Doctor Livingstone

Doctor Livingstone est un groupe qui ne fait rien comme les autres. Erratique, volontiers provocateur, se plaisant à bousculer les codes établis d'une scène black toujours trop rigide et figée, voilà qu'après avoir sorti deux albums de hardcore aux relents noise et screamo, les Montpelliérains accouchent sans crier gare de Contemptus Saeculi, bête hybride mixant la sauvagerie et l'intensité du hardcore aux ambiances sombres, glauques et décadentes du black metal.
Avec une telle offrande, nul doute que le combo ne passera pas inaperçu, et il y a fort à parier que le nombre de ses adeptes comme celui de ses détracteurs risque d'augmenter de façon exponentielle.
Reverend Prick, claviériste de son état, nous en dit plus sur cette nouvelle bombe sonore qui ne laissera personne indifférent, ainsi que sur les sombres méandres qu'elle recèle...

interview Doctor Livingstone1) Salut ! Première question de rigueur, pouvez-vous présenter Doctor Livingstone à tous ceux qui ne vous connaissent pas encore ?
Reverend Prick : DOCTOR LIVINGSTONE existe depuis 1998, PLCD en est le membre fondateur. Après avoir sorti deux albums, le one-man band a été rejoint par SIX (Arkhon Infaustus), Deadlock (Mütiilation) et moi-même. Un nouvel album a vu le jour en février 2014, sorti sur le label Osmose Productions, « Contemptus Saeculi ».

2) Pour ce nouvel album, vous revenez sur le devant de la scène forts d’un deal avec Osmose Productions. Tu peux nous en dire plus, comment en êtes-vous venus à signer avec l’un des plus gros labels d’extrême français ?
Aidé par la sortie de notre autre projet SEKTEMTUM, sur Osmose Productions, il ne nous a pas été difficile de faire entendre l'album à Osmose. Le boss a trouvé le disque mortel, il l'a sorti sans réfléchir malgré la notoriété du groupe peu identifiée.

3) Y-a-t-il une évolution musicale logique depuis votre premier album, Notre Niveau Est Trop Elevé Pour…, ou composez-vous surtout sous le coup de l’impulsion, sans préméditation, en laissant libre cours à vos envies et sans vous imposer de barrières ?
Nous avons fait cet album avec spontanéité et rapidité. Nous n'aimons pas composer, répéter, ni enregistrer. On n'aime pas vraiment faire de la musique. Ce qui nous plaît c'est d'avoir une pièce entre les mains, qui délivre un message et bouscule ceux qui écoutent le disque.

PLCD compose vite, et ce que j'apprécie lorsque l'on travaille ensemble, c'est qu'il fait une musique que personne d'autre ne fait. L'équipe est unie, nous sommes un noyau confortable, sûr et déterminé. Ensemble ça fonctionne, chacun trouve sa place... Le Monde Nouveau s'étend, en face il n'y aura bientôt plus rien !



4) Comment décririez-vous vous-mêmes votre musique sur Contemptus Saeculi ?
Je dirais qu'il s'agit de Metal Extrême, original et peu convenu. Je dirais que c'est à la fois sauvage et sensible.

5) Il y a une cohérence étonnante qui émane de votre musique, et une ambiance noire, urbaine et malsaine enveloppe les différentes pistes de l’album comme si elles composaient 12 chapitres d’une unique décadence, mais en est-il de même pour le concept ? Y-a-t-il certaines thématiques qui lient les morceaux entre eux ? Concrètement, quel univers avez-vous essayé de dépeindre avec ce nouvel album ?
Urbaine, je ne vois pas... Je ne comprends pas ce qui peut servir de parallèle entre la musique et la rue. D'ailleurs on n'est pas vraiment en accord avec la vie de la cité. Les bousculades, la masse, la cohue auraient plutôt tendance à nous faire fuir. Pour ce qui est du reste, pourquoi pas ! Après tout, on fait une musique violente, agressive, tragique, noire, chacun peut y mettre le sentiment qu'il lui plaira.

Cependant une trame lie l'album, la musique est un vecteur, un véhicule, mais le fond du disque c'est autre chose, toujours et encore Le Monde Nouveau, l'unique voie à suivre. La seule conviction nous semble être celle qui nous accorde vers un univers qui nous tire vers le bas, en dessous... Ca ne passe pas par un protocole, selon lequel on devrait avoir l'air malsain, drogué, usé, déprimé ou même suicidaire... Tout ça est plus en accord avec les esprits souffrants qui pullulent dans nos sociétés. Ils s'accrochent alors
interview Doctor Livingstoneà des principes selon lesquels il faudrait ne pas être sympathique. Pourquoi pas, seulement personne ne les écoutent ni même ne les voient, alors qu'ils n'aspirent qu'à la reconnaissance.

Multiples sont les chemins à suivre, chacun traîne ses guêtres à l'endroit qu'il convient. Personne n'a de leçon à donner à personne, et personne n'a de leçon à recevoir de personne. Chaque conseil est une bouteille jetée à la mer, chaque avis se perd...



6) A ce propos, j’ai trouvé le video clip de « Le » vraiment saisissant et profondément dérangeant, retranscrivant à mon sens parfaitement l’atmosphère sombre, décadente, poisseuse et désespérée qui émane de l’album. Tu peux nous en dire plus sur ce titre ?
C'est un titre qui comme les autres transmet le message que l'on a voulu injecter dans ce disque. Il a été illustré par un clip, car le format s'y prêtait bien et que la fin était facile à représenter. Les traits ont été créés par deux dessinateurs bien de chez nous. Ils ont su mettre en évidence notre volonté.

Un deuxième devrait sortir les jours prochains, pour le morceau Contemptus Saeculi. Il représentera la chair, les corps, la faiblesse et la beauté.



7) Qui a réalisé cette petite merveille noire et glaçante, comment en êtes-vous venu à collaborer avec ces artistes et comment s’est déroulée la gestation du clip ?
Le clip a été fait par deux dessinateurs montpelliérains, à savoir Thomas Romarin et Matt Konture. Il n'a pas été difficile de transmettre nos volontés, leur univers n'est pas si éloigné du nôtre et leur talent leur a permis d'aller directement à l'essentiel.

Le clip a nécessité plus de 500 heures de travail, il s'agit d'un travail long et minutieux. Le résultat est au rendez-vous.



8) Vous pratiquez un mélange assez atypique qui se plaît à mélanger une base black à des sonorités plus modernes, des ambiances très sombres et rampantes à des parties extrêmement agressives et directes, et votre style ne peut laisser indifférent.
Fatalement, une telle musique divise, et certains « puristes » peu ouverts d’esprit se plaisent à y voir une hérésie dans le microcosme étriqué du black traditionnel guidé par ses codes réducteurs... Alors, de qui se compose votre public exactement ? Est-ce que vous plaisez plus à un certain type de metalheads ? Avez-vous plus de succès auprès d’une certaine tranche d’âge, ou votre fan-base est-elle hétéroclite et inclassable ?

Pour le moment il est un peu tôt pour que l'on puisse faire l'inventaire de notre public. DOCTOR LIVINGSTONE était apprécié par les amateurs de Hardcore et de musique Noisy. Avec le nouvel album et ses couleurs plus Metal il se pourrait que le disque rebute certains aficionados des genres bien définis. C'est un album qui nécessite plusieurs écoutes et sera sans doute accepté par les curieux et les avant-gardistes. Nous verrons bien, lorsque nous irons sur la route.

J'ai le sentiment que plusieurs sensibilités peuvent se retrouver autour d'un tel projet.



9) Concrètement, vous mélangez un black metal dissonant, sombre et insidieux avec un hardcore direct et nauséeux. Vos influences sont riches et nombreuses et pas toujours faciles à concilier j’imagine. Comment faites-vous pour intégrer ces différents aspects à votre musique en gardant une telle cohérence? Vous avez une technique
interview Doctor Livingstone particulière pour faire sonner un morceau ou vous suivez votre instinct ? Parlez-nous un peu du processus de composition pour Contemptus Saeculi.
Encore une fois c'est PLCD qui donne la couleur et c'est autour du processus de composition que la cohérence trouve un appui solide. L'amalgame n'est pas difficile à faire, on pourrait penser qu'il s'agit d'un fourre-tout, mais il n'en n'est rien. Aujourd'hui les genres se mêlent, le conservatisme pur et dur a quelque chose de ringard lorsqu'il est pratiqué par de nouveaux groupes. Nous avons fait cet album avec l'instinct d'une bête, dans la souffrance, fatigués, épuisés même...

Il fallait aller vite, ne pas perdre de temps. Nous ne supportons pas l'exercice de l'enregistrement, on a tendance à être relativement paresseux, cela nous oblige à être efficaces. 6 jours ont suffi pour l'enregistrement, autant pour les répétitions, autant pour la composition. En un peu plus de deux semaines, nous sommes passés d'une idée à un album abouti. Il aura fallu 32 jours pour que ce dernier soit mixé et prêt à l'emploi.



10) Ces dix dernières années, on a vu pas mal de groupes émerger sur la scène française, qui évoluent dans un créneau sensiblement similaire au votre, en proposant un mélange chaotique de black et de hardcore (je pense notamment à des formations comme Céleste, Calvaiire ou Plebeian Grandstand). Vous sentez-vous proches de cette scène ?
On connait assez peu les groupes que tu cites, sans doute parce que l'on écoute pas vraiment cette musique. Le mot « scène » nous donne envie de vomir. L’idée de faire partie d’un regroupement de formations qui se plaisent à faire plus ou moins la même chose, ne nous intéresse pas. Tous les membres de DOCTOR LIVINGSTONE jouent du Black, du Death ou du Hardcore depuis une dizaine d’années, voire davantage pour certains. Le mélange des genres s’est fait naturellement, sans vouloir coller à la sensation underground du moment. D’ailleurs, à l’écoute des groupes que tu cites, je dois avouer que je retrouve très peu d’éléments « Black Metal » à part des croix à l’envers, quelques riffs sombres et des blasts dédoublés. Ca reste à mes yeux du Hardcore sombre, assez proche de ce qu’a pu faire Kickback, il y a plusieurs années déjà... Ces groupes sont sans doute formés d’excellents musiciens, toutefois nos intentions et notre univers sont différents des leurs.

11) Vous avez déjà des idées pour le prochain Doctor Livingstone, des compos en route peut-être ? Doit-on s’attendre à une suite logique de Contemptus Saeculi, ou allez-vous encore une fois tout remettre à plat, repousser les limites et les barrières musicales que cette galette s’impose à elle-même pour proposer quelque chose de totalement nouveau et d’encore plus halluciné ?
Nous avons prévu de faire un nouvel album, mais nous n'avons aucune idée du résultat. Nous allons procéder de la même manière, dans l'urgence et la spontanéité.

Il se pourrait que le prochain DOCTOR LIVINGSTONE propose quelque chose de différent, mais rien n'est moins sûr. Nous écrivons une nouvelle page à chaque nouveau palier, Le Monde Nouveau dicte la marche. Nous transposons ses volontés.

12) L‘interview touche à sa fin, un dernier mot pour les lecteurs de Spirit of Metal ? Merci !
Merci à vous, à cette interview, à votre intérêt. J'invite vos lecteurs à découvrir le disque et à nous suivre en live. LMN 


interview réalisée par Icare

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