Manigance

Fier représentant du metal prog “à la française”, Manigance a subi une grosse perte avec le départ de Didier Delsaux en 2018, annoncé quelques jours après la sortie de “Machine Nation”. Mauvais timing, tournée à assurer et promotion forcément entachée, François Merle (guitare) et Carine Pinto (chant) reviennent sur les évènements et nous ouvrent les portes du “Bal des Ombres”, 7e album des français qui comptent bien remettre les pendules à l’heure : les pros du power prog chanté en français, c’est Manigance ! 

[Par Eternalis]
 

Bonjour à vous 2 ! Comment se passe cette journée promo à Paris ? 

Carine : La banane ! On a de bons retours, on est très contents d’être là. On a hâte de répondre à tes questions et de partager ce moment ! 

 

On va commencer par une présentation de ta part Carine, pour ceux qui ne te connaîtraient pas et qui n'auraient pas suivi l’histoire après la sortie de “Machine Nation”.

Carine (rires). J’avais un parcours plutôt confidentiel avant Manigance dans de petits groupes locaux mais j’étais fan du groupe et je les suivais depuis plus de 15 ans pour vendre des tee-shirts, les suivre sur la route ou faire la caisse. 

Quand il a fallu changer de chanteur, il a d’abord été question de recruter un homme mais ils avaient peur de la constante comparaison avec Didier donc l’idée est venu de chercher une femme. Dans ce cadre là, comme on se connaissait, ils ont voulu faire un essai avec moi. C’était complètement inattendu à l’époque, c’était 3 mois avant la tournée et je ne savais pas si je serais capable de faire ça. Mais finalement tout s’est bien passé, l’album est sorti et on est parti en tournée avec Myrath ! 

François : Direct oui ! Il faut aussi dire que Manigance a toujours été un groupe de personnes proches, à l’ancienne, qui vit des choses ensemble en dehors aussi de la musique. Il nous semblait donc logique de faire quelque chose avec Carine. 

Didier ayant évidemment marqué l’histoire du groupe, nous voulions quelqu’un de proche, qui ne change pas radicalement quelque chose à notre osmose de groupe. 

 

Il y avait déjà eu le duo “Face contre Terre” où tu intervenais en duo avec Didier … il n’y avait rien de prévu à l’époque ? 

Non pas du tout ! Mais nous avions déjà fait des choses ensemble, notamment en acoustique avec moi. Ensuite le duo avait été une réussite et quand Didier est parti, je lui ai demandé “Qu’est-ce que tu dirais si tu reprenais beaucoup de chansons avec nous ?” (rires). C’était une évidence ! Le premier concert était à Paris en plus donc autant dire qu’elle a été mise directement dans le bain !

 

Le départ de Didier avait été annoncé quelques jours après la sortie de “Machine Nation”, ce qui avait beaucoup surpris à l’époque. Il avait été évoqué des soucis de santé pour tenir sur une tournée … qu’en était-il réellement ?

Je pense qu’il en parlerait mieux que nous donc je vais te donner la vision du groupe. 

Pour que Manigance avance, il faut un investissement total quand des opportunités se présente et une tournée avec des gars comme Myrath en est évidemment une ! Et lui n’était pas trop chaud pour continuer sur ce rythme. Il avait des problématiques de confiance en lui pour enchaîner les concerts. Il aimait chanter mais n’était plus intéressé pour se challenger et il s’est retrouvé avec une extinction de voix par exemple après un festival. Et sa réaction était “Tu vois ? J’ai passé l’âge de tout ça, j’aime chanter mais je ne veux plus tout consacrer à ça”. 

On s’est donc dit “Mais comment on va faire en tournée ?” et le doute est venu de là …

 

C’est fou après 6 albums et plus de 15 ans ensemble …

Si tu veux, c’est dans son camp qu’était la balle. Par respect pour le groupe, tu ne peux pas demander des choses à un groupe, à des musiciens qui vont faire des kilomètres pour répéter et le chanteur ne sera pas là car il veut se reposer. C’est démotivant pour tout le monde et c’est un manque de respect pour ceux qui se bougent. 

La question était donc posée de ce qu’il voulait faire et je t’avoue que c’était le bordel avec la tournée qui arrivait. Mais ce sont des choix qui se sont fait dans le respect de chacun. Je respecte énormément tout ce qu’il nous a apporté avec les années.

 

Je suppose que ça avait cassé la promo et les ventes de l’album à l’époque ? 

Idéalement, ce qu’il aurait fallu faire à l’époque aurait été de réenregistrer l’album avec Carine au chant. Mais tout était prêt, on ne l’a pas fait et ça a sensiblement plombé la promo car certains ont pu se dire “Merde, j’achète un album et le chanteur se barre”. 

Donc on a eu des gens qui se sont demandé pourquoi on s’appelait toujours Manigance. On ne répondait rien car c’est con mais c’est comme ça. 

L’avantage, c’est qu’on est parti en tournée à l’étranger et que eux s’en tapait total (rires)

Carine : Eux ne nous connaissait pas trop ! En Italie, en Allemagne ou en Espagne ça s’est super bien passé !

François : A Paris, ça a été un peu compliqué mais quand on est revenu après une quinzaine de dates, ça allait beaucoup mieux ! 

En termes de ventes d’albums, c’est resté “un album avec Didier” donc il s’est quand même plutôt bien vendu. 

 

 

On va enfin parler du “Bal des Ombres” ! Je trouve cet album plus power, plus puissant, moderne et moins progressif. Quelle orientation vouliez-vous insuffler avec ces nouveaux membres, l’arrivée de Carine et Lionel et l’absence de claviériste …

Musicalement, je me suis senti beaucoup plus libre ! Avec l’ancienne équipe, nous avions des règles sur le chant, sur les soli, sur la longueur des titres … et finalement j’ai démarré copie blanche cette fois ! 

Donc j’ai cherché à intégrer les nouveaux membres tout en insufflant un côté plus moderne comme tu dis, plus efficace et plus concis. Je voulais cibler ce qu’on avait à dire, autant sur les compos et les structures plus simples que sur les textes. Je ne veux pas me vanter de faire de la musique moderne mais je voulais en tout cas que l’on sonne comme un groupe actuel. 

 

Ce n’est pas moderne dans le sens où vous intégré des éléments electro ou pop mais plus dans l’accroche du son, dans l’attaque des riffs … l’album “pète” simplement ! 

Merci ! J’ai toujours produit entièrement les albums et là, pour aller justement dans le changement, j’ai bossé avec Olivier Didillon qui a aussi un studio pour qu’il mixe et masterise l’album ! Il a donné un côté plus thrash et massif sur les guitares !

Carine  : ce côté moderne vient aussi du fait que nous n’avons fermé aucune porte ! Nous avons fait des choses que nous avions envie d’entendre, d’être spontané et de ne pas se freiner parce que certaines idées étaient trop différentes des précédents albums. C’est probablement ça que tu ressens également. 

 

C’est drôle que tu évoques ce côté plus libre car on ressent vraiment que vous vous êtes éclatés sur l’album. Que ce soit les photos sur les réseaux sociaux durant l’avancé de l’album, le clip, vos tenues … on vous sent épanoui !

François : L’arrivée de Carine a apporté beaucoup d’oxygène au groupe. Elle est très proche de l’image du groupe et nous avons une image très pure. Nous ne nous cachons pas mais ne jouons pas non plus ce que nous ne sommes pas. Myrath nous a aussi beaucoup ouvert à d’autres choses et “Le Bal des Ombres” est vraiment à notre image. Rien que le clip, c’est une histoire de copains …

Carine : Ce sont des connaissances, des gens qui avaient envie de nous aider et chacun est intervenu dans son périmètre artistique ! Notre image est vraiment une prolongation de notre proposition musicale et artistique et le fait que tu le ressentes, je prends ça comme un compliment. En fait, ça veut dire que Manigance arrive à montrer ce qu’il est et qu’on ne triche pas ! Je trouve qu’avant, les idées étaient là mais la proposition visuelle n’était pas vraiment mise en valeur. Donc merci (rires). 

 

Tu parlais des textes tout à l’heure. Passer après Didier, c’est une voix mais ce sont surtout des textes très forts et écrits en français comme peu de groupes savent le faire. Est-ce que tu as eu une pression, hormis la voix, pour la qualité de l’écriture des textes ? 

Alors si tu veux savoir, ça m’a mis une pression à tous les niveaux (rires). Je suis passé de fan à chanteuse et celle qui écrit les textes et prend part à la proposition artistique du groupe. 

J’écris depuis très longtemps et c’était une bonne pression. Je me suis plongé dans l’écriture des textes et je suis très vite intervenu dans la composition des morceaux. Avec François, nous avons travaillé sur les mots et l’intonation des mots pour qu’ils sonnent avec la musique. Ce qu’on entend aujourd’hui, c’est aussi une construction simultanée entre la musique et les paroles. Je suis très contente de ce qu’on a fait ensemble. 

 

 

Il y a toujours eu des chansons fortes sur les albums de Manigance. J’ai repéré “De vos Outrances” très vite qui évoque l’urgence écologique … Que voulais-tu dire à travers cette chanson en tant qu’être vivant plus que musicien ? 

Je vais te dire, j’ai dévoré une série sur Netflix qui s’appelle “Les 100”. Elle m’a beaucoup interrogé sur la catastrophe nucléaire, sur ces jeunes qui se défendent et se battent pour reconstruire une nouvelle civilisation. J’avais ces images très fortes quand j’ai écris le texte en me disant “Qu’est-ce qu’on fera quand on en sera là ? La Terre comme un désert ? Les êtres vivants qui disparaissent ?”. 

On laisse courir les choses aujourd’hui, le manque d’oxygène dans certaines parties du monde et il faut qu’on prenne conscience de l’urgence de la situation. Il y a une nécessité de changer nos comportements, tous !

 

Le morceau “Le Bal des Ombres” m’a fait pensé à “Eyes Wide Shut” dans son visuel et son texte …

Alors garde ça, c’est très bien mais ce n’est pas du tout ce que j’avais en tête (rires). Ton ressenti est aussi important et marche aussi. 

Dans ma tête, ce n’est pas compliqué pourtant donc je vais te dire ça de façon simple (rires). Les paroles se sont construites durant le confinement et il y a une idée qui est “Est-ce que notre monde a encore un espoir ? Pouvons-nous continuer à nous développer dans la vie ? Si non, passons le cap de la mort et devenons des ombres pour créer un nouveau monde à notre image, sans barrières”. Voilà la grande idée !

 

François, qu’est-ce que ça t’a fait de travailler sans Bruno Ramos, ton compère guitariste virtuose depuis les débuts ? 

François : Bien sûr que ça a changé des choses mais dans l’absolu, j’ai continué à composer et faire ce que je faisais déjà avant. Donc ça n’a pas changé grand-chose pour moi mais il fallait trouver l’âme sœur et c’était le plus difficile. On se complète très bien avec Lionel et il était important de trouver quelqu’un avec qui je m’entende musicalement. Il a apporté sa touche sur les soli et j’ai peut-être eu plus de choses à dire à la guitare que je n’aurais pas forcément fait avec Bruno comme l’accordage ou les tirants de guitare que j’ai modifié. Encore une fois, j’étais libre.

 

J’aurais pu vous voir normalement avec Rhapsody of Fire et Nightmare mais la tournée a été repoussée comme tant d’autres. Qu’est-ce que cela vous inspire sur l’état du spectacle vivant aujourd’hui ? 

C’est une situation sanitaire qui montre que se balader dans tous les pays d’Europe est une chose très compliquée ! On peut jouer localement, ça commence à se décanter en ce sens mais passer d’un pays à l’autre librement, nous n’y sommes pas encore. 

Ce que ça m’inspire d’un point de vue humain, c’est que nous sommes allés trop loin dans toute cette modernisation et qu’il faut qu’on repasse à l’humain, à son prochain plutôt que de consommer à l’autre bout de la planète. La musique est un plaisir et nous avons besoin d’être heureux pour vivre ! Mais les tournées européennes sont vraiment très compliquées …

Carine : Aucun pays n’a les mêmes règles. L’équilibre budgétaire s’équilibre sur la totalité et la tournée ne peut être envisagée que dans sa globalité. C’est pour ça qu’il y a un report d’un an …

 

 

Je vous laisse l’habituel mot de la fin pour Spirit of Metal …

François : Merci de faire la promotion du metal français et de tout ce qu’on essaie de partager avec nos fans. C’est un gros boulot, souvent gratuit et c’est vraiment génial. Un mot aussi à notre maison de disques (ndlr : Verycords) qui nous ont fait confiance et nous permettent d’être là aujourd’hui pour faire la promo de notre nouvel album. J’espère que vous serez nombreux à aimer notre “Bal des Ombres” !




 

interview réalisée par Eternalis

0 Commentaire

4 J'aime

Partager
    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire

En voir plus