Après
Neo Ritual, qui signait une brillante synthèse des styles embrassés par
1917 depuis ses débuts (thrash/death/black), le duo Alejandro/Pansa sortit en 2006 la première compilation du groupe. Cette dernière, intitulée
Testimonial, prend la forme d’une biographie musicale immortalisant un peu plus de 10 ans de carrière. S’ensuivirent quelques participations à des compiles locales et des concerts régionaux, quand bim, coup de Trafalgar, Pansa décide de partir. Comme il n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il avait planté le groupe une première fois juste avant l’enregistrement d’
Inti Huacay, on se prend à penser que ce n’est que provisoire.
1917 devint de ce fait la créature attitrée de Nahuel. Devenu le seul et unique maître d’un concept musical qu’il a toujours dirigé de A à Z, les deux éléments se confondent en totalité pour la première fois. En tête-à-tête avec lui-même, Alejandro s’apprête à sortir avec
Vox Fatum ce qui est jusque-là l’album le plus sombre, le plus âpre, et le plus implacable de la carrière de
1917. Mais avant cela, il enregistre, en solo, deux covers de Death, 1000
Eyes avec
1917, et
Denial of
Life avec
Bokrug (projet death/grind), figurant sur un tribute album à Death que je vous recommande chaudement dénommé, Mordiendo El Dolor, Homenaje Argentino a Death, sorti en 2006 chez Hurling
Metal : un excellent moyen de découvrir des groupes extrêmes argentins méritants.
Dès les premières mesures de
Vox Fatum, Alejandro replonge dans la noirceur de
Vision. Deux éléments cependant attirent immédiatement l’attention : une surexploitation de la BAR ultra agressive mixée très en avant et un parti pris dans la production pour un choix de texture sonore très crue, à la limite de la démo. Il en ressort un chaos sonore difficile à intégrer.
Vox Fatum sonne comme une régression musicale renforcée par le son froid et mécanique assumé d’une BAR qui pilonne sans retenue et d’un vrombissement de basse à réveiller les morts. La voix et le jeu des guitares sont étouffés dans un brouillard sonore qui nous fait perdre tous nos repères. Il faut attendre le solo de Legado Sombrio pour sortir la tête du marais et pouvoir profiter d’une inspiration mélodique bienvenue.
Au milieu de ce chantier de démolition, quelques pépites arrivent encore à s’extirper, en particulier le diptyque la Iniquidad Penitente, et quelques samples, ponts et soli lumineux au milieu de cette noirceur crasseuse. Mais les accélérations frénétiques et saccadées de la BAR frôlant les 560 bpm à de brefs instants, dominent, et mettent en avant une impression de martèlement implacable doublé d’une vitesse d’exécution inhumaine. Cela imprime une dynamique et une identité sonore qui renforce la brutalité du death de
1917, en approchant des frontières du grind, et de l'autre projet d'Alejandro,
Bokrug. Cela rappelle les premières heures du death suédois, avec ce son caractéristique de guitares qu’on assimilait à des troncos en furie ; ici, c’est la BAR version marteau piqueur qui focalise l'attention sans atteindre les sommets empruntés par
Mortician ou The
Berserker. Cet effet sonore tranche avec les précédentes productions du groupe qui privilégiaient une programmation plus souple et intégrée au reste des instruments. Le côté artificiel et mécanique semble complètement assumé.
Vox Fatum est une démonstration de brutalité et d’horreur maîtrisées sous couvert d’un chaos sonore.
1917 privilégie une section rythmique à faire trembler les murs sur les accélérations, au détriment du reste de l’instrumentation qui peine à faire valoir ses nuances, en particulier dans les lignes de chant, et dans les mélodies des guitares embarquées dans un tourbillon. Toutefois, lorsqu'on a dépassé le mur du son, notre oreille retrouve, dans la construction des morceaux et le talent de forger ces riffs, l'empreinte de Nahuel. Il en découle une envie de creuser et revenir à une oeuvre qui se découvre à force de persévérance.
Vox Fatum se conquiert plus qu'il ne se donne en définitive.
Brutal et complexe,
Vox Fatum demande du temps pour être appréhendé dans sa totalité. S’imprégner de cette fureur pour accéder aux multiples couches sonores qui se mélangent dans un brouillard chaotique n’est pas une mince affaire.
1917 se régénère en plongeant dans des profondeurs inattendues. Un disque où la violence est dispensée de manière méthodique et aseptisée. Les accès de rage ressortent en priorité. La mélodie n’a pas définitivement cédé devant la barbarie, au contraire. La combinaison des deux, réussie sur
Neo Ritual, tourne au carnage sur
Vox Fatum, d’où cette impression de chaos. La première édition de cet album est entièrement auto-produite ; comme pour
Vision et
Neo Ritual, le label mexicain Concreto records sortira une réédition de
Vox Fatum, agrémentée de la reprise 1000
Eyes de Death.
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