Eryn Non Dae

La scène métal extrême française explose : Eryn Non Dae le prouve et témoigne de la nouvelle maturité de tous ces nouveaux groupes à l'inspiration et au talent sans limites.
Fusion de violence schizophréniques et de passages atmosphériques, END est déjà prêt à tout détruire sur son passage, alors qu'un second album est déjà en route. "Hydra Lernaia" aurait fait fort impression à sa sortie, les catapultant littéralement dans le peloton de tête des groupes à surveiller de très près.

De passage à Nantes au Metalorgie Fest, nous avons donc livré un petit entretien avec Mathieu (chant) et Franck (guitare), affables, disponibles et des plus sympathiques, pour parler du groupe, de l'album, des projets ainsi que de quelques sujets de sociétés actuels...

[Par Eternalis]

interview Eryn Non DaeSalut les gars ! Pour commencer, question simple, pouvez-vous présenter le groupe à ceux ne vous connaissant pas encore ?
(Franck) Eryn Non Dae est né en 2001 avec un ep en 2005, "The Never Ending Whirl of Confusion" à Bordeaux au Conkrete Studio, tiré à 500 exemplaires et vendu intégralement aujourd’hui. Ensuite, en 2007 l’enregistrement de "Hydra Lernaia" puis la sortie en 2009. Et aujourd’hui sur scène…tout se passe bien pour le groupe.

"Hydra Lernaia" est sorti il y a plus d’un an maintenant. Si vous deviez changer des éléments, quels seraient-ils ? Comment le voyez-vous avec le recul
(Franck) Pour ma part non, je suis très fier au niveau des compos, de la première à la dernière seconde de l’album. Néanmoins, au niveau du son, il y aurait des éléments à changer, on le sait depuis un petit moment déjà, notamment parce que l’album n’a pas été enregistré dans un vrai studio, pour une meilleure acoustique donc on sait que ce sera mieux la prochaine fois. Probablement au niveau de chaque instrument également…



(Mathieu) Je pense également que c’est quelque chose d’instantané, on enregistre à un moment mais avec le recul, je trouve qu’il est difficile d’avoir un avis, ce qu’on pensait sur le moment était ce qui était le mieux sur le moment. C’est vraiment un feeling. Donc au niveau des placements, du son, des instruments, de la technique oui…mais dans l’atmosphère globale, je n’ai vraiment pas de regrets.



(Franck) Pas de regrets non…



END fait clairement parti de cette nouvelle vague de métal extrême français. Inclassable, violent, atmosphérique…on pense à Gojira, Hacride ou Klone mais vous vous démarquez par une production plus sale et lourde…
(Franck) Oui, beaucoup plus sombre et chaotique que ces groupes. Tous ces groupes ont une atmosphère propre, mais nous avons un son et une ambiance plus sale. Nous sommes accordé graves, tout est très sale.



(Mathieu) Je pense que cela vient aussi du fait que nous n’écoutons pas uniquement que du métal. J’en suis par exemple arrivé à un moment où j’écoute de l’électro, je suis moins fermé qu’avant…ou Neurosis par exemple…tout ceci nous ouvre pour être unique. Sans que ce soit péjoratif, je pense qu’écouter uniquement du métal t’offre une vision peut-être plus fermée de la musique, et aide à entrer dans une autre forme de stéréotypes.



Existence Asleep par exemple évoque beaucoup « In Death – Is Death » de Meshuggah. Qu’en penses-tu ?
(Mathieu) Je ne vois même pas ce morceau…

Sur « Catch 33 »…
(Mathieu) Ah ok, c’est celui que j’écoute le moins (rires).



(Franck) C’est vrai que c’est à l’auditeur d’établir ce genre de comparaison. Ce morceau est en effet assez chaotique et déstructuré comme le fait Meshuggah. Je penserais plus à Neurosis finalement, pour l’aspect ambiancé, lourd et très obscur…



Quelque part, toute cette nouvelle scène aurait-elle pu exister sans Meshuggah ?
(Franck) : on en serait sans doute pas là c’est certain. Tellement de groupes sont influencés, on voit des tonnes de combos utiliser aujourd’hui les mesures composées, la polyrythmie, les cassures rythmiques comme eux l’ont créé…



(Mathieu) : par exemple, tu vois, avec Mika (bassiste), nous nous sommes rencontré sur du Meshuggah, dans un local de répèt ! Je répétais avec mon ancien groupe, tout comme lui avec un groupe aujourd’hui mort de death brutal. Il jouait de la guitare dans ce groupe, et il s’échauffait les doigts sur du Meshuggah (sourires). C’est comme ça que je suis allé le voir et qu’on a fait connaissance. Donc non, sans eux, nous n’en serions sans doute pas là…



Votre musique, à l’instar des suédois, est très complexe. Comment définissez-vous la technique musicale ? Est-elle une fin ou un simple moyen ?
(Franck) : c’est un moyen oui, mais ce n’est pas un fin. La technique doit apporter la puissance, elle doit faire « taper » au final, pour développer les atmosphères, renforcer la violence, la brutalité. Tout en apportant une nuance avec les passages atmosphériques…

Ce qu’on veut, c’est installer un climat de violence, de chaos, puis apporter une ambiance complètement différente, planante la seconde suivante, pour ensuite frapper encore plus fort l’auditeur. On n’est pas réellement spectateur de notre musique, elle se vit…



Votre album possède comme symbolique l’Hydre de Lerne. On peut y voir la créature mythologique mais aussi une figure métaphorique d’un malheur humain grandissant sans cesse. Quel concept as-tu développé à
interview Eryn Non Dae travers l’album ?
(Mathieu) : j’ai toujours un peu de mal a dévoilé mes textes. Je pars du principe que l’auditeur doit faire sa part de boulot. Quand tu achètes un album, tu regardes, lis les textes, découvre par toi-même, c’est un processus personnel je pense.

Il y a d’abord le monstre à neuf têtes, même si certains disent qu’il pouvait avoir 7 ou même 100 têtes, mais je ne voulais pas faire 100 morceaux (rires).

Ensuite, j’ai mis en place, avec cette métaphore d’un mal grandissant au fur et à mesure que l’on veut le détruire et que l’on s’épuise à tenter de le faire. Je pense qu’on a voulu marquer le coup pour un 1er opus, développer des sentiments humains que chacun peut ressentir un jour dans sa vie, des épreuves et des douleurs relativement universelles. C’est aussi un moyen d’imposer un visuel et un concept fort pour un jeune groupe, montré que nous sommes ambitieux et qu’il y a du travail derrière.

Je ne sais même plus réellement comment l’idée m’est venu, ça a été assez spontané et tardif dans le processus de composition. Quand au prochain, je n’ai aucune idée de la marche que l’on suivra, s’il y aura un nouveau concept ou si ce seront simplement des textes collés sur la musique. Rien n’est décidé…



Comment a été enregistré l’album ?
(Franck) : un mois pour les prises, tout c’est bien passé. On avait beaucoup bossé, fait des pré-prods pour pouvoir vraiment travailler le chant par exemple, les enchainements, on a essayé beaucoup de choses. Puis le mixage a duré un mois, et ensuite pas mal de mois pour le mastering. Etant de Toulouse, et le studio de Bordeaux, ça a été difficile. On a dû passer 2 ou 3 mois rien que sur le mastering, on a fait plusieurs allé-retour à Bordeaux parce qu’on demandait des modifications dans le son, puis après c’était un autre élément qui n’allait plus. Donc on ne fera pas cette erreur une nouvelle fois, ça c’est certain…

Quel accueil a-t-il reçu et avez-vous pu le défendre convenablement sur scène ?
(Franck) : pas énormément de concerts, c’est très dur. Pourtant, les chroniques sont excellentes, 98% sont positives mais on ne joue pas beaucoup. Pas de Hellfest par exemple, on a peut-être fait une dizaine de concerts depuis la sortie de « Hydra Lernaia »…



(Mathieu) : il y a un réel décalage entre les chroniques, l’album se vend pas mal et finalement, nous qui jouons très peu. Le calme plat pour les concerts. Beaucoup de gens nous disent « alors, comment se passe la tournée ? » alors que nous n’en avons pas faite du tout (rires).



Il ne doit pas être simple de développer vos atmosphères sur scène. Que privilégiez-vous en concert ?
(Franck) : l’album n’a pas été surproduit donc finalement, on peut tout jouer sans trop de soucis. On reproduit réellement l’album, c’était aussi un des éléments auquel nous tenions lorsque nous avons enregistré l’album.



(Mathieu) : après, il y a l’ambiance live, c’est plus spontané, plus brutal, ce qui est logique.



(Franck) : il n’y a pas 10 000 pistes impossible à refaire sur scène donc nous trouvons vraiment important de retranscrire, musicalement, un ensemble cohérent.




Question chauvine : pensez-vous que le succès de Gojira, Dagoba et consorts puisse jouer en votre faveur ?

(Franck) : complètement, ça ne peut-être que bénéfique pour nous. Les gens qui nous écoutent sont à la base des fans de Gojira ou Hacride.



(Mathieu) : oui, on ne peut pas dire que l’on arrive et qu’on a tout fait tout seul (rires).

Il y a un tas d’américains par exemple qui, après le passage de Gojira chez eux, ce sont dit qu’il y avait peut-être d’autres français qui savaient faire de la bonne musique après tout, et fatalement, toutes ces retombés sont positives pour nous.



Outre vos influences que l’on peut entendre en écoutant l’album, quels sont vos artistes favoris ?
(Franck) : On a des gouts complètements différents. Machine Head ou Metallica pour la qualité d’écriture, qui composent de vraies chansons, sans enchainer des riffs bêtement. Je suis plus old school personnellement…je fais partie des vieux du groupe (rires).



(Mathieu) Peut-être plus la scène scandinave selon moi, je suis un énorme fan de Converge ou Cult of Luna par exemple, ou des choses n’ayant rien à voir avec le métal. Des groupes particuliers, qui m’influencent pour leur qualité d’écriture…



Avez-vous des pistes pour le prochain album ?
(Franck) : oh oui beaucoup. On en jouera une nouvelle ce soir. Ce sera plus mélodique peut-être…



(Mathieu) : plus ambiancé je
interview Eryn Non Dae dirais. Mélodique sous entends un côté grandiloquent, voix claires, on ne peut pas dire que c’est réellement la voie que nous prenons…



Pas comme Dagoba donc (rires)
Non non pas du tout, nous n’en sommes pas là (rires). Ce n’est pas péjoratif mais nous sommes dans un autre univers. Dagoba est très power metal pour moi. Rien n’est encore concret, tout ça reste à murir…

Vous être chez Metal Blade qui reste un très gros label. Etes-vous satisfait de leur travail ?
(Franck) : carrément. Au niveau mise en bac déjà, le cd est bien distribué, les interviews, la promo, les chroniques…on est vraiment gâtés. Rien à redire…

Cet été, il nous arrivait de recevoir trois ou quatre interviews par jour, la plupart en anglais, qu’on se partageait avec Mika, et c’est vrai que ça fait un choc quand on n’est pas habitué !




Il y a tous un tas de polémiques sur le Hellfest. Penses-tu que, d’un point de vue culturel, nous ne sommes pas en retard lorsque l’on voit qu’il n’y a jamais de problèmes en Allemagne, en Belgique ou même en Slovénie ?

(Mathieu) : il y a deux solutions. On peut en parler pendant des heures…c’est un combat de tout les jours qui me mets vraiment en colère. Je trouve regrettable, je pense les français complètement en retard. D’un point de vue culturel, c’est lamentable, Paris n’est plus rien…on parle de la France comme d’un pays du rêve, du romantisme et tout mais ce n’est plus rien aujourd’hui. Notre culture est au niveau zéro.



(Franck) : quand j’entends Christine Boutin, c’est un danger public d’avoir une vision aussi obtus des choses pour une femme au pouvoir. Elle a un droit de pression, elle exerce au gouvernement, or, quand on l’écoute, on se croirait au Moyen-Age.

On va PSG-OM, il y a deux morts, au Hellfest rien…mais le Hellfest dérange.



(Mathieu) : c’est un réel nivellement vers le bas. On s’américanise de plus en plus mais nous ne prenons que les mauvais côté des américains. Je n’ai pourtant pas l’impression que tout est mauvais chez eux, mais nous semblons aimer uniquement le moins glorieux de leur culture…

Tu vas aux U.S.A, tu peux entendre ou voir des clips de métal à la télé. En France, il faut attendre 2h du matin et sur une chaine câblée…et encore…




Comment vis-tu les préjugés incessants, souvent faux, que l’on colle aux musiciens métal ainsi qu’aux fans ? Les profanations de tombes semblent être à la mode en ce moment…

(Franck) : c’est juste de l'inculture…



(Mathieu) : c’est comme se battre contre un moulin, on peut rien faire…on parle de Maiden, de Marilyn Manson, de Rammstein…on ne peut rien faire. Les gens qui évoquent ces groupes n’y connaissent rien, sinon, ils ne les citeraient pas, ça tombe sous le sens. C’est aussi la culture métal, ne pas perdre de temps à essayer d’expliquer l’inexplicable.

J’en suis outré, tu cherche à réagir mais quand on voit l’ignorance et la bêtise des préjugés, c’est peine perdu. Mais finalement, cette forme de fascisme se retrouve dans le racisme, les races qui ne sont pas intégrés à la société.

Ils viennent nous cacher les couilles pour de la musique alors qu’il y a des morts à des matches de foot mais les gens ne font pas chercher plus loin. Je pense qu’on peut aussi y voir un énorme problème des médias. Ce sont eux qui, à la base, font le gros d’une polémique et encensent les préjugés afin de les faire rentrer dans les cranes des gens.



N’est-ce pas le reflet justement d’une société où l’art devient obsolète et où tout est devenu si matériel et sans valeur que l’ouverture d’esprit en vient à s’amenuiser ?
(Mathieu) : voilà, c’est du mac’do culturel (rires). Tu prends, tu ingurgites et tu ne cherches rien. C’est marrant parce qu’on parlait de ça dans le camion, une longue discussion…je me demande comment est vu la France des autres pays. Avant c’était la baguette et le béret mais aujourd’hui…



(Franck) : peut-être un clavier en plus (rires).




Les grèves aussi (rires)

(Mathieu) : aussi (rires). Le constat n’est réellement pas beau à voir. Tu dois vivre ça comme nous…

Merci pour le temps accordé ! Je vous accorde le mot de la fin et vous souhaite un bon concert ce soir…
(Franck) : merci à toi pour l’interview et j’espère que tu passeras un bon concert.



(Mathieu) : Pareil…merci de prendre de ton temps pour nous, merci pour tes questions qui amènent un développement. C’était très cool…profites bien de l’album et du concert…


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interview réalisée par Eternalis

4 Commentaires

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skull_revenge - 17 Avril 2010: Une très bonne interview !
Eternalis - 17 Avril 2010: Merci ;)
metaladrien - 17 Avril 2010: en effet elle est tres bien ! tu ne chôme pas Eternalis !
Merci !
PS: il y a quelques fautes d'écriture néanmoins ...
katchoke - 17 Avril 2010: Je les ai vu à l'estran, pas loin de bordeaux dernièrement! Une véritable claque, pour un groupe français plein de personnalité, qui mérite sa place sur la scène internationale!
en tout cas une interview trés interessante qui lève le voila sur un problème de société trés encré en france!
GG Eternalis!
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