La productivité de
Nylist semble inépuisable : alors que l’artiste solo a démarré son projet en 2021, ce dernier en est déjà à trois EPs et deux albums de publié. De plus, le Canadien sort fréquemment des singles, le tout avec des invités de marque et toujours avec cette même tension, cette même atmosphère putride et terrifiante. Le résultat est régulièrement une franche réussite et un sacré étonnement, dans un downtempo deathcore riche en nuances et en tempéraments que certains appellent désormais « horrorcore ». Ces nombreuses expérimentations ont été particulièrement mises en avance sur le dernier opus du musicien
The Room, notamment par le biais d’une inspiration neo metal omniprésente. Bien que l’on ait senti une assurance plus friable qu’à l’accoutumée, une plus large « accessibilité » pour des ambiances moins funestes, le multi-instrumentaliste a su préserver son esprit malfaisant pour maintenir son intrigue.
Et ce n’est sans doute pas
Wired, troisième œuvre de notre soliste, qui viendra aux premiers abords balayer cette inquiétude et cet embarras. Rien que par le biais de cette pochette où est représentée une femme anorexique criblée de points de suture, la peau asséchée et mortifiée par des fils de fer, nous sommes immédiatement logés au cœur de ce mal-être et de cette sérieuse incommodité. Cette optique de souffrance réside une nouvelle fois au sein des noms des compositions (
Blind,
Drown, Depriving) et des textes de l’interprète canadien qui évoquent le suicide, l’automutilation ou encore la santé psychologique. Sur ces thèmes durs mais qui nous concernent tous de près ou de loin, Fred «
Nylist » possède toujours une avance considérable et une vision avant-gardiste.
En des termes simples, le Canadien a quelque peu enterré ses influences nu metal du précédent tableau pour revenir à l’authenticité et à la folie de ses débuts. On pourra entendre ici et là quelques émanations neo qui se singularisent la plupart du temps par des scratchs mais ils ne sont que des éléments secondaires des instrumentaux. C’est donc un retour dans ses sonorités grinçantes et torturantes que notre soliste s’illustre une fois de plus, non sans quelques étrangetés. Ces excentricités se situent majoritairement dans un exercice de styles inédit qui dépasse parfois le monde pourtant vaste du metal. Sur l’interlude Forever ou sur Depriving, Pt.1, ce sont bien des résonances trap qui se présentent à nous, une décision de l’artiste qui saute aux yeux puisqu’ils intègrent le caractère agressif et oppressant souhaité. Dans le second titre, cet effroi est même renforcé par des bruitages d’épouvante qui évoquent la fête des morts.
Les explorations touchent aussi des genres musicaux encore plus extrêmes comme c’est le cas pour O en collaboration avec Don Campan (
Waking The Cadaver). Nous sommes ici plongés dans un slam et grindcore languissant, démoniaque et obscur, une ambiance suffocante aggravée par des performances vocales qui mêlent des gutturaux d’outre-tombe et autres pig squeals. Le chanteur canadien s’embarque même à bord d’acoustiques traditionnelles sur le final Depriving, Pt.2, un deathcore dans la plus pure des traditions et avec plusieurs échos modérés au chant clair. Les riffs discordants ne sont jamais bien loin pour nous remémorer la terreur et le désespoir. Hormis quelques cris stridents, le vocal est lui aussi plutôt conventionnel, même si la profondeur du growl est brillante.
Pour le reste, Fred «
Nylist » est fidèle à ses principes de peur et de malveillance, une hostilité largement favorisée par son saisissant éventail vocal. Sur des compositions telles que
Drown en featuring avec Johnny Ciardullo (Carcossa) ou
Burn avec la participation de Casey Tyson-Pearce (
Angelmaker), on retrouve ce qui avait fait l’incroyable force du premier disque et qui avait été un peu abandonné sur le second à savoir cette capacité d’alterner entre stridulations et growls ténébreux. Forcément, l’effet de surprise s’est atténué puisque l’on est désormais habitué à de telles prouesses de la part du chanteur. Néanmoins, combien d’artistes peuvent se targuer d’une telle aisance derrière un micro ?
On sent, autoproduction oblige, un mixage encore désordonné (bien que des améliorations soient notables) qui laisse place à des passages cacophoniques. La plupart du temps, ces perturbations sont discernables dans les bassdrops à l’instar du final de
Blind ou dans le morceau éponyme. Pour autant, elles peuvent aussi être ressenties dans des instants plus frénétiques comme sur l’intro de Depriving, Pt.2 où les blastbeats à la batterie noient totalement les guitares.
Wired s'impose comme une œuvre à la fois viscérale et audacieuse et confirme le talent protéiforme de Fred "
Nylist". Toujours aussi habile à créer des univers sonores oppressants, le Canadien parvient à conjuguer brutalité et instabilité avec une aisance déconcertante. Si la stupéfaction s'amenuise face à un style désormais bien affirmé et si la production demeure parfois hasardeuse, chaque nouvelle composition continue de fasciner par sa richesse et son intensité émotionnelle. Ce troisième opus consolide ainsi l'identité unique de
Nylist et mêle introspection torturée et explorations musicales hors normes. À l'image d'un cauchemar dont on ne peut détacher le regard, l’album laisse une empreinte profonde, à la fois dérangeante et inoubliable.
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