Killing Spree est une entité un peu (beaucoup) étrange qui mêle l’improvisation, le death metal, le saxophone … le tout sans guitares. Aux manettes, l’ermite Matthieu Metzger que l’on connait pour être à l’origine des interludes et autres samples étranges de Klone ou encore membre de l’orchestre expérimental Anthurus d’Archer.
De retour sur scène avec Klone après 12 ans de iatus pour le concert du Hellfest et venu présenter le second disque de Killing Spree, la tentation était trop forte de faire un crochet pour discuter un peu avec lui. Extraits choisis.
[Par Eternalis]

Comment vas-tu Matthieu ?
Très bien. C’est le bon week end, les retrouvailles avec Klone (ndlr : il a rejoué sur scène avec eux au Hellfest, chose qui n’était pas arrivé depuis plusieurs années). C’est incroyable.
Je peux aussi parler de mon projet et je vois que plein de gens sont intéressés et c’est génial.
Comment présenterais-tu Killing Spree pour ceux qui n’avait pas eu connaissance du premier album de 2014 ?
C’était avant tout un projet pour faire ce que je ressens du metal sans en faire. Cela vient de mes années ados, quand j’étais avec Klone, quand j’ai découvert Meshuggah.
A l’époque, j’ai fondé un trio en travaillant avec l’orchestre de jazz dans lequel je jouais. C’était un trio où l’on faisait un peu d’impro, on y mettait de la noise, de l’expérimental même si je n’aime pas trop ce mot car ça me fait toujours penser “On essaie de faire des choses sans y arriver”.
Killing Spree peut sembler très expérimental pour certains alors que moi je pense simplement faire du death (rires).
Pour des histoires de planning, nous sommes désormais un duo. C’est plus du metal désormais. Nous avons la moitié des morceaux qui sont plus courts, avec du riff même s’il y a encore de l’improvisation. Le saxophone est vraiment pensé avec de la distorsion, pour que ça sonne comme des riffs. On peut parfois penser que c’est très chaotique et improvisé alors que ce sont des éléments écrits tandis que parfois ça semble plus construit alors que j’ai improvisé du saxo et Grégoire (ndlr : Galichet, batterie) a réagi à ce que je faisais en direct. Il y a une énergie live avec de l’improvisation mais sans que ce soit n’importe quoi.
Quand tu parles d’improvisation, tu veux dire que les enregistrements ont été fait en direct et que ce que nous entendons est ce résultat sans retouches ?
Presque. La session a été très courte. Nous nous connaissons, on a déjà fait des concerts ensemble donc nous savions comment bosser ensemble.
Je suis arrivé chez lui en Alsace. J’avais des riffs, des passages finis, des passages orchestrés et travaillés mais je n’avais que 50% du matériel. Le reste est de l’improvisation autour de ce que j’avais écris et selon où la musique nous emmenait, Gregoire et moi. On a tout enregistré en deux jours et j’ai tout ramené chez moi.
J’ai ensuite fais le tri dans les vocaux, dans les cris car j’avais enregistré beaucoup de choses mais j’ai gardé au maximum l’intensité du moment. J’ai voulu bidouiller, ajouter des samples ou corriger des éléments mais finalement, je n’ai presque rien fait car ça perdait l’essence de la prise live. J’ai simplement ajouté du texte pour pouvoir jouer en concert les morceaux quand je lache le saxophone. On pourra presque tout jouer ce qu’on entend sur l’album en étant uniquement deux.
Ce qui veut dire que, un mois plus tard, le rendu aurait pu être différent ?
J’avais d’autres éléments avec moi mais ce n’était pas pertinent donc j’ai encore de la matière pour un prochain album. Donc oui c’est sûr que, d’un instant à l’autre, les choses peuvent sensiblement varier. Le morceau le plus long est à la base une longue introduction de quinze minutes autour de laquelle nous avons tourné et j’ai ensuite enlevé des passages déjà écrits pour rajouter ça car nous trouvions cette prise incroyable, avec ce blast presque black metal à la fin.
Tu parlais du chant. Tu as repris du Morbid Angel pour la promotion de l’album et c’est forcément très “casse gueule” quand on touche à ce genre de groupe, surtout en le dénaturant autant. Pourquoi ce titre ?
C’est un moyen de se mettre bien la pression (rires).
On avait simplement envie. On avait sorti un ep qui s’appelait “Violent Legacy” pendant le confinement, où on reprenait un titre de Death et un autre de Meshuggah.
C’était pour mettre les gens dans une espèce d’inconfort, de jouer du metal mais avec un saxophone et sans guitare. Il y a quelque chose d’excitant et ça reste une grande partie de mes influences, même si je ne me considère pas comme un érudit du metal.
A côté de ça, nous avons eu la possibilité de reprendre du Morbid Angel, au saxophone, sur la ligne Maginot car le batteur habite en Alsace … nous devions le faire. C’est un énorme fan, un excellent batteur de metal et un mec qui connait très bien ce genre musical.
C’était dans son panthéon des morceaux à reprendre (ndlr : Rapture). Donc j’ai travaillé comment faire sonner le saxo, jouer les solo, ajouter le chant …
C’est d’ailleurs assez hallucinant car on croirait entendre des guitares parfois. Je me suis même demandé plusieurs fois s’il n’y avait pas de l’édition.
C’est drôle que tu me dises ça car finalement ce n’est pas si complexe de faire sonner le saxophone comme ça avec de la distorsion.
A la sortie du clip, des gens ont mis des commentaires comme quoi ce n’était que du playback et j’étais presque triste car on a transporté la batterie dans la ligne Maginot avec une charette, le matériel de sono et les amplis pour finalement entendre “c’est du playback, il y a de la guitare” (rires).
En fait, c’est un logiciel de programmation sonore avec mon saxophone brut qui est comme désaccordé comme si je jouais des powerchords sur les trois premières cordes. Le logiciel fait comme si je jouais avec 7 saxophones en simultannée (rires). C’est sale et dérangeant et ça me va très bien.

Est-ce qu’il y a eu l’idée d’apporter d’autres instruments à un moment ?
Au début je voulais mais à chaque ajout, je retirais car je trouve qu’on dénature vraiment trop l’idée de base.
Il y a un morceau avec une tromboniste de Poitiers qui bosse au conservatoire car je voulais un côté péplum à la Pink Floyd à la Atom Heart Mother. Peut-être que j’inviterais des guitaristes pour des soli mais pas du tout des riffs, ou des chanteurs pour des voix criées. Même pas forcément du texte mais juste de la saturation de la voix car je suis très sensible à ça. Il y a matière à faire du featuring. Ce sont des idées, dans un genre “Killing Spree Orchestra”.
Je ne t’avais pas vu sur scène avec Klone depuis l’époque de la tournée Klonosphere avec Klone, Hacride et Trepalium. Tu travailles toujours avec eux sur album, sur les interludes et les samples mais qu’est-ce que ça t’a fait de rejouer sur scène avec eux ?
J’ai un immense sourire depuis deux jours (rires)
J’ai l’habitude d’être dans ma grotte, là j’ai beaucoup travaillé sur mon projet seul dans mon coin mais ce week end, on joue devant 10 000 personnes et la tente était blindée et le monde était jusque dehors ! Il y a plein de gens qui s’intéressent à mon projet !
Le concert en lui-même était au top, j’avais peur que ça aille trop vite mais ça s’est bien passé malgré quelques merdes techniques. Je n’ai pas joué avec eux depuis 12 ans mais j’ai retrouvé mes marques, ce sont des potes de lycée et j’avais l’impression d’être à ma place, avec eux. Je me suis parfois dis “C’est tellement cool de rejouer ce morceau” mais en fait, je ne l’avais jamais joué en live avec eux (rires). A chaque fois, j’enregistre les albums, on se voit quelques jours mais après, je n’ai pas le temps de les suivre en tournée.
La sensation était étrange mais j’ai pris beaucoup de plaisir.
Dernière question : tu as fais à l’époque une étude sur Meshuggah. Que peux-tu en dire ?
C’était pour mes études quand j’étais en maîtrise, elle est d’ailleurs en ligne. C’est un truc poussé de 200 pages, c’était à l’époque de “Nothing” quand ils ont simplement tout inventé, ils sont parti quasiment du néant, ils sont arrivés et ont tapé dans la fourmilière pour créer quelque chose.
Ils m’ont d’ailleurs confirmé quand j’avais eu la chance de les rencontrer qu’ils n’avaient pas de volonté de musique contemporaine ou savante, que la volonté n’était pas de révolutionner la musique mais simplement de la faire sonner autrement. Ils se sont d’ailleurs excuser d’avoir inventé le djent à plusieurs reprises.
Quand on dissèque leur musique, il n’y a pas de mesures complexes. Il y a des rythmiques complexes, des plans alambiqués mais si tu prends le premier album de 1989, c’est du Metallica avec des décalages un peu bizarres. Ils n’ont rien d'élitiste initialement, c’était simplement leur façon de faire du rock. Tomas m’avait dit que dans le camion, ils écoutent plutôt du Nora Jones (rires).




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