Et bien merci à toi ! Si tu as quelque chose à dire …
D'abord merci à tous ceux qui viennent nous voir à nos concerts, c'est la première fois qu'on vient en France, et l'accueil était très très bon. Il y avait du monde, on ne s'attendait pas à ça. À Nantes c'était un peu calme, parce que les gens étaient plus en train d'écouter que de vraiment bouger, c'est une autre manière d'apprécier. On apprécie vraiment tous ces gens qui nous soutiennent, ça nous fait plaisir bien sûr ! Les salles françaises sont très bonnes, encore une fois la scène ce soir est superbe, on ne joue pas souvent dans des endroits comme ça, donc merci à tous ceux en France qui nous soutiennent aussi de cette manière, et merci à toi !

interview réalisée par LeLoupArctique

3 Commentaires

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=XGV= - 01 Avril 2015: Merci pour l'interview, c'est notamment intéressant de savoir comment ils ont réussi à récupérer le chanteur de TesseracT avant même leur premier album.

J'ai été déçu du dernier album, mais ce qu'il dit au sujet du prochain album m'ouvre quand même l'appétit. S'ils sont du genre à se réinventer à chaque album, ça va rendre leur musique d'autant plus intéressante.
LeLoupArctique - 02 Avril 2015: De rien ! Oui la manière dont s'est créé le line-up est peu commune, c'est intéressant. Je crois comprendre ce qui t'a déçu sur Guiding Lights, ça doit son côté moderne avec un chant plus doux et sucré. Je me trompe ? Moi je l'aime bien, alors que généralement je n'aime pas les albums de ce style. Pour celui-ci c'est le côté atmosphérique qui me plaît. Et oui un groupe qui change d'orientation à chaque album c'est peu courant, c'est même étonnant !
=XGV= - 02 Avril 2015: C'est pas tellement le côté doux en lui-même qui me dérange, c'est surtout que je ne retrouve pas les mêmes passages très atmosphériques que sur le premier. Je suis sans doute aussi pas mal dérouté par la complexité plus élevée des compositions.
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