Berlial

 

Ces dernieres années, le black metal a eu beau se melanger avec d'autres styles, il n'en reste pas moins une musique extrême. Les français de BERLIAL nous en fournissent une preuve brutale avec son deuxième album qui vient de sortir, "Nourishing the Disaster to Come". J'ai pu leur poser quelques questions ...

(par JeanEdernDesecrator)

BLACK POLYMORPHE

 

 

JeanEdernDesecrator (Spirit Of Metal): Si vous deviez présenter votre black metal en quelques mots...?

Berlial :

Iconoclaste et hétéroclite. Nous apprécions beaucoup les racines classiques du black des origines (Norvège : Deathcrush, les premiers Gorgoroth, Forgotten Tomb, Mortem ou la France : Gorgon, Merrimack, Vlad Tepes, Nehemah,..) ; mais ce qui nous attire avant tout est la polymorphie de ce sous genre . On en trouve des ingrédients dans les six titres : The Last Dance avant-garde et dissonant, mélodique sur le deuxième. Dans We deserve (…) tu retrouves un son 90’s et des riffs classiques mais aussi une fin beaucoup plus post-black voire post rock. Du DSBM sur le dernier titre.

Et on écoute des choses en-dehors du BM : sludge, indus, doom ou stoner pour CzH, prog et classic rock pour Hsod.

 

JeD (SOM): Votre groupe a commencé pendant la pandémie. Comment ça s'est passé ?

Berlial :

Une initiative de CzH qui voulait refaire de la musique depuis plusieurs années et du BM. Dans les années 00’s nous avons déjoué ensemble dans un groupe mais dont le spectre allait de la power au metal. CzH aspirait à de l’extrême. Il a commencé à bricoler des morceaux à la basse pendant le premier confinement, a sollicité le premier guitariste Tromgeist pour donner corps à ces idées avant que Hsod ne nous rejoigne et que nous restions à deux.

 

 

 

JeD (SOM): Votre nom de groupe fait référence à des figures de l'occultisme (Belial) et de l'histoire (Beria). Avez-vous fait cette association par jeu ou pensez-vous que les mythologies et la réalité sont fortement liées ?

Berlial :

C’est un choix volontaire et une idée qui remonte à plus de vingt ans. L’idée est de dénoncer la tentative pour l’homme de se dissimuler derrière diverses formes symboliques (mythes, valeurs, normes, etc) pour extérioriser ses travers immanents. Les génocides ne sont pas des mythes et s’ils peuvent être motivés et narrés par ce type de récits, on retrouve derrière les motivations profondes que sont de manière non exhaustive la cupidité, l’impérialisme, l’anthropocentrisme, etc.

Le BM au contraire comme art même dans ses interprétations démonologiques ou sataniques propose une approche anthropologique voire politique du mal.

 

 

 

JeD (SOM): Vous étiez trois à vos débuts ; qu'est ce qui a fait que vous êtes dorénavant un duo ?

Berlial :

Tromgeist est en Bretagne, Czh à Paris et Hsod en Alsace. Le premier ne pouvait pas assurer l’engagement nécessaire pour suivre le rythme du projet même s’il n’inclut pas de live. Cette reconfiguration autour de CzH et Hsod a permis pour ce deuxième album de mieux maitriser la direction artistique et de lui fournir une congruence malgré sa polymorphie.

 

JeD (SOM): Il y a pas mal de groupes comme Ihsahn, Deafheaven, ou en France Ecr.Linf, Nature Morte, qui sortent des canons du black metal. Tu te sens plus proche de cette mouvance, ou de groupes plus historiques ? Ou tout autres ?

Berlial :

Comme indiqué dans la première réponse, si on aime et respecte l’orthodoxie musicale du mouvement, des groupes contemporains continuent à très bien le faire d’ailleurs comme Morguiliath, nous aspirons à proposer une musique personnelle qui s’inscrit dans un registre large. Ecr Linf sont des amis, ils ont une approche personnelle du BM avec une base en termes de guitares et de claviers très 90’s mais le chant craché, scandé presque hardcore de Krys vient te déstabiliser. Ils ont donc une marque de fabrique totalement personnelle et identifiable. Par contre, nous n’avons pas la même approche. Sur les 7 titres de Belluaires (hors outro) tu reconnais le groupe immédiatement quand tu as compris leurs motifs. Nous, si tu sautes d’un titre l’autre, d’un passage l’autre d’un même morceau, tu n’es pas forcément sur immédiatement que tu écoutes toujours le même groupe. En ce sens nous sommes plus dans une démarche de groupes comme Dodheismgard, Decline of the I (on ne se considère bien sur pas du tout du même niveau, on a des oreilles) ou Lord Aeghos sur notre label MyKingdom Music.

 

 

NOURISHING THE DISASTER TO COME

 

 

 

JeD (SOM): Vos deux albums sont très différents l'un de l'autre. Comment s'est passé la composition de "Nourishing the Disaster to Come" ?

Berlial :

Le recentrage du groupe en duo et les apprentissages d’Edgard Chevalier à l’occasion de l’enregistrement du premier album, nous ont permis d’adopter la bonne méthode. Plutôt que de prendre les idées de chacun sans les filtrer, les organiser ni les lier, comme nous l’avons fait pour le premier effort, qui était ainsi une boite à idées, un laboratoire ; nous avons gardé un cap. Ainsi les titres pouvaient soient partir de plages de claviers de CzH qui définissaient un spectre harmonique ou de maquettes complètes de Hsod, c’est en tous états de cause ce dernier qui réalise tous les arrangements et construit la structure du titre. Afin d’y avoir une vraie trame, un soin dans les détails pour que les passages même répétitifs aient toujours une petite variation, ce qui rend l’ensemble fluide et immersif.

 

JeD (SOM): Votre artwork me rappelle un mélange d'impressionisme et de surréalisme et détonne par rapport aux pochettes du genre...

Berlial :

Le coté pictural nous inscrit quand même dans certains codes du style. Le bleu dominant rappelle un peu le premier Beherit.

Tes références sont justes notamment pour l’impressionnisme car même si Jeff Grimal ne travaille pas par points comme le mouvement du XIXe le faisait, son recours au couteau apporte des textures qu’on retrouve notamment dans le fauvisme qui découle de l’impressionnisme. Le nom de Jasper Johns en plus récent vient assez vite dans les discussions entre CzH et Jeff. Le choix de ce dernier était justement de pouvoir piocher dans ses différentes palettes (abstrait, paysages, Lovecraft, …) pour mettre en œuvre les thèmes de l’album : le 6e continent de déchets, la colonisation de l’espace, le Styx et Charon, …

 

JeD (SOM): Au fur et à mesure du disque, je trouve qu'il y a une évolution, comme s'il essayait de surprendre et de perdre l'auditeur... Qu'en penses-tu ?

Berlial :

Le surprendre assurément, le perdre nous avons essayé de l’éviter par la méthode de travail décrite plus haut. C’est clair qu’on passe d’ambiances radicalement différentes et sur un même morceau. Mais les claviers, les effets de transitions (fade in fade out ou les sustain) les couches de chants, les intro et outro essaient de guider l’auditeur. Tu retrouves des points de repères : une longue intro avant la misère dans ta gueule d’un coup, un hurlement pour passer d’un passage à l’autre ou des samples, le spoken word sur certains titres, les guitares atmo systématiques (merci Edgard et Krys). Il y a même des petits clins d’œil au premier album.

Mais OK on est sur une carte Michelin poussiéreuse et pas un GPS de pointe (sourire).

 

 

JeD (SOM): Il y a beaucoup de voix , comme des screams à plusieurs couches, ou du chant parlé : comment vous les répartissez-vous ?

Berlial :

Généralement CzH pose des intentions sur tous les passages et spontanément pense aux voix d’Hsod qui essaie de son coté ensuite. En tous cas pour ce deuxième album, CzH appréhende tout le morceau et fait le dispatch ensuite.

 

 

CINQ CENTS KILOMÈTRES

 

JeD (SOM): Il y a trente ans, les groupes créaient ensemble dans une salle confinée, et maintenant, avec le développement de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur), beaucoup créent et échangent des fichiers pour composer. Où vous situez-vous ?

Berlial :

Pères séparés à cinq cents kilomètres l’un de l’autre, la seconde mon colonel. Néanmoins pour le premier, nous avons fait plusieurs sessions le week-end sur deux jours et même une semaine. Et pour enregistrer le chant des maquettes nous le faisons au home studio d’Hsod. C’est alors aussi l’occasion d’affiner des points de détails des structures ou arrangements. Après nous avons joué ensemble pendant quatre ans toutes les semaines dans la remorque d’un cametard donc on a vécu de manière charnelle le fait de jouer ensemble.  

 

JeD (SOM): Berlial n'est pas un One Man Band, ça aurait pu ?

Berlial :

Non parce que CzH ne pourrait pas faire tous les instruments et si Hsod le pourrait, le BM est un genre qui lui est plus étranger. Il peut rentrer dans les codes, écrire de superbes chansons dans le style mais CzH leur apporte par les textes, les voix et certains choix harmoniques une authenticité pleine et entière. Berlial c’est Hsod et CzH d’ailleurs les lettres de chacun des acronymes sont les lettres du logo

 

 

JeD (SOM): A vos débuts, vous excluyiez de jouer live, c'est toujours le cas ?

Berlial :

Oui pour les raisons évoqués plus haut. Nous avons déjà des idées de prochaines créations et souhaitons nous concentrer sur ces projets et la défense de ce deuxième album. Nous verrons dans quelques années.

 

 

JeD (SOM): Que prévoyez-vous dans les semaines et mois à venir ?

Berlial :

La promotion de ce deuxième album. Nous avons un plan média important et souhaitons consacrer le temps nécessaire pour répondre aux sollicitations car c’est grâce à des activistes comme toi que nous pouvons diffuser notre musique et la défendre. Ensuite nous allons continuer à travailler sur le troisième album pour lequel

nous avons déjà beaucoup de matière.

 

JeD(SOM): Félicitations pour votre album et un grand merci pour vos réponses !

interview réalisée par JeanEdernDesecrator

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