Fastway constitue un vrai cas d’école.
A l’origine,
Fast Eddie Clarke, après son départ de Mötörhead, se lie avec Pete Way pour monter un projet dont le nom est la simple juxtaposition de leurs patronymes respectifs. Jusque-là, c’est la vie me direz-vous. Une rupture, une de plus. Encore que certains ne s’en sont toujours pas vraiment remis et espèrent, en secret, revoir le power-trio de Lemmy refouler les planches dans sa formation initiale. Suivez mon regard, posé sur les portes de l’Ascenseur (euh, private joke).
Immanquablement, en posant le bras de votre platine sur la galette, vous vous attendez à entendre le fameux riffing et les soli dévastateurs de Fast Eddie. Eh bien, n’y comptez pas trop. Il est parfois des rencontres dans la vie qui façonnent les choses de manière différente et inattendue. Rappelez-vous Mutt Lange avec AC/DC, Martin Birch avec Iron Maiden ou Desmond Child avec
Aerosmith.
En effet, en dehors de la reprise de Janis Joplin « Move Over », les neuf autres compositions de cet album portent la griffe de Terry Manning, producteur-mixeur-arrangeur de ce méfait enregistré aux célèbres Abbey
Road Studios de Londres rendus célèbres par The Beatles, puis mixé au non moins fameux
Mayfair studio de la capitale Britannique. Et le bougre aime la musique bien propre et les mélodies accrocheuses. Nous sommes donc en 1985 et la vague de 83-84 a fait ses ravages bien connus en métallisant et en accélérant le tempo. Terry Manning propose la voie de la sagesse et un style fortement influencé par
Def Leppard et
Saga, tout cela à grand renfort de claviers et de passages symphoniques du
London Studio Orchestra.
Le gros mot est lâché : claviers. Arghhhh des claviers et
Fast Eddie Clarke ? Autant vouloir marier le Diable avec Bernadette Soubirous. Encore que…
Ce «
Waiting for the Roar » bénéficie d’une production énorme. La voix de Dave
King domine les mélodies et les porte littéralement, la basse de Paul Reid vous rentre par les tripes, la batterie d’Alan Connor subit un traitement « électro » et Shane Carroll seconde discrètement sur sa guitare et plus lourdement derrière son keyboard
Fast Eddie Clarke. Le décor est planté, place à la dégustation.
Le bel ouvrage commence avec un titre à mille lieux de Mötörhead « The World waits for You », introduit par un riff serré de Fast Eddie sur une nappe de claviers. Ensuite, la basse slapée débarque derrière un beat de batterie aux sonorités électroniques sur lesquels les vocaux Plantiens de Dave
King coulent avec délice et plaisir.
Pas de riff agressif, une voix suave et claire, avec quelques touches de guitares qui ne passent pas en force, du mélodieux, de la chanson hard-rock de haut niveau et de grande qualité. L’enchainement avec «
Kill me with your
Heart » coule de source.
Van Halen et son « 1984 » semble avoir marqué les esprits tant la rythmique est basée sur la ligne de claviers et le groove de basse. Un second titre catchy, doté d’excellents couplets et de parties vocales magnifiques. « Tired of your Love » avec sa grosse entame de guitare laisse ensuite Dave
King reprendre la main sur un rythme enlevé où la guitare se fait un poil plus présente mais sans plus.
Le début d’album ne laisse pas trop de place à du rock gras et binaire.
Fastway délivre au contraire une copie pleine de feeling et d’élégance.
Le groupe enfonce d’ailleurs le clou une dernière fois avec «
Waiting for the Roar » dans un style très Leppardien, riff acéré et groove massif, chœurs et chant au top et solo céleste. Si vous cherchez la patte de l’ancien guitariste de la bande à Lemmy, passez votre chemin. Ses solos sont délivrés à la portion congrue. Pour le moment, tout du moins.
Un temps faible à signaler avec « Rock On », presque maladroit malgré une ligne de basse massive et des guitares mixés en avant des claviers. Le beat de batterie plus sec ne parvient pas à redorer le blason de mauvais garçon de
Fastway. Le point de jonction se fait sur la reprise « Move Over » de la «
Mama cosmique », boogie/blues magique au solo de guitare bref mais intense, sur lequel le chant du
King rivalise avec le thème et l’ambiance comme
Robert Plant le ferait, plaintes jouissives et logorrhée verbale en plus.
La performance du vocaliste devient carrément époustouflante sur un « Change » nappé de guitare bluesy et son rythme cadencé par une pulsion de basse imposante. Le son de batterie toujours mixé « électro » peut gaver certains mais il colle avec l’atmosphère éthérée de cette chanson hard-rock.
Le retour de Fast Eddie aux affaires intervient sur le ZZ Topien « Little by Little » propulsé par une frappe enfin lourde d’Alan Connor, transformant soudain le répertoire de
Fastway jusqu’ici très acidulé en un heavy-rock dominé par le soliste et le chant de
King. Quel break ! « Steal your Love, Little by Little » restera en tête un long moment après l’écoute. On retrouve un solo typique de notre pistolero préféré sur «
Girl », qui voit aussi le retour du clavier de Shane Carroll. Mais on retiendra surtout le gros son de ce titre, charpenté sur un duo solide batterie-guitare martelant une mélodie addictive. L’influence d’AC/DC transpire grassement sur l’épais riff de « Back Door Man », sur-vitaminé par une basse au bord de la fission nucléaire. Taper du pied et remuer la nuque pour mieux prendre ce premier sur un solo de feu du Messie à la cartouchière, comme un avant-goût de la tournée « Fly on the Wall » en première partie des célèbres kangourous.
Au final, dans un écrin ciselé pour ce patchwork de morceaux travaillés avec finesse, le délicat gourmet trouvera son sou dans cet afflux de sonorités, de douceur et de mélodies proposés par
Fastway. Encore faut-il laisser ses aprioris de côté. Car dans l’art de brouiller les pistes,
Fast Eddie Clarke y prend plaisir. Vous l’attendez au coin d’un refrain et il jaillit sur un autre titre. Avec ce style d’attaque de cordes si particulier.
Un vrai régal.
Didier – Décembre 2013
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