Là où s'unissent beauté et tristesse … Ces territoires désolés où l'être, transporté comme en un songe, dérive en un paysage morne dominé par les tonalités ocre et enveloppé d'une inhospitalière brume à couper au couteau … déambule avec pour seule compagnie le silence … un silence mortuaire … à peine troublé par le léger crissement des pas sur le tapis de feuilles mortes … inéluctablement … vers cette sépulture où gît pour l'éternité la dépouille de la chère dulcinée. Ce berceau funèbre où le désespoir s'écoule en de tragiques larmes de détresse, où les tourments sourdent de la plaie sanguinolente infligée par sa propre main.
Là où les rêves, ceux d'un amour éternel, ne sont plus que poussière …
… "Where Dreams Turn to
Dust" …
… Premier essai concluant des suédois de
Forest Of Shadows survenant en l'an 2000 après des débuts chaotiques marqués par toute une flopée de tentatives infructueuses (pas moins de quatre démos / promos n'ayant trouvé preneur) et un line-up à géométrie instable. Un groupe qui, comme parmi tant d'autres, a frôlé la froide lame de la Faucheuse, échappant de peu à une mort prématurée.
Mais c'est compter sans la ferme obstination de son leader Niclas Frohagen qui verra cet enregistrement autoproduit être octroyé aux bons soins des anglais de
Rage Of Achilles l'année suivante … Le début de la reconnaissance …
Habité par l'influx inspirationnel d'un doom/death mélodique incarné par le fameux "Dance of
December Souls" de
Katatonia, Frohagen et son comparse Micce Andersson le remodèlent suivant une vision singulière, en renforçant nettement la langueur asthénique et la tonalité atmosphérique par l'inclusion de désillusionnées mélopées d'un chant clair typé coldwave, d'airs de flûte traversière à la saveur automnale (l'intro de "
Eternal Autumn") ou des arias de violon d'une infinie mélancolie (le final de "Of
Sorrow Blue" est particulièrement chargé d'un émouvant spleen baudelairien), sans toutefois que ces éléments ne tournent à l'ariette … Comprenez par là sans que la musique de
Forest Of Shadows ne tombe dans la mièvrerie, écueil que nos deux protagonistes sont parvenus à éviter avec l'aide de leurs deux compagnons de route nommés audace et assurance.
Bien au contraire, ces adjonctions apparaissent comme faisant partie intégrante de la personnalité du groupe, offrant un contraste saisissant autant que parfaitement mesuré avec le grunt caverneux et la section rythmique aussi monolithique qu'ensorcelante dans sa lancinance à un point où j'arrive à en oublier la composition physique du substrat musical pour être emporté en un flot de représentations psychiques exsudant une sombre fantasmagorie.
Avec ses trois pavés emplis de leads somptueusement harmonieux et d'instants acoustiques éminemment gracieux, "Where Dreams Turn to
Dust" est une franche réussite, sincère, touchante et nuancée, préfigurant un avenir artistiquement brillant pour la formation suédoise, où chaque nouvelle œuvre se fera aussi rare que précieuse.
Un joyau inestimable.
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