En posant mon regard sur la couverture de ce «
Where Owls Know My Name », j’ai ressenti un léger picotement au niveau de la rétine. Cette couleur pastel verdâtre tirant vers le caca d’oie, ce visage terreux et repoussant en gros plan, le paysage désolé en arrière-plan… Serions-nous en présence d’un de ces albums à la pochette au goût douteux, cachant, au choix, une bonne surprise ou bien un étron première classe ? Après avoir matté la vidéo du morceau éponyme de l’album, j’étais à peu près certain que les types de
Rivers of Nihil (ou RoN pour les intimes, mais ça me fait trop penser au rouquin dans Harry Potter) étaient des génies.
Cet objet insolite donc, sobrement intitulé «
Where Owls Know My Name », correspond au troisième méfait des ‘ricains de
Rivers of Nihil, quintet étiqueté Death Technique sur ses premiers efforts. Après deux premiers opus respectivement centrés sur les thèmes du Printemps et de l’Eté, le groupe continue à exploiter le filon « pizza 4 saisons » avec un album au thème Automnal (et non pas militant écolo comme aurait pu le laisser présager la pochette).
Premier constat, si vous avez un peu potassé les deux prédécesseurs de cet album et êtes un fan de tabassage de nuque en règle, cette dernière sortie pète beaucoup moins de genoux dans le sens brutal du terme.
Rivers of Nihil quitte sa zone de confort Death Technique pour se tourner vers un horizon plus nuancé, plus psyché, certains diront même plus Prog dans l’esprit (au plus grand désespoir de certains ?). Le groupe opère un virage risqué du côté moins bourrin de la Force avec des titres globalement très mid-tempo (Old
Nothing,
Capricorn / Agoratopia), enchainant les morceaux directs (A
Home, Old
Nothing) et d’autres tout en nuances, prenant un peu plus de temps pour installer une véritable atmosphère (Subtle Change,
Where Owls Know My Name et même The
Silent Life).
On sentait déjà poindre cette volonté d’aller vers une musique moins rentre-dedans avec
Monarchy (avec des touches de calme entre deux séquences de blast dans ta gueule). Le côté presque «
Old School » de
The Conscious Seed of Light a également laisse totalement place à une production très moderne, léchée (n’y voyez rien de sale, je vous connais), et puissante mais que certains conviendront de décrire comme peu personnelle et compressée. Le principal vocaliste sonne également moins guttural et plus rauque que par le passé.
Rivers of Nihil s’amuse donc à mélanger plutôt habilement ses différentes influences et inspirations, mélangeant gros riffs sales mid-tempo, passages atmosphériques et psychés, blast beats, accélérations bien placées, solos de saxophone et pousse même le vice jusqu’au chant clair sur certains morceaux : Subtle Change en est l’illustration parfaite avec ses chœurs, ses solos de clavier et de gratte ultra Heavy/Prog que même
Dream Theater n’aurait pas renié, son accompagnement au saxo, etc. On a même droit à de petites nappes / arrangements en arrière-plan, donnant cette teinte très lunaire aux différents morceaux (je pense notamment à The
Silent Life que je trouve vraiment cool) et conférant un aspect apaisant à ce «
Where Owls Know My Name » (pas forcément ce à quoi on peut s’attendre initialement sur un skeud de Death Technique).
Malgré une tendance au fourre-toutisme (en plus des éléments sus-cités, on notera également la présence d’un « Terrestria III » aux sonorités très Indus par exemple), cette troisième offrande de
Rivers of Nihil se veut plutôt cohérente et sans baisse de régime ni titres de qualité inégale. Cette diversité d’influences pourra potentiellement rebuter les amateurs du Death bourrin de la première heure et provoquer l’indigestion des autres avec un résultat final à mi-chemin entre un
Mastodon sous perfusion de testostérone (sur le titre éponyme par exemple) et un
Metal extrême lorgnant vers le Death.
On admirera donc le parti pris de
Rivers of Nihil, cherchant à tirer son épingle du jeu au milieu des
Obscura,
Psycroptic et autres
Beyond Creation, de proposer une musique légèrement moins directe et moins technique au profit d’une atmosphère plus marquée, de moments d’accalmie et d’un hommage
Metal Prog très marqué. «
Where Owls Know My Name » est une œuvre dense, méritant que l’on s’y attarde pour en saisir les subtilités, bien qu’étant assez accessible dans une première approche. Reste la curiosité de savoir ce que nous apportera l’hiver.
Merci pour cette excellente chronique, bien percutante et relevée !
Etant donné le niveau de bourrinage des deux précédents LP (la batterie avec cette double grosse caisse mitrailleuse), efficaces mais pas d'une folle originalité, la prise de risques sur "Where Owls Know My Name" fait du bien aux esgourdes. Je trouve aussi que ça dépasse le simple ajout d'autres styles (prog, jazz avec le sax, etc...), avec une vraie personnalité et des ambiances marquantes.
Parmi les albums de 2018, c'est un de ceux qui surnagent pour ma part et restent dans ma bibliothèque sonore, à coté d'"Autotheism" de The Faceless, sorti quelques années plus tôt.
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