Avantasia

Discuter avec Tobias Sammet, plus que n'importe quel autre musicien, c'est l'assurance d'un bon moment et d'un échange passionné avec l'un des compositeurs les plus prolifiques du metal mélodique de ces quinze dernières années.
Pas une année ne passe sans avoir de ses nouvelles et, à peine un an et demi après le très réussi « Space Police – Defenders of the Crown » d'Edguy, c'est avec Avantasia que Tobi remet le couvert en livrant « Ghostlights », la suite tant attendue de « The Mystery of Time » paru en 2013.
La parole à l'artiste, frais et dispo, pour sa première interview de la journée (à 10h le matin!), pas peu fier de sa nouvelle création et ne tarissant pas d'éloges sur les nombreux invités parsemant cette nouvelle pépite.

[Par Eternalis]

interview Avantasia1 – Salut Tobias ! Comment vas-tu ? Comment sont les premiers retours sur « Ghostlights » ?
Ça va très bien et toi ?

Les retours sont absolument fantastiques pour le moment. C’est vraiment un bon disque en même temps (rires) mais je suis toujours nerveux avant de le faire découvrir et je suis content de voir que les gens l’aiment. C’est plus simple de parler de « Ghostlights » maintenant que je sais que l’accueil est bon. Quand j’y pense, je n’ai jamais parlé d’album que le public haïssait vraiment (rires) mais c’est une chose très positive pour la suite.



2 – J’ai écouté l’album pour la première fois hier et ma première impression a été de le trouver très varié, avec beaucoup de couleurs et d’humeurs différentes, comme un miroir de toutes les périodes d’Avantasia. Es-tu d’accord ?
Absolument. C’est la seule possibilité que j’avais pour un disque de soixante-dix minutes avec de longues chansons. Avoir un disque aussi long pour un album de metal n’est pas une bonne chose d’après moi, la moyenne se situe plutôt entre cinquante et soixante minutes mais il m’était impossible d’enlever une des chansons de l’album.

Je trouve que chaque titre est utile à l’album et à l’histoire et que cela l’aurait dénaturé d’en retirer. Il y a effectivement beaucoup d’humeurs différentes et c’est un peu comme une fantastique journée dans le monde d’Avantasia où se croisent les différentes époques de mes albums. La diversité que tu ressens était exactement ce que je voulais et je suis très satisfait que tu l’aies ressenti.



3- Quel était ton but, ton objectif quand tu as débuté le processus de création de l’album ? Créer le meilleur album possible ou alors apporter des éléments en particulier ?
Je ne pense pas vraiment en terme de « but », je ne suis pas un « nerd » pour penser comme ça (rires). J’écris de la musique avant tout parce que j’aime ça et j’essaie surtout d’écrire un meilleur album que l’album d’avant qui était sensé être encore meilleur que le précédent. J’écris de la musique depuis longtemps et je n’ai pas changé depuis 2013...j’essaie juste de vraiment donner mon meilleur. Je n’ai pas pour ambition d’écrire quelque chose qui n’a jamais été entendu avant mais de donner du plaisir et que les gens passent un bon moment avec moi. La mission est accomplie je pense avec « Ghostlights ». Cela n’a pas de sens de dire que je compose l’album le plus rapide du monde ou le meilleur de l’univers...j’ai dépassé ça. Les fans sont seuls juges...le reste est artificiel et empêche la spontanéité de la création, la beauté de la musique qui naît entre nos mains.

4 – La mission est accomplie je te le confirme ! « Ghostlights » est évidemment la suite de « The Mystery of Time », peux-tu décrire le concept de ce nouveau chapitre ?
On arrive à un moment clé puisque le jeune scientifique se retrouve confronté à d’autres scientifiques qui manipulent les différentes voies qui mènent à la compréhension du temps. Il ne sait plus quoi penser des mystères qui l’entourent et bascule lentement vers le côté sombre de sa personnalité et de la spiritualité.

En soi, l’album est un recueil de douze moments-clé mais ce n’est pas un scénario qui se suit. Chaque instant est individuel et le protagoniste rencontre différents individus, face à divers choix et montre les aspects des sujets qu’il aborde sous tous les angles. La science, la possibilité d’une existence divine, le temps, les réalités parallèles par exemple...et il est tiraillé entre les réponses spirituelles et les solutions scientifiques. C’est une collection qui peut se lire individuellement mais qui, quand tu les mixent ensemble, donne un sens plus grand et une magnifique vision d’ensemble. Je pense qu’écrire une vraie histoire où tu racontes tous les aspects de l’histoire sur chaque chanson est trop complexe et vaste pour un album...je ne veux pas parler de forêts, de châteaux ou de batailles. Je préfère me focaliser sur les moments-clés et j’en suis très fier.



5 – Ce jeune scientifique est-il inspiré par tes propres doutes ou pas du tout ?
Absolument qu’il est inspiré par moi (rires). Je pense que tous les personnages de l’histoire représentent de près ou de loin une partie de ma personnalité. Je suis un mix entre tous les personnages de l’histoire mais je ne suis quand même qu’une seule personne (rires). C’est aussi une manière d’évoquer mes propres recherches du sens de la vie ou mes peurs de ne plus être là.

6 – « Ghostlighs » est-il la fin du concept ou as-tu prévu une trilogie comme celle de « The Scarecrow » ?
Et bien...je ne sais pas encore si ce sera une trilogie mais c’est ce qu’on peut appeler une fin ouverte et je suis convaincu que les personnages n’ont pas dit tout ce qu’il avait à dire. C’est difficile à dire parce que ce n’est pas comme un film ou ce genre de question est tranchée...d’un côté, je sens que j’ai envie de déjà y retourner mais d’un autre, cela demande énormément d’énergie pour construire le concept et développer les personnages.

Évidemment, je ne sa
interview Avantasiais pas s’il y aura d’autres opus d’Avantasia mais je dis cela à chaque fois et je sais bien qu’il ne faut jamais dire jamais (rires).



7 – Jorn Lande est de retour sur cet album. Je suppose qu’il joue un méchant comme le diable dans « The Scarecrow » ?
Il n’est pas clairement un méchant mais il est clairement une influence négative pour le personnage principal, il est noir et sombre. Peut-être plus sombre que réellement noir je ne sais pas...il pourrait être Lucifer, il pourrait être le diable, Mephistopheles ou n’importe quel nom que l’on souhaite lui donner. Il n’est pas officiellement un être maléfique car ces sujets ne sont pas assez simples pour que l’on puisse distinguer ce qui est bien de ce qui est mal. Chacun pense faire son propre bien...je n’ai pas de définition de ce que le bien et le mal doivent être. Il est la tentation, c’est ce qui le représente le mieux.

8 – Il est le côté sombre de chacun d’entre nous finalement.
Exactement. J’ai vraiment essayé d’utiliser le maximum de métaphores pour ne pas tomber dans les clichés et que chacun ne soient pas définis par des actions proprement écrites mais plutôt par des symboles. Chaque autre protagoniste est comme une voix intérieure...ou une voix dissidente qui vient de l’extérieur pour influencer le scientifique.

9 – Peux-tu présenter quelques chanteurs en particulier ? Je pense qu’entendre Geoff Tate et Dee Snider sur tes chansons t’a comblé...
Absolument, surtout Dee Snider qui a été complètement hallucinant. J’avais déjà essayé de collaborer avec lui précédemment mais ça ne s’est fait que maintenant. Il est une partie très négative de l’histoire et quand j’ai composé la base de cette chanson, je ne savais pas à qui je pouvais l’offrir...

10 – On pense à « Death is Just a Feeling » sur son titre...
Complètement, c’est le même genre d’ambiance mais peut-être moins pop sur le refrain. Il y a un côté...comment dire, plus effrayant sur « The Haunting ». C’est effectivement un peu similaire à « Death is Just a Feeling » parce qu’il y a ce côté théâtral et une vraie perspective conceptuelle dans l’échange. Il y a une vraie connexion entre les textes et la musique et j’en suis très fier. J’aime vraiment ce titre et il n’en serait pas ainsi sans l’incroyable performance de Dee.

11 – Peux-tu aussi parler de « Draconian Love », qui semble nouveau pour toi avec cette touche gothique ?
Je ne sais pas si c’est réellement nouveau pour moi. C’est une chanson un peu sombre mais nous en avons toujours eu. Je pense à « Matrix » d’Edguy ou « Crestfallen » sur « The Wicked Symphony » mais il n’y avait pas forcément cet aspect romantique avec le piano. C’est un titre très hymnique avec un refrain formidable et c’est surtout la voix très particulière de Herbie Langhans qui fait la différence. Je ne le considère pas vraiment comme un morceau gothique...c’est du rock/metal tout simplement. Initialement, je n’avais pas prévu qu’il sonne comme ça mais lorsque Herbie a réalisé les premières démos, j’ai trouvé que c’était absolument fantastique et qu’il fallait que l’on garde cette ambiance sombre justement. J’ai tenté avec différents chanteurs ce morceau et c’est Herbie qui avait la plus grande voix, celle qu’il fallait. C’est un morceau typique d’Avantasia pour moi avec des nouveaux éléments mais qui n’est pas expérimental en soi. Cela prouve néanmoins que la spontanéité permet ce genre d’expérience et de découverte.

12 – Pour nous, la presse et les fans, il semble aujourd’hui facile pour toi d’inviter les plus grands. Mais as-tu encore des refus ou des annulations quand tu envoies tes invitations ?
Tu sais, j’ai encore essayé d’inviter Bruce Dickinson mais c’est tombé au moment où on lui a diagnostiqué son cancer donc il avait besoin de repos et ne pouvait pas chanter car il devait se focaliser sur sa rééducation et, dieu merci, il va désormais mieux.

Sinon, dans la majeure partie des cas, j’arrive à contacter les musiciens et ils acceptent avec plaisir de collaborer avec moi, ce qui est une grande chance. Il y a néanmoins des exceptions. Si tu prends le premier morceau, « Mystery of a Blood Red Rose », c’est clairement un titre pour Meat Loaf. Je pensais à lui quand je l’ai écrit et je me disais qu’il était impossible qu’il ne chante pas dessus. Malheureusement, je n’ai jamais pu le contacter car son management a refusé tout dialogue en disant qu’il devait se concentrer sur son propre album et qu’il n’avait pas le temps pour ça. J’étais très triste mais je me suis dit qu’il s’agissait quand même d’un grand titre et j’ai réécouté la demo avec mes propres parties vocales. J’avais Meat Loaf dans un coin de ma tête et je sais que ça a influencé ma façon de chanter mais je ne voulais pas mettre de côté ce morceau...finalement, il sera le premier single et j’en suis très content. Mais je ne peux pas arrêter de penser à ce qu’il aurait été s’il avait chanté dessus.



13 – Cette fois, je trouve que le dernier Edguy, « Space Police » et ce « Ghostlights
interview Avantasia » sont réellement différents et qu’il est impossible de dire que les deux groupes jouent la même chose. Es-tu dérangé ou embarrassé quand on compare sans arrêt tes deux groupes ?
Je pense que c’est naturel pour les gens de comparer parce que c’est le même compositeur et le même chanteur. Je ne peux pas nier qu’il y ait évidemment des similitudes et que l’énergie positive d’un projet est immédiatement retranscrite dans l’autre. C’est néanmoins différent car pour Avantasia il y a un concept, une histoire, des invités et que c’est moi qui dirige vraiment tout et prends toutes les décisions, sans aucun compromis. Je suis vraiment le patron alors que dans Edguy, même si certains diront que je suis aussi le boss, il y a un vrai travail d’équipe qui doit convenir à tout le monde et on travaille ensemble dans la même direction. Cela demande beaucoup d’énergie car il y a beaucoup de discussions et de compromis pour chacun. Au fond, ça ne me dérange pas.

14 – Personnellement, tu es un musicien important pour moi puisque j’ai vraiment découvert le power metal avec « The Savage Poetry » il y a quinze ans. Te rends-tu comptes que tu es désormais une réelle source d’inspiration pour de nombreux groupes et de jeunes musiciens ?
Cela me fait plaisir à entendre (rires). Sinon, je ne sais pas trop. Je n’y pense pas vraiment même si j’apprécie que certains disent être inspiré par mon travail et je les remercie beaucoup pour ça. C’est énorme mais je ne peux pas y penser car cela n’aurait pas de sens de commencer à composer en me disant « Ok, tu es une inspiration pour les jeunes, tu as un devoir envers eux, tu es un « Metal King » » (rires). Je fais ce que j’aime depuis que je suis jeune et c’est génial si certains aiment suffisamment pour s’en inspirer. J’ai accompli tout cela en pensant par moi-même donc je souhaite avant tout qu’ils fassent de même.

15 – Vous revenez en France en Mars après n’avoir joué qu’une seule fois au Hellfest 2013. Te souviens-tu de ce concert commencé en retard juste après Def Leppard ?
Bien sûr que je m’en souviens ! Nous étions en backstage et trouvions le temps un peu long puisque Def Leppard a joué un second rappel non prévu. Certains considéraient même qu’ils devaient quitter la scène (rires). Mais je suis un grand fan du groupe et c’était énorme de commencer juste après eux devant des milliers de personnes. Il y avait des dizaines de photographes, le public était génial et j’adore jouer au Hellfest. Mais j’aime aussi jouer des shows plus longs et ce n’est pas possible dans un festival où il y autant de monde. Nous jouons normalement trois heures je te rappelle !

Quand nous sommes ensemble avec Michael, Bob, Oli, Felix, Sascha, Amanda, Jorn ou Eric, c’est difficile de ne jouer qu’une petite partie de la playlist car chacun veut participer à la fête. Nous allons jouer sur la prochaine tournée des chansons, environ vingt-cinq, de chacun de nos albums de « The Metal Opera » à « Ghostlights ».



16 – Vous allez donc jouer trois heures...pas de première partie ?
Oui nous jouerons trois heures comme sur la tournée précédente et n’aurons pas de première partie, juste nous. Nous voulons représenter toute l'histoire d'Avantasia et ce n'est pas possible sur un concert normal.

17 – J'imagine que tu as été rapidement au courant des attentats de Paris au Bataclan et au Stade de France pour France-Allemagne [ndlr : interview réalisée le 1/12/15]. Est-ce que ça te fait peur de monter sur scène quand tu vois ça ?
Tu sais...c'est absolument terrible et je n'ai pas de mots pour décrire ça. C'est horrible et je connais des gens en France, que ce soit des amis proches ou le monde qui s'occupe de nous quand nous faisons de la promotion chez vous...j'ai directement contacté mes amis pour savoir si tout allait bien. En revanche [ndlr : il hésite]...je crois qu'il n'y a malheureusement rien à faire. On ne peut pas contrôler notre vie constamment et ce que nous faisons sur scène est un rêve. Avoir peur ne changerait rien. Ne pas jouer de concerts n'est pas une option pour moi parce que c'est ce que j'aime faire et ce que je sais faire. J'aime donner du plaisir et du bonheur en chantant...ce serait encore pire de tout arrêter. Je peux te dire que nous viendrons à Paris et jouerons, rendrons les gens heureux et rien ne nous arrêtera.

18 – Dernière question plus légère. Quel est l'album le plus important de ta carrière, inclus Edguy et Avantasia ?
« The Metal Opera pt I » probablement...ou alors « Vain Glory Opera ». Ok, c'est impossible de n'en choisir qu'un seul (rires). Je choisirais ces deux albums puisque le premier est celui qui m'a fait découvrir le vrai monde professionnel alors que « The Metal Opera » correspond au moment où Edguy commençait à vraiment percer à l'international, assez pour que je puisse lancer ce projet fou pour l'époque.

19 – Merci beaucoup Tobias pour le temps que tu m'as accordé. Je te laisse conclure !
Je te remercie pour le support et j'espère vraiment que tu as aimé l'album [ndlr: oui]. Je te souhaite une excellente journée et nous vous attendons très nombreux à Paris en mars. A bientôt !
>
interview réalisée par Eternalis

3 Commentaires

0 J'aime

Partager
pielafo - 07 Décembre 2015: Quel homme! Hyper humble. Et oui monsieur Sammet, vous aussi vous avez changé ma vie.

Merci pour l'interview jo! Ça a du être un grand moment pour toi
 
LastofUs - 07 Décembre 2015: Merci beaucoup pour l'interview!
J'espère vraiment me libérer pour les voir à Paris!
Est-ce qu'une chronique de cet album est prévue sous peu?
CrashingComet - 15 Décembre 2015: Toujours aussi humble et marrant le Tobias. On attend ta chronique avec impatience!
    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire

En voir plus