Lament Cityscape

Dans le monde du metal industriel, les américains de Lament Cityscape sont un outsider discret mais fascinant, et immergent l'auditeur dans un monde angoissant et distordu à l'extrème. Après un premier LP "The Torn" en 2015, et un album collaboratif ("Soft Tissue") avec Theologian en 2016, Lament Cityscape a sorti en 2020 une série de trois EP, "The New Wet", "The Pulsing Wet", et "The Old Wet", et ressorti "Soft Tissue (Excised Edition)" en édition augmentée.


C'est l'occasion pour Mike Mc Clatchey, guitariste chanteur du groupe, de faire le bilan de cette année bien remplie. 

 

THE OLD WET

 

Jean-Edern Desecrator :  Tu as enfin terminé cette trilogie comme tu l'avais prédit au solstice d'hiver, malgré le désordre mondial que nous traversons, que pensez-vous de ce dernier chapitre?
Mike Mc Clatchey (Lament Cityscape) : Cet EP a été écrit en 2016 et début 2017. Malheureusement, c'est tellement loin que je suis presque soulagé qu'il soit sorti et que je puisse arrêter d'y penser et passer à autre chose. Beaucoup de choses ont ralenti le processus de sortie de ces EP, y compris (mais sans s'y limiter) essayer de trouver des labels pour nous aider à les sortir, et simplement se prendre la tête là-dessus pendant un temps infini, jusqu'à ce que toutes les pistes se tarissent. C'est un ensemble de chansons très personnelles et très "internes". «The Old Wet» est le plus explicite et le plus évident de la série "Wet".

 

JED : "The Old Wet" semble lointain, perdu. Que voulais-tu raconter musicalement, et avec les paroles ?
Mike :  Je pense que la nature de ce projet est la distance, l'éloignement. Une manière de créer de la distance ou de la célébrer... Le monde à l'intérieur de ces disques semble très ouvert et vaste, mais il y a vraiment une peur ou une anxiété qui vient avec. Je n’emploierais pas le mot « perdu ». Pour moi, il y a une intention est très ciblée derrière. Être capable de créer cette petite réalité aide certainement avec le sentiment d'être perdu dans le monde réel, je suppose. Ca m'intéresse moins de raconter une histoire claire ou de donner un message que de construire un monde duquel on voudrait s'échapper. 

JED : Une vidéo de "Among the Dead" a été réalisée. Que peux-tu nous en dire ?
Mike : Ouais ! Ça fait plusieurs fois qu'on a fait équipe avec Neil Corbin, maintenant. C’est un vidéaste extraordinaire. Il a fait la version filmée de l'album 'The Torn' et la video du morceau "Running Out of Decay" (sur l'EP "The New Wet", ndlr). Même si ce qu'il a fait était magnifique sur ces projets, il s’est complètement surpassé avec la vidéo "Among the Dead". J’ai l’impression qu’il a transformé la chanson en quelque chose de plus grand et de mieux avec sa vidéo. Il a tout fait seul, de manière isolée, et il a dû trouver de nouvelles façons de fimer, de superposer différentes couches, et le résultat était tout simplement parfait.

 

JED : Pour la fin de cette trilogie, certains auraient pu s'attendre à une sorte de climax. Tu n'as pas eu cette idée à un moment ?
Mike : Je ne pense pas qu’il y ait eu une intention de faire un paroxysme. Ça n'a pas été vraiment conçu comme une histoire en trois actes ou quelque chose comme ça. C'était plus comme un large spectre. Diviser l'album en trois EP, chacun avec trois chansons, a commencé à prendre du sens après l'enregistrement. "The Torn" était une obsession pour la dualité, quatre groupes de deux chansons, jusqu'aux titres des chansons et de l’album. La série "Wet" était une rupture dans une transition, qui donne l'impression d'introduire un nouveau narrateur ou une nouvelle entité. Je pense que chaque EP a son propre moment culminant, cependant.

 

 

 

LE PROJET "WET"


JED : Qu'est-ce que c'est que ce "Wet" ? Rien avoir avec l'eau ?
Mike : Je pense que je convertis les sentiments et les émotions en objets physiques. Quelque chose de tangible. C’est plus facile d’utiliser le langage de cette façon pour moi. C’est peut-être un langage de merde, mais c’est bien dans ce contexte. Pour moi, l’idée visuelle des choses mouillées équivaut à être très vivant.

 

JED : Avez-vous enregistré les trois EP en même temps, ou l'un après l'autre?  Comment vous débrouillez-vous en tant que groupe, de l’écriture au processus d'enregistrement ?
Mike : Ils ont tous été écrits en même temps. J'avais enregistré le squelette principal des chansons en Californie. La plupart des autres membres, et ceux qui ont collaboré au disque vivent dans des états différents, nous n'avons donc pas vraiment pu nous voir pendant ce processus. Seánan est descendu de l'Oregon pour enregistrer des parties de batterie live, tandis que Peter est venu en avion pour enregistrer des chœurs et des percussions. Dave m'a envoyé un tas de couches depuis le Colorado. Lee (de Theologian) et moi collaborons beaucoup et "A Rusting Moth" a commencé comme une démo de Theologian, et j'étais censé y ajouter quelques éléments. Je l'ai accidentellement transformé en une chanson complète et Lee me l'a en quelque sorte donnée. La version Theologian de cette chanson sortira bientôt.

 

JED : Il semble que tu  avais une idée forte de cette trilogie, et c'est visible avec les artworks que tu as le as réalisés toi-même.  Il y a un travail incroyable dessus. Quelle est ton idée de la création visuelle?
Mike : Merci. C'est beaucoup plus basé sur la texture que sur l'image. Je ne suis pas un grand peintre mais je peux obtenir les textures et les couleurs que je recherche. Comme tu l'as dit dans l'une de tes chroniques, la palette de couleurs était très simple et naturelle et la progression, du très clair au plus sombre avec le temps, me semblait juste également.

 

JED : Il y avait onze titres avant de diviser l’album en EPs, que sont devenus les deux titres restants ? Seront-ils sortis un jour ?
Mike : Ouais. Annihilvs Power Electronix va sortir un CD complet intitulé `` Wet Pneumatic '', avec toutes les chansons de la série Wet, les deux chansons qui n'ont pas fait partie des EP et la version démo que Theologian a fait  de "A Rusting Moth". Nous n'avons pas encore de date de sortie, mais ça devrait être soit fin février ou début mars.

 

 

 

 

LA COLLABORATION AVEC THEOLOGIAN

 

JED : L’album « Soft Tissue » avec Theologian a été réédité cet été, dans une édition améliorée. Tu pensais que cet album pouvait encore être meilleur ?
Mike Mc Clatchey : Eh bien, la sortie initiale de «Soft Tissue» ne s'est pas passée comme il l'aurait fallu. Il y a eu des galères pour essayer de le promouvoir, le mix et le master étaient vraiment précipités, il y avait juste trop de monde en cuisine sur celui-là. Lee et moi adorions les chansons et on avait le cœur brisé de la façon dont elles ont été publiées et promues. On l'a appelé  «Excised Edition» car il y a eu des changements de personnes depuis et nous avons supprimé toutes les éléments des personnes qui n'étaient plus impliquées. J'ai pu tout mélanger à nouveau sans aucune contrainte de temps et obtenir des choses de la manière dont Lee et moi étions satisfaits. Ensuite, nous avons pu inclure tous les super remixes d'autres artistes et aussi la reprise de PIL (Public Image Limited, groupe de Johnny Rotten, ndlr) sur laquelle on était depuis plus d'un an. J'ai retravaillé l'artwork, et nous nous sommes enfin retrouvés avec une version dont nous étions vraiment fiers. Je n'ai pas l'impression que cela est lié aux gens, mais cela signifie encore beaucoup pour moi parce que j'ai tellement appris, et j'ai senti que c'était un tournant pour Lament.

 

JED : Il y a une énorme progression entre l'album "The Torn" et les EP "Wet". Est-ce que "Soft Tissue" a changé quelque chose pour Lament Cityscape ?
Mike : Absolument. Je suis beaucoup plus dans l'idée de toujours grandir et de progresser que de réécrire sans cesse le même album. «The Torn» était censé être plus subtil et moins unidimensionnel qu'il ne l'était, mais je pense que j'ai merdé quelque part là-dedans. Je peux voir qu'il y a un grand saut entre «The Torn» et la série Wet, mais c'est moins brusque quand on est si près des chansons, je suppose. «Soft Tissue» m'a tiré de là où j'étais avec «The Torn» et je suis entré dans un état d'esprit très différent quant à la façon de créer des chansons pour Lament.

 

JED : Comment a fonctionné cette collaboration avec Lee Bartow? Qu’a-t-il pensé de la réédition?
Mike : Theologian et Lament avaient déjà un respect mutuel l'un pour l'autre, puis nous avons été présentés par l'intermédiaire d'autres personnes, et l'idée est venue de faire une sorte d'album ensemble. Il vit à New York et j'étais en Californie à l'époque. Nous nous sommes lancés dans l'écriture de l'album ensemble. Il envoyait des couches de sons et je les assemblais en quelque sorte, et j'écrivais des chansons rock par dessus. Parfois, je lui envoyais des chansons rock et il leur rajoutait des couches. Presque toutes les paroles ont été écrites par Lee et presque toutes les voix que vous entendez sont les siennes. Je suis présent ici ou là, mais Lee était définitivement le chanteur principal de cet album. Quant à ses sentiments actuels à ce sujet ... j'espère qu'il en est fier. Il devrait l'être. Il a fait un travail de tueur. Nous espérons tous les deux que les gens finiront par en ressentir quelque chose.

 

LE SON DE LAMENT 

 

JED : Il y a beaucoup d'éléments rythmiques dans votre musique, avec des beats, de la vraie batterie et des samples. Quelle est la part de votre batteur Seánan dans tout cela ?
Mike : Lament est vraiment basé sur le rythme plus que toute autre chose. Si nous pouvions jouer avec onze batteurs en live, je serais heureux. La plupart du temps, j'ai pour habitude d'écrire et d'enregistrer de nombreuses couches de percussions, donc lorsque nous enregistrons de la batterie en direct, Seánan a tendance à jouer le rythme principal en live. Parfois je le fais, mais Seánan est un batteur incroyable et a un style de jeu spécifique que j'adore. Il donne vie à la froideur avec laquelle j'ai tendance à commencer.

 

JED : Le son de Lament Cityscape est unique, jouant avec la saturation et toutes sortes d’effets destructifs... Comment fais-tu celà ?
Mike Mc Clatchey : 

 

JED : Ah ! Ah ! Je crois que c'est clair ! Quelle est ton approche du chant et des paroles ?
Mike : Je suis tellement mal à l'aise avec ce processus. Je me sens bien quand elles sont terminées mais je déteste les faire.

 

JED : En écoutant Lament Cityscape, je peux entendre des influences de Godflesh et Nine Inch Nails ... Que penses-tu de ces groupes ?
Mike : Ce sont des groupes qui m'ont montré comment on peut se connecter avec les gens grâce à la musique. Je sais qu'il y a des moments où j'arbore mes influences "sur mes manches". Comme je l'ai dit, j'espère que chaque sortie sonne différemment mais je suis sûr que je ne peux pas échapper à mes influences. Peut-être que je les cacherai mieux à l'avenir.

 


 

WHAT'S NEXT ?

 

JED : J’ai vu que tu as déménagé d’Oakland, en californie pour Buffalo, dans le Wyoming... Des conséquences sur le groupe ?
Mike : Comme le groupe live vivait déjà dans des états différents, ça n’a pas vraiment changé les choses. Notre objectif est de faire des tournées une ou deux fois par année, lorsque les choses s’ouvriront et que nous pourrons le faire de façon sécure et responsable. Nous avions une tournée prévue pour la fin d’avril 2020, mais elle a évidemment été annulée. Lorsque nous pourrons à nouveau le faire, nous allons simplement nous réunir et refaire une setlist ensemble pour travailler dans une configuration live, en fonction du type de tournée que ce sera.

 

JED : Les trois parties de "Wet" seront-elles réunies d’une manière ou d’une autre ? Par exemple, voir un concert du "Wet" serait incroyable, avec des versions augmentées des chansons, des lumières psychédéliques et des vidéos effrayantes, ...
Mike : Oui, "Wet Pneumatic" inclura tout. On prévoit de faire des CD et des cassettes, et peut-être une petite série de LP. On parlait d’enregistrer un concert mais on va voir si on peut y arriver. Lorsque nous serons en mesure de faire des spectacles en live à nouveau, nous voulons que ce soit quelque chose de plus grand que nous avons fait dans le passé. Nous voulons que les gens ressentent quelque chose qui dure.

 

JED : As-tu une idée de la prochaine étape pour Lament Cityscape? Travaillez-vous sur de la nouvelle musique ?
Mike : J’ai actuellement la musique faite pour un nouvel album, pour lequel je suis en train d’écrire des paroles. Je suis plus qu'excité à ce sujet et j’espère trouver quelqu’un pour nous aider à le publier en 2021.

 

Merci à Mike Mc Clatchey pour ses réponses et sa disponibilité !

interview réalisée par JeanEdernDesecrator

0 Commentaire

2 J'aime

Partager
    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire

En voir plus