Seth (FRA)

Intervew réalisée et publiée avec l'aimable autorisation de France, Black, Death, Grind (Facebook ICI ou LA).

Remerciements à Cyrille et Yann-Pascal.

 

 

                                        Une profonde morsure dans l’âme

On ne vous cache pas qu’interviewer Seth est l’un des moments forts que nous avons vécu avec France, Black, Death,  Grind. D’autant que tout cela ne s’est pas fait dans les conditions habituelles !
Habituellement, nous rentrons en contact avec les artistes que nous souhaitons interroger puis nous leur envoyons nos questions par mail.
Avec Seth, cela a été différent puisqu’il fallait passer par le label Season of Mist qui nous proposa de venir à Paris pour une journée promo avec les artistes. L’idée de venir nous a traversé l’esprit mais monter à la capitale, ce n’est pas donné à tout le monde. Nous, en Franche-Comté, à part la pâture d’à côté pour sortir nos vaches (qui a dit nos femmes ?), le reste, on  ne connaît pas !
Yann-P, profondément meurtri par la situation, s’était enfermé dans sa cave et commençait à s’ouvrir les veines. De mon  côté, le quotidien devenait gris mais je continuais, à contrario de mon compère, à garder un minimum de dignité...
Soudain, Heimoth apparu : « Les gars, c’est quoi ces pleurnicheries ? Vous ne pouvez pas venir nous voir, c’est pour ça  que Yann-P est dans tous ces états ? Mais pas de soucis, on se fait une visio. Je ramène Saint-Vincent et c’est parti ! »

Il y a 25 ans, je rentrais à pied de l’école, les écouteurs sur les oreilles et je venais d’insérer dans mon walkman, la compilation du Hors-Série n°1 de Hard N’ Heavy.
Avant d’insérer ce CD, je ne savais pas ce qu’était le Black Metal. Cradle Of Filth ouvrait les festivités, suivi de Seth,  quelques pistes après. Ce jour-là, ce fût une révélation pour moi. Comment une musique peut transformer ta vie ? Ta  manière de penser ? Une question que je me pose encore.
Interroger Seth, 25 ans après, qui plus est, en visio, ce n’est pas tous les jours que nous vivons ça ! Le moment a été  magique et la sympathie de Heimoth et Saint-Vincent inégalable. Il sera malgré tout difficile de retranscrire tout cela par  écrit mais à travers ces lignes qui vont suivre, pensez à nous, mettez-vous à notre place un instant et imaginez-vous il y a  25 ans, lorsque vous rêviez de vos artistes préférés.
Et cela tombe bien, puisque Seth, avec ce nouvel album "La morsure du Christ" replonge également dans son passé.  Symbolique.

Mon seul regret est de ne pas pouvoir vous diffuser la séquence vidéo que nous avons enregistré, Yann-P, le visage bien  trop tuméfié par la déception des premiers instants, n’a pas accepté que je vous montre la vidéo. Cela peut se comprendre et je ne lui en veux pas. Il aurait été inconcevable que ce beau brun ténébreux au corps si viril apparaisse ainsi, dévoilant... les blessures de son âme...

                                                                                                                     Cyrille.

 

 

1. 25 ans après votre première démo, Apocalyptic Desires, vous nous présentez un nouvel album, La Morsure du Christ. Dans quel état d'esprit abordez-vous cette sortie ? Y a-t-il une excitation particulière ou est-ce devenu une normalité ? (CB)

Heimoth : Effectivement, cela fait un bon laps de temps à travers lequel le groupe a réellement eu le temps d’évoluer et  paradoxalement de revenir à ces racines. Nous sommes très impatients à l’idée de sortir cet album. Il a un goût spécial  puisque c’est un évènement assez singulier pour le groupe. Pour ma part, je n’imaginais pas qu’il allait réellement prendre forme un jour.
Il y a une grande excitation ! Il n’y a que des nouveautés qui se passent en ce moment, même si l’on fait du « vieux ». Il y a  un nouveau line-up, des nouvelles idées qui se mettent en place... et nous n’avons pas sorti de nouvel album depuis 2013, tout cela se rajoute à notre excitation.

 

 

2. On aimerait en savoir un peu plus sur ce sublime Artwork ? Que représente-t-il ? (YPM)

Saint-Vincent : Nous avons choisi l’image de l’incendie de Notre Dame de Paris. Pourquoi ? Pour trois aspects. A partir du  moment que l’on revenait à un Black Metal des années 90, c’était vraiment au niveau de l’imagerie, les églises qui brûlent, cela nous faisait revenir à un vieil leitmotiv de ces années-là.
C’est aussi un grand monument du patrimoine français et cela allait de pair avec le fait que l’on revienne aux paroles en  français.
Enfin, c’est l’illustration d’une époque, en considérant que l’incendie de Notre-Dame, c’est vraiment le symbole d’une fin de  la spiritualité en Occident. Un déclin qui a commencé, il y a déjà de longues années. Montrant la victoire du matérialisme.

Heimoth : Effectivement, on a clairement souhaité immortalisé ce moment-là que nous avons tous vécu. Il y a eu un avant et un après.
On s’est dit que s’il y avait un groupe qui devait se le réapproprier, c’est bien Seth. De part, notre histoire et le  rapprochement que nous avons eu avec la langue française en étant les pionniers dans le genre, à sortir un album en  français en 1998 sur Season of Mist.

 

3. Le nouvel album présente 6 titres d'une très grande qualité, écrit en français. On peut constater que le groupe, avec sa notoriété internationale, n'a jamais renié ses origines. Est-ce une fierté pour vous d'être reconnus au-delà de nos frontières avec des chants en français ? (YPM)

Heimoth : Nous avons voulu faire un lien direct et tout à fait honnête avec notre premier album. On l’avait annoncé  officiellement que ça serait une suite aux Blessures de l’Ame, que nous n’allions pas poursuivre dans une continuité et  rentré dans une rupture avec le précédent album, musicalement forcément mais aussi sur les paroles.

Saint-Vincent : C’est sûr que c’est un questionnement qui se pose forcement par rapport à l’international, comme tu le dis,  c’est plus difficile de s’exporter quand on chante en français.

Dès les années 80-90, il y a quelques groupes qui se sont fait connaître avec le français, notamment dans le Heavy Metal, mais cela a montré ces limites. Il y avait une sorte de ringardisation progressive du français, pas que dans la musique, mais aussi dans les échanges où l’anglais a continué son expansion.
Moi, je tenais vraiment à écrire des paroles en français et l’assumer que ça plaise ou non. C’est notre identité, notre  essence. C’est ainsi que l’on ressent la musique quand on a eu envie de composer et on n’a pas à se soucier de ce que  l’on en pense à l’étranger. Je chante en français, ça pose un problème ? Mais va te faire voir ! C’est ce que j’ai envie de  dire !

Heimoth : C’est clair qu’il était beaucoup plus aventureux et audacieux de chanter en français dans les années 90 que  maintenant et il y a effectivement une certaine fierté d’avoir été parmi les premiers à le faire.

 

 

4. La Morsure du Christ sort chez Season Of Mist, comme son predécésseur. Qu'attendez-vous une fois de plus de cette collaboration ? Le label a-t-il joué un rôle important pour le groupe car depuis "Les blessures de l'Ame" de l'eau a coulé sous les ponts ? (YPM)

Heimoth : Season of Mist et Seth, c’est effectivement une très longue histoire. Nous avons fait partie des premiers groupes du label. Il y avait forcément une envie forte de continuer avec eux même si à travers les âges, nous sommes passés par  d’autres labels, il paraissait logique de poursuivre avec cet album comme pour le précédent.

Saint-Vincent : Oui, c’est quelque chose de fort de continuer avec Season of Mist. Nous avons proposé l’album et ils ont été enthousiastes. On peut dire que la boucle est bouclée par rapport aux Blessures de l’Ame.

 

5. Comment avez-vous vécu les changements de line-up au cours des années ? (CB)

Heimoth : Pour les 2 premiers albums, le line-up était stable. Puis, effectivement, il a évolué à travers les décennies. Il y en  a qui étaient moins enthousiastes par rapport aux nouvelles compositions, ce qui nous a permis un nouveau rebond. Aujourd’hui, nous partageons une idée commune, celle de revenir aux sources. Ce n’était pas mon idée de prime abord,  c’était celle de Saint-Vincent mais aussi des autres membres. Le line-up a été choisi dans le cadre de l’anniversaire du 1er album et s’est créé par rapport à ce contexte. C’est aussi pour cela que nous revenons avec un album qui fait directement  écho avec le premier skeud car tout le monde le souhaitait.

 

 

6. Avez-vous déjà prévu quelque chose après ce nouvel album, La Morsure du Christ ou désormais, place à une série de live (quand ce sera possible) pour le défendre ? (CB)

Heimoth : Nous avons pas mal de live en suspens comme le Hellfest que nous devions faire l’année dernière et cette  année, le Metallian Fest ou en Suisse aussi...
Nous attendons comme tout le monde que la situation se débloque. Au niveau des compositions, on va s’y replonger dans très peu de temps, une fois que l’album sortira.


7. Dans le milieu du Black Métal, il y a très peu d’album live qui sorte, et vous, vous en avez un à votre actif avec celui des Blessures de l’Ame sorti en 2019 ? Quel en a été l’accueil ?

Heimoth : A la base, nous n’étions pas au courant que notre concert aux Feux de Beltane était enregistré. C’est Gérald et  Les Acteurs de l’Ombre qui sont à l’origine de cette idée que nous avons au final, acceptée. C’était une bonne surprise et  l’accueil du public a été très bon. Il y a peu de live qui sorte dans le Black Metal et cela a créé une certaine émulation.

 

 

8. Bien évidemment, dans les années 90, le Black norvégien dominait la scène et en France, vous faisiez partie des précurseurs du genre. A cette époque, quels groupes français attiraient votre attention ? Et aujourd'hui ? Vous tenez-vous encore au courant de ce qui se fait chez nous ? Comment jugez-vous l'évolution du Black Metal français et l'apparition de  différents genres que proposent désormais le BM ? (CB)

Heimoth : Nous-mêmes étions extrêmement attentifs à ce qui se faisait dans la scène norvégienne, et notre musique en  témoigne. A l’époque, nous étions les seuls à sortir une musique Black Metal avec des batteries très très soutenues. On se distinguait de ce qui se faisait en France. Un style était malgré tout, en train de se créer en France en parallèle de  l’adoration qu’il y avait pour le Black scandinave. Seth, quant à lui, est resté un peu en marge de cette scène qui était en  train d’éclore.

Saint-Vincent : Moi, à l’époque, j’étais à Grenoble, il y avait Forbidden Site qui chantait en français sur leur demo notamment. Il y avait Mutilation, Gorgon, etc... Il y avait pas mal de groupes français quand même.
Aujourd’hui, il y a une explosion de groupes qu’il est difficile de suivre. C’est la différence avec les années 90 où il n’y avait  pas pléthore de groupes.
Nous suivons l’actualité des groupes les plus connus. Mais il y a beaucoup de groupes de qualité car les moyens  techniques ne sont plus ceux d’avant. On est plus dans les vieilles démos enregistrées sur des quatre pistes.

Hemoth : Oui, je suis tout à faire d’accord avec Saint-Vincent. On est déboussolé par le nombre et de voir que la scène se  sature suite à la démocratisation de l’accès à la musique. Il y a du bon, du mauvais. C’est normal qu’il y a une évolution  dans le genre Black Metal et que certains préfèrent ce qui se faisait avant, même si maintenant la mode est au Post Black Metal.

Saint-Vincent : Moi, cela ne me dérange pas que le Black Metal se mélange à d’autres genres, qu’il y a une évolution, il faut juste que ça me plaise tout simplement. Que ça reste harmonieux, sombre et agressif. Je ne connais pas bien le Post Black Metal. Je suis un vieux et je fais du Black Metal des années 90.

 

          

 

9. Je vous ai connu (et découvert le Black Metal) grâce à Hard N'Heavy et son fameux Hors-Série Black Metal Volume 1. Après avoir écouté cette compilation, ce fût pour moi comme une révélation qui a véritablement changé ma vie, ma façon de penser, etc ... Avez-vous conscience d'avoir marqué au fer rouge toute une génération à travers Seth et son style musical ? Quels ados étaient les gars de Seth ? Comment avez-vous découvert le Black Metal ? (CB)

Heimoth : Je ne vais pas être modeste, je sais que nous avons marqué une certaine génération.
Après voilà, c’est vraiment du pur hasard. Nous, quand on a commencé le groupe, on ne s’attendait pas à grand-chose. Comme beaucoup, on répétait dans de vieux endroits bien pourris, notre première tape s’est faite sur un poste à la con... La chance qu’on a eue, c’est d’avoir eu accès à des enregistrements assez tôt et le premier EP qu’on a sorti était très  professionnel pour l’époque tout comme Les Blessures de l’Ame. Je pense que c’est ça qui a étonné, la prod et les lyrics  en français aussi.
Dans ma jeunesse, ben j’étais comme toi ! Je vivais dans une réelle misanthropie, j’étais complètement à fond dedans. On le vivait de A à Z. Je ne connaissais que les membres de mon groupe et quelques amis et c’est tout. Encore maintenant je  suis à fond dans Black Metal mais de manière différente.

Saint-Vincent : Comme je le disais, moi pour ma part, j’étais à Grenoble, j’ai rencontré avec des amis, Jean-Pascal  Fournier, le peintre, celui qui a fait les pochettes d’Immortal, Impale Nazarene, etc... c’est lui qui nous a fait découvrir le  Black Metal. Moi, je venais du Trash, on est tombé sur des albums de Darkthrone, Emperor... on a vrillé complètement. On  était comme toi, des ados tout en noir à faire des bêtises (rires !) ... qu’on ne citera pas. Quand on a écouté du Black Metal, on s’est dit : « Mais qu’est-ce que c’est ce truc de malade ! » Jean-Pascal, nous faisait découvrir les albums car il avait des  contacts privilégiés avec les labels, c’était génial !

 

 

10. Question simple, qui sont les gars de Seth dans la vie de tous les jours ? Quand on fait partie de ce groupe, a-t-on la même vie que le commun des mortels ? (CB)

Heimoth : A mon grand regret, nous pouvons encore marcher librement dans la rue (Rires !).

Saint-Vincent : Je ne sors pas beaucoup, il faut le dire. Mais pour moi, le travail de l’artiste est complémentaire car il doit  transformer la réalité en faisant ressortir les émotions pour que tout le monde puisse les comprendre. On ne se trimbale  pas toute la journée avec des cagoules et des têtes de mort mais artistiquement cela représente la base de notre   conception de la vie.
Nous nous battons au quotidien, contre les mêmes merdes que tout le monde. Mais au lieu de prendre du bon temps,  dehors ou je ne sais où, ben derrière, tu bosses ta zik, tu crées, tu crées... C’est comme un sacrifice.

 

 

                 Cyrille et Yann-P : France, Black, Death, Grind et Black Metal Français.

interview réalisée par France Black Death Grind

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