Sangdragon

Quand je me suis renseigné sur la promotion de Sangdragon, je me suis naturellement tourné vers Will Hien, bassiste de la formation et acteur de l’underground français à de nombreux niveaux dans le nord de la France.
« Requiem for Apocalypse », dernier opus de la trilogie conceptuelle entamée par Akhenaton et Daemonium, risque de botter des culs et de secouer le cocotier d’une scène extrême symphonique se déployant à vitesse grand V ces derniers mois. Vincent, compositeur et cerveau du projet, ainsi que Will (qui, pour la petite histoire, fut mon rédacteur en chef chez Metal Obs, la dédicace est commune !) et Edouard ont répondu à mes nombreuses questions…

[Par Eternalis]

interview Sangdragon1 – Salut ! Comment allez-vous ? Tout d’abord, pouvez-vous expliquer l’histoire du groupe pour les plus jeunes ne vous connaissant pas du tout ou simplement ceux vous ayant perdu de vue depuis près de vingt ans ?
Vincent (chant, composition) : DAEMONIUM, le premier album de la trilogie, est sorti en 1993, le second, AKHENATON, est sorti en 1995. J’ai fait partie de plusieurs formations musicales ensuite, en attendant ce nouvel opus, SANGDRAGON : Requiem For Apocalypse.

2 – Vous revenez désormais sous le patronyme de Sangdragon. Pourquoi un changement de nom alors qu’il s’agit d’une trilogie conceptuelle ? N’avez-vous pas peur de perdre les anciens fans ?
Vincent : Non, j’utilise le même logo, et le nom de Sangdragon tourne depuis suffisamment longtemps pour que les vieux fans le reconnaissent. Un album pour chaque plan.


3 – Je dois avouer avoir été surpris par la musique car je ne m’attendais pas à ce black/death symphonique et hautement original. On ressent une grosse influence de Septic Flesh par exemple… Est-ce conscient et quelles sont vos influences aujourd’hui ?

Vincent : Non, je vais t’avouer que j’ai été un des premiers à mélanger du black et de la musique de film, à l’époque où Septic Flesh faisait encore du death metal à l’orée de sa carrière. Ma musique préférée est la musique de film, c’est mon influence principale. A côté de ça, j’ai toujours aimé, dès le premier Daemonium, des groupes comme Morbid Angel, Darkthrone, Bathory et Dead Can Dance… Mais mon choix est guidé par les images et émotions que je veux mettre en avant lors du déroulement de l’histoire.

4 – « Requiem For Apocalypse » possède une superbe production très dense mettant en avant les chœurs. Vous avez d’ailleurs collaboré avec une véritable chorale. Je suppose que cela a dû être un casse-tête à mixer, non ?
Edouard (Claviers, orchestrations) : Oui et non. On y a évidemment passé beaucoup de temps et on a été suffisamment perfectionnistes pour choper quelques migraines. D’un autre côté, on a été tellement méthodiques dès le départ, que finalement, on savait bien où on voulait aller au niveau du mix, et comment y arriver. Pour être tout à fait honnête, je m’attendais à galérer beaucoup plus que ça, et au final j’ai été presque surpris que tout se soit relativement bien passé.



Will (basse, backing vocals) : Juste un truc, quand tu dis que nous avons collaboré avec une vraie chorale, ce n’est pas tout à fait juste. La “chorale”, en fait, c’est nous-mêmes ! Tous les choeurs masculins de cet albums ont été chantés par Vincent, Edouard et moi-même. Pour “Front Of Steel” ou “Foe’s Funeral”, pour ne citer qu’eux, j’ai parfois chanté trois ou quatre mélodies différentes, qui, une fois mixées, donnent un tout. Quant aux vocaux féminins, solo ou chœurs, ils ont tous été chantés par Alison Forest, une amie de Mâcon, chanteuse du groupe Owl Collision. La plupart ont d’ailleurs été enregistrés en une prise ! Cette nana est vraiment très impressionnante vocalement parlant… Pour le live, par contre, nous avons effectivement avec nous des amis qui interviennent pour nous aider à retranscrire réellement ce qui est un peu plus artificiel une fois mixé sur album. Voilà pourquoi nous montons parfois à onze sur scène, suivant les configurations de salles. Effectivement, là, tu peux parler de véritable chorale, et visuellement, ça apporte un vrai plus au show…



5 – Qu’est-ce qui différencie principalement cet album de ses prédécesseurs ?
Vincent : Il est beaucoup plus abouti de par la présence de mes frères d’armes. Ils ont apporté une personnalisation supplémentaire, et surtout un toucher, une précision et une sensibilité extérieurs. Il est plus metal aussi que les autres, malgré la présence symphonique et ambiante, mais cohérente. J’ai composé cet album comme un seul morceau, comme les deux autres. Par contre, j’ai plus pris en compte le live et les morceaux individuellement. Le Akhenaton prend vraiment son essor lorsque tu écoutes l’album en entier, mais certains morceaux ne sont pas écoutables seuls. Alors que sur le Sangdragon, c’est tout de même le cas.

6 – On sent une tonalité tragique et très sombre sur le disque. Qu’en est-il réellement du concept textuel de l’album ? Quel est cette apocalypse que le titre de l’album évoque ?
Vincent : Un Requiem est opéra dédié aux morts, l’Apocalypse a une connotation religieuse certaine. Le premier morceau qu’on ait présenté de ce projet, “Foe’s Funeral”, est sorti à la date prévue : le lendemain de la prétendue Apocalypse prévue par les Mayas ou les Anciens, l’humain se disputant une idéologie, au nom d’un dieu… allant souvent à l’encontre de leurs propres fondements. Ce n’est qu’un prétexte pour tenter de dominer l’autre et c’est tout ! Ce Requiem est donc pour les morts qui ont péri par la main de l’homme qui s’est pris pour un dieu, il dénonce les guerres de religions comme une aberration. L’histoire du Héros de ce Requiem n’est pas spécialement autobiographique, bien que forcément inspiré. Dans les épisodes précédents, il a appris a gérer et modeler son microcosme, dans le Sangdragon, il apprend à modeler son Macrocosme… à être libre.

7 – Vous avez écumé pas mal de concerts avant la sortie du disque. Etait-ce important pour vous de revenir brûler les planches avant de proposer du nouveau matériel studio ?
Vincent : Il était importa
interview Sangdragonnt pour moi de tester ces morceaux en live avant de finaliser le studio. Avec l’énergie du live, tu peux corriger des erreurs ou des longueurs, et ça donne une direction d’énergie pour ce que va devenir la version définitive du studio. C’est un bon test de feeling, je pense.



Will : Quand j’ai rencontré Vincent, je ne savais même pas que c’était lui qui était à l’origine des Daemonium et Akhenaton. Je l’ai rencontré lors d’un concert où il jouait avec The Seven Gates et j’avais trouvé ça carrément excellent. Ce mec avait un charisme énorme. On a alors commencé à correspondre et un jour, il m’a proposé de rejoindre le groupe à la basse car il en avait marre de se taper tout le taff autour du groupe en plus. Ca n’a pas été possible pour diverses raisons, le groupe ayant même au final splitté. C’est là qu’il a réactivé Sangdragon, pour enfin terminer sa trilogie. Quand il m’a fait écouter ses premiers riffs, ses premières percus, ma réaction a été immédiate et très spontanée : “Tu ne vas tout de même pas faire ça tout seul encore une fois ? C’est trop puissant et il faut que ce projet prenne enfin corps sur scène, que ça soit plus metal ! Et pour ça, je te rejoins à la basse et on engage d’autres mecs”. Et tant qu’à faire, autant que ça soit des potes bourrés de talent comme Matt Asselberghs ou Edouard Verneret, pour ne citer qu’eux. On va dire que l’aventure live de Sangdragon est partie un peu de là ! Du coup, avant même de sortir l’album, on a fait des dates car c’est aussi la raison d’être de ce troisième volet de la trilogie.



8 – Le metal extrême symphonique a explosé ces dernières années avec Septic Flesh justement et beaucoup de groupes comme Fleshgod Apocalypse, Dimmu Borgir, Vesania, Carach Angren et j’en passe. Penses-tu que Sangdragon peut s’adresser à un public similaire à ces artistes ?
Vincent : Je pense que oui, mais pas que…



Will : Non seulement Sangdragon peut s’adresser aux fans de ces groupes, mais en plus je pense en toute objectivité qu’on peut leur mettre une claque autant en live que sur album. L’expérience de ce groupe est très grande et on sait comment faire pour mettre le feu à un pit… Un morceau comme “Deep Dark… Descent”, avec son rythme répétitif et surtout hyper lourd, fera bouger n’importe quel metalhead, tout comme l’enjoué “Winged Blade”, qui n’est autre qu’un titre de heavy metal, mais à la sauce Sangdragon… Personnellement, j’attends avec impatience de jouer avec des plus gros groupes et de leur voler la vedette ! (rires)



9 – Quels sont les objectifs à court terme du groupe ?
Will : Vendre 150.000 albums et se payer des putes et plein de coke ! (rires) Nan, sans rire, parce que sinon les gens vont finir par croire qu’on se la pète vraiment, c’est déjà de refaire parler du groupe car le système a changé, les organisateurs de concerts ne nous connaissent pas tous forcément. On doit donc en quelque sorte se recréer une fan base solide, susciter l’intérêt, aussi bien au niveau de la promo que musicalement. Les choses suivront d’elles-mêmes ensuite.



Vincent : Nous allons tourner cet été un gros clip scénarisé avec Medhi Khadouj, qui a beaucoup de sensibilité et un oeil expert. Pas mal de choses et de personnes devraient intervenir sur ce clip, et franchement, ça risque d’être un espèce de vieux rêve qui se réalise. Des compos sont déjà aussi en route pour la suite…



Will : Quand tu connais l’univers de Vincent, tu te dis que pour la première fois de ta vie, tu vas peut-être intervenir dans une sorte de court-métrage plutôt que dans un clip à proprement parler… :)

Sinon, autre objectif à court-terme, on va dire dans les 6 mois à venir, c’est de jouer quelques concerts dans de bonnes conditions pour défendre au mieux cet album et d’essayer d’intégrer l’affiche de quelques bons festivals en 2016. Là aussi, on y travaille...



10 – Vous gérez la promotion du groupe en communiquant beaucoup par les réseaux sociaux. Quelle est l’utilité d’un label pour toi dans le sens où vous pouvez presque tout faire désormais ?
Will : On s’est longtemps posé la question de savoir s’il nous fallait démarcher un label ou pas… Certes, ça aurait pu être bien, à condition d’être signé sur un très gros, mais il y a un truc qui nous a fait tiquer : comme il y a six mois, le disque n’était pas encore prêt, on s’est dit que c’était inutile d’envoyer des morceaux non-finalisés aux labels car ça aurait donné une image tronquée du groupe. Ce que je veux dire, c’est que Sangdragon n’est pas un groupe de hardcore non plus, où il y a seulement deux-trois riffs qui tournent… Ensuite, si un label avait été intéressé par le groupe, il aurait commencé à nous mettre la pression en nous demandant une deadline, et sachant qu’avec nous, à cause de nos emplois du temps démentiels respectifs, c’est impossible, on n’aurait pas pu peaufiner. Et puis, en y réfléchissant bien, que demande-t-on à un label ?

1) Financer l’album. Pour ça, on a préféré lancer une souscription et vendre quelques t-shirts il y a un an auprès du public et ça a super bien marché ! C’est simple, le disque a été totalement auto-financé à quelques euros près par les fans eux-mêmes, du mastering aux USA au pressage. Bref, cet album est d’abord le nôtre mais il est aussi le leur ! Encore merci ! Bref, pas besoin de label pour cette partie…

2) Payer un studio d’enregistrement. Pas la peine, on a tout enregistré à la maison, on a les compétences pour, et ça ne nous a donc rien coûté.

3) Publi
interview Sangdragoner l’album officiellement, avec une référence. Vincent a travaillé longtemps chez Adipocere Records, donc il savait comment faire. On a donc créé Wake Up Dead Records sur les bases de notre asso et publier l’album nous-mêmes ! C’est en fait d’une simplicité enfantine…

4) Distribuer l’album. Wake Up Dead Records a signé un contrat de distribution pour la France avec Season Of Mist, qui sont des potes de longue date, afin que l’album soit disponible partout. Encore une fois, besoin de personne pour faire ça. On en fera de même dans pas longtemps avec d’autres labels pour sortir l’album à l’étranger, sous forme de licences.

Et puis, il ne faut pas croire… Les labels sont d’abord des entreprises qui investissent sur les groupes afin que ça leur rapporte un peu d’argent. Quand un label met une pub dans un magazine, il se rembourse ensuite sur les ventes de ton album. Si tu n’en vends pas assez, c’est toi qui risques de lui devoir de la thune au final ! Bref, comme on n’est plus en 1995, où Akhenaton avait vendu 25.000 albums, il était hors de question de tomber dans cet écueil… Mais surtout, comme je l’ai déjà dit, on savait comment faire car on n’est pas tombé de la dernière pluie, Vincent, Matt et moi…



Vincent : Absolument, nous avions les capacités de créer un label tout à fait sérieux et compétitif, et surtout mettre des investissements de promotion, ou de concerts, choses que peu de labels peuvent offrir encore de nos jours finalement. Je suis ravi de cette décision qui pour l’instant, en tout cas, a plutôt pas mal porté ses fruits.

11 – L’underground metal est un monde très rempli mais où tout le monde désire sa part du gâteau, alors que les temps sont durs, même pour les plus gros. Quel est ton point de vue sur le sujet, toi qui as connu beaucoup de projets ? Que penses-tu de cette nouvelle génération de groupes sortant des albums inaboutis en home-studio alors qu’il y a vingt ans, il fallait galérer et suer pour proposer ne serait-ce qu’un 4 titres au public ?
Vincent : Je vais clarifier les choses sur ce sujet. OK, l’industrie du disque fut florissante car les gens achetaient des albums. Cependant, tout était très cher : les studios, la pub, les pressages… Lorsqu’une maison de disques investissait dans un groupe, c’était qu’il y avait forcément un gage de qualité, vus les investissements financiers ; il fallait tout de même être sûr de son coup. Ensuite, avec la démocratisation des PC, n’importe qui a pu enregistrer dans une cave avec un briquet. Du coup, lorsque dans les années 90, tu avais 1 album pas terrible sur 10, en 2000, c’était un peu le contraire !!! Les collectionneurs en ont eu assez de balancer de l’argent par les fenêtres et ça se comprend ! On dit que c’est la faute du téléchargement, certes, mais les gens ont téléchargé parce qu’ils ont voulu écouter avant d’acheter, pour être sûr qu’on ne leur servait pas de la soupe ! Du coup, maintenant, la musique est jetable : les gens n’écoutent que des morceaux les uns après les autres, parfois même pas entiers… Il faut donc tenter de se démarquer par de la personnalité et un univers sincère et cohérent… C’est ce que l’on s’efforce de faire avec Sangdragon… ;)

12 – Crois-tu en l’avenir du support physique ou penses-tu comme certains que le dématérialisé va définitivement envahir le marché dans les années à venir ?
Vincent : Ah, il faut avouer que lorsque l’objet est beau, ça donne envie de l’avoir en vrai ! L’époque du vinyle est si loin malheureusement ! Sincèrement, je pense que dans quelques années, il n’y aura plus besoin de support physique ! Quand tu penses qu’un iPhone est 20 fois plus puissant que mon premier ordi, tu te dis que t’auras bientôt ta maison dans ta poche…(rires)



Will : Je ne suis pas tout à fait avec Vincent. Pour moi, ça ne disparaîtra jamais, en tout cas dans le Metal ! Les vrais fans de metal veulent encore avoir un objet entre leurs mains. Déjà, nombre d’entre eux veulent encore pouvoir chanter les paroles en même temps que leurs “idoles”, en ayant sous les yeux le livret, surtout dans le heavy metal, d’ailleurs. Et puis merde, les vinyles de notre adolescence avaient quand même une autre gueule qu’une liste de mp3’s sur un écran d’ordinateur ! Je me souviens des doubles vinyles de Helloween, par exemple, l’artwork était juste sublime. Et certains fans de metal veulent encore des disques vinyles… Il n’est pas exclu, par exemple, que sorte un jour un triple gatefold en vinyle des trois albums de cette trilogie, réunis donc en même objet ultra limité, après avoir réenregistré avec un son actuel les deux premiers opus… Je peux même te dire que certains fans du groupe n’attendent que ça (les deux premiers opus étant sold out de chez sold out, et n’étant jamais sortis en vinyle) et qu’on est certain de cartonner… Scoop, vieux ! ;-)



13 – Je te laisse terminer cette interview comme tu le souhaites... Merci à toi et bon courage pour la suite !
Will : Merci à toi, amigo ! On a bossé un temps ensemble chez Metal Obs’ magazine et je trouve cool que tu puisses aujourd’hui me renvoyer un peu l'ascenseur, au travers de cette interview de Sangdragon. Longue vue à Spirit Of Metal, qui est un de ces webzines toujours très actifs dont la scène française underground a vraiment besoin.



Vincent : Merci à toi pour cette interview. Vous pouvez nous contacter via Facebook ou Bandcamp plus précisément pour le merchandising (album, t-shirts…). Stay Trve!

“La voie du guerrier n’est pas de ne pas trébucher, mais de se relever à chaque fois.” Crom*


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interview réalisée par Eternalis

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