Kill The Thrill

Méconnus malgré vingt années au compteur, les marseillais de Kill The Thrill entendaient bien lors du dernier Metalorgie faire parler la poudre sur les planches et démontrer la force et le caractère si singulier de leur musique. C’est donc avec le chanteur/guitariste/compositeur Nicolas Dick ainsi que la bassiste Marylin Tognolli, visiblement de bonne humeur et très bavarde, que nous nous sommes entretenu à propos du groupe, du dernier album en date « Tellurique » (ndlr : voir chronique), de leur vision de la musique et de l’art en général. Des musiciens généreux, sincères et intègres après vingt ans de carrière quasi et injustement anonyme…oui ça existe. Entretien. [Par Eternalis]

interview Kill The ThrillVous vous êtes formés à la fin des années des années 80, mais êtes encore très discrets et peu mis sous le feu des projecteurs. Pouvez-vous présentez le groupe pour ceux ne vous connaissant pas encore ?
Marylin : Alors il y a Fred à la guitare et au chant, Nicolas au chant lead et à la guitare ainsi que moi à la guitare. Nous nous sommes formés en 1989 mais on ne peut pas dire qu’il s’agissait vraiment de Kill. Tous a vraiment commencé vers 92/93, avec notre premier album.

« Tellurique », votre dernier album, est sorti en 2005. Comment le voyez-vous avec le recul et y changeriez-vous des éléments aujourd’hui ?
Nicolas : pas forcément. Je ne pense pas…on a passé un an à le faire. Au niveau du son, il y a toujours quelque chose à revoir mais au niveau des compos, je ne vois pas grand-chose à revoir. Après chaque album, il faut passer à autre chose…

Marylin : Un album est un pan de notre vie si tu veux. Il est fait il est fait, on ne pourra pas revenir dessus donc autant tout de suite penser à de nouvelles idées que de s’appesantir sur un album passé.


Comment définis-tu la musique de Kill The Thrill ? Vous êtes assez inclassable, indéfinissable, entre indus, rock, pop parfois, prog, atmosphérique…
Marylin : Alors là…grande question (rires). Pour nous, nous faisons du rock. Je ne pourrais pas vraiment définir ce que nous faisons honnêtement.

Nicolas : c’est un ensemble de tous ce que nous faisons. Nous ne nous sommes pas dirigés vraiment vers le rock, la pop ou le métal. Nous faisons du Kill The Thrill en fait, je pense que nous digérons assez bien nos influences pour qu’il ressorte une identité et un son propre. Le fait de ne pas pouvoir la définir est selon moi la qualité première de notre musique.


Quels sont vos influences et artistes favoris ?
Nicolas : Killing Joke, The Cure…toutes la vague industrielle de la fin des années 80 ou du début des années 90.

Marylin : le spectre est très large. Ca n’a jamais été que du métal ou de la pop…très large.



Vous développez un son et une atmosphère bien à part, viscérale, émotionnelle et hypnotique. Comment tu te places sur la scène métal actuelle ?
Marylin : Très modestement (rires).

Nicolas : On ne se place pas forcément. Dans les années 90, nous étions catalogués de noise/indus à cause de nos riffs très lourds, très massifs. Il y avait des machines…puis nous sommes entrés sur un label de métal, ce qui nous a fait jouer avec des groupes de métal et tous c’est très bien passé. Peut-être nos auditeurs sont-ils plus dans le métal je ne sais pas…


Que penses-tu de la scène métal actuelle, de l’explosion du metalcore et d’une musique complètement interchangeable, lisse et sans saveur ? Dans un même temps, vous avez une personnalité très forte mais aussi peu accessible. Penses-tu que cette difficulté d’accès dans votre art vous empêche d’exploser ?
Marylin : Je pense que c’est évident oui. Il y a aussi un réel lien avec un label qui te porterait et te ferait exploser. Nous n’avons jamais eu cette réelle opportunité d’avoir un label qui ferait ça pour nous. Nous faisons une musique émotionnelle, qui passe par le son et pas par l’image, on peut difficilement nous mettre dans une petite boite et nous ranger, on n’est pas non plus très visuel.

Nicolas : Dans les années 90, il y avait une grosse mouvance noise, donc nous jouions beaucoup car beaucoup de groupes jouaient ceci. Ensuite, quand la techno est arrivée, beaucoup ont changé mais pas nous, nous étions bornés et nous avons c
interview Kill The Thrillontinué (rires). La vague noise s’est cassé la gueule et nous sommes passé à la trappe. Une nouvelle scène est apparue mais celle à laquelle nous appartenions n’est jamais revenue.

Marylin : Nous avons surtout un succès d’estime, bien plus que commercial. Nous n’en vivons pas.


Comment avait été enregistré « Tellurique » ?
Nicolas : ça a pris beaucoup de temps parce que nous avons enregistré tous les morceaux indépendamment, avec des parties indépendantes que nous avons toutes assemblées à la fin. Ce qui fait qu’à la fin de l’enregistrement, nous n’avions jamais joué les morceaux ensemble (rires). Enfin nous les avions répétés, mais vraiment uniquement des parties, jamais entièrement.

L’accueil de la presse avait été dithyrambique non ?
Marylin : C’était très flatteur (rires). C’est une belle reconnaissance. Faire de la musique comme nous est quelque chose d’assez laborieux, c’est un bon coup de pied aux fesses pour continuer, nous n’avons eu que des chroniques positives…à part peut-être dans les magazines extrêmes (rires).

Certaines atmosphères très mélancoliques et planantes m’ont fait pensé à Devin Townsend, notamment période « Ocean Machine ». Connais-tu la musique du canadien et qu’en penses-tu ?
Nicolas : on nous l’a déjà dis.

Marylin : Musicalement, je ne vois pas vraiment l’affiliation mais en effet, c’est quelque chose qu’on nous a beaucoup dis. C’est un beau compliment au vu de la créativité du monsieur.


Vous enregistrer avec une boite à rythmes ? Est-ce un choix ou une contrainte de ne pas trouver de batteur ?
Nicolas : non ça n’a jamais marché. Il y a beaucoup d’échantillons, de rythmes très martiaux, d’éléments trafiqués. Nous voulions faire des concerts mais avec un batteur, ça ne sonnait pas bien du tout. On a rapidement renoncés à cette idée et avons privilégié la boite à rythmes.

Marylin : et il aurait fallu qu’un chanteur joue avec la machine, avec les samples et c’est un élément très contraignant, peu de batteurs acceptent ça donc nous n’avons jamais trouvé de batteur adéquat. Peut-être n’avons-nous pas réellement cherché mais nous voulions réellement une machine de guerre, quelque chose de très rigide. Plus un percussionniste qu’un batteur (rires)



Quel concept se cache derrière Tellurique ? Il y a aussi ce morceau presque narratif, « Soave », chanté en français par Marylin…
Nicolas : Ca parle beaucoup du déséquilibre, de la recherche d’un équilibre. C’est très introspectif, le comportement de l’individu, politique sans l’être…ce n’est pas très clair je sais (sourires)

Marylin : Concernant « Soave », c’est un morceau à part. J’ai enregistré mon chant en seulement 2 prises, presque sur un coup de tête et nous n’y avons rien modifié ensuite. C’est un texte qui me tenait beaucoup à cœur mais qui est aussi tellement personnel que je ne pourrais jamais la faire en live. Le feeling serait complètement différent et ça n’aurait aucun intérêt pour moi.


Le prochain album est-il en cours ?
Marylin : Nous avons fais nos derniers concerts en 2007 donc nous avions besoin de prendre un repos mérité après ça. Après 20 ans pour le groupe, nous avions besoin de reprendre un peu nos vis, le contrôle de nos existences pour revenir d’attaque !

Nicolas : nous avons des idées oui. Mais rien de jouer concrètement, ça demande beaucoup de temps et d’énergie…


Season of Mist est l’un des, sinon le, label plus impor
interview Kill The Thrilltant de métal en France. Etes-vous satisfait de leur travail ?
Marylin : c’est un label qui a les moyens de donner une grande couverture pour les groupes. Enfin SoM nous a signés sur un coup de cœur plus qu’un espoir de vente, nous le savions des deux côtés mais ça nous a donné une bonne couverture médiatique, des chroniques et des interviews un peu partout.
Les gens qui nous connaissaient avant on continué de nous suivre, les autres peuvent nous découvrir. On a appris par exemple qu’on a vendu 5 ou 6 exemplaires au Mexique ou à San Fransisco, donc ça fait plaisir (rires).


Que pensez-vous des polémiques actuelles concernant le Hellfest ?
Marylin : Je t’avoue qu’on est à des kilomètres de ça (rires). Nous sommes de vrais sauvages…qu’entends-tu par polémiques ?

Et bien il y a différentes pétitions pour empêcher le festival de se produire, prônant un danger pour les jeunes, la perversion intellectuelle, le risque de tomber dans la violence…
Marylin : ah oui…et bien…(rires).

Nicolas : c’est évident que la France est en retard, la France n’a aucune culture rock, elle a toujours été pop. Tu vas en Angleterre, tu en entends dans les bars, ici non. Ce sont des exemples bateau mais ça reste une réalité…

Marylin : le rock a toujours été la bête noire de la bourgeoisie. Mais sans parler de musique, ce qui est anticonformiste dérange, dans la lecture, la peinture. Le Hellfest est un gros évènement, il y a aussi l’électorat qui est en jeu, la politique. Après, il y a aussi aux groupes d’assumer leurs choix, ceux étant provocateur et ayant une image pernicieuse doivent assumer leurs statuts et la relative brutalité de certains messages. Je pense qu’il faut souligner ça aussi, un groupe traitant de la violence physique ou chrétienne doit assumer jusqu’au bout son concept et ne pas dire « non non ce n’est qu’une image », il faut assumer.


Comment vois-tu la place de l’art dans la société de consommation actuelle ?
Marylin : Ouh ces questions…bon apéro (rires) Kill The Thrill par exemple n’est pas un objet de consommation. Enfin nous voudrions bien que les gens nous consomment avec plaisir mais je pense que c’est peine perdue (rires).

Nicolas : le gros problème est la relation à l’art actuel. Tout est faussé par la société actuelle, est caché par une éducation qui ne met pas du tout en valeur l’art. Aujourd’hui, l’artistique devient une recherche de cachet et de gain simplement parce que les gens sont sur la survie et non plus sur la création. Ils créés pour manger, la relation est complètement différente.


Qu’est qui vous inspire à part la musique ?
Marylin : Je dirais la littérature, c’est probablement ce qui m’inspire le plus après la musique. Mais ensuite, je pense que Kill The Thrill se nourrie de lui-même, nous avons notre propre influence. Je ne voudrais pas enfoncer le clou mais je pense vraiment que nous avons notre influence indépendante de toute autre forme d’art.

Nicolas : Je dirais la vie. Ce que nous vivons tous les jours…

Marylin : C’est fermé tout ça (rires)


Je vous laisse le mot de la fin…
Marylin : tout d’abord un merci à toi pour cet entretien, et donner le maximum pour offrir le meilleur concert possible et consommer au maximum du Kill The Thrill. Enfin on ne va peut-être pas laisser ça dans l’interview (rires) (ndlr : et si !)

Nicolas : pareil. Faire le mieux possible pour que les gens veuillent se pencher sur notre musique et repartent en ayant passé une bonne soirée et un moment que l’on espère marquant. A ce soir donc…

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interview réalisée par Eternalis

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