Maîtres du vin, maîtres de Gascogne. “
Boisson Divine” a vite obtenu son classement en AOC suite à la sortie d’”Enradigats” en 2013, distribué par le label français Brennus. Un millésime qui avait pour caractéristique de promouvoir un folk metal de première qualité, issu d’un cépage heavy/power. Tout cela servi dans un langage occitan (le gascon), quand ce n’est pas en langue d’oil sous fort accent. Le duo a dû logiquement recruter devant les offres de concerts. Toutes ces rencontres ont indubitablement renforcé la notoriété du groupe, et ont peut-être aussi incité Baptiste Labenne et
Adrian Gilles à produire un nouveau cru. Ils vont pour cela plonger profondément dans le patrimoine local et comme étiquette au futur produit une photo du Pic du Midi d’Ossau de l’espagnol Renato J. López Baldó. “Volentat” s’annonce aussi bon que ne l’a été “Enradigats”. Nous pouvons goûter avec “
Boisson Divine” à un nouveau grand cru de l’année 2016, qui aurait sans doute mérité une récompense au guide Gilbert & Gaillard si celui-là avait été changé en vin. Rassurez-vous, ce n’est pas de l’eau.
Ouvrons la bouteille et découvrons le nectar, voulez-vous. L’ouvrage s’ouvre dans une tonalité moins rugueuse que sur le volume précédent. On entend sur l’entame de “Saint Pançart” une rythmique martiale, des notes champêtres sous des airs de cornemuse. Une douce manière d’annoncer le folk metal à tendance heavy speed qui va suivre. Ceux qui ont connu “Enradigats” ne se perdent pas. C’est intense, tapageur, peut-être légèrement enraillé du côté des guitares et un peu cafouillis sur la fin, mais pour le moment ça reste très plaisant. De cette effervescence, on en a une meilleure illustration avec “Quin Braguer”, particulièrement sympathique et dynamique, comportant un refrain entêtant. Le titre a été servi par un clip complètement festif et déjanté, qui se démarque pourtant, malgré la bonne ambiance véhiculée, du travail sérieux produit par “
Boisson Divine”. “
Alestorm” ou “
Finsterforst” devraient en prendre de la graine au vu de ce qu’ils nous ont servi dernièrement.
On remarquera, dans ce second chapitre, une plus grande retenue dans la constitution heavy metal de la musique, quoique nous avons parfois quelques bonnes manifestations vibrantes de celui-là comme l’atteste “Cepera”, exalté, un soupçon rêche cependant. Morceau qui succède à “Los Invisibles”, qui aurait pu se traduire par une ballade au vu de son entame solennelle, accompagnée au piano, à la manière d’un “
Windir”. Mais, “
Boisson Divine” reprend ses droits et se donne à un folk metal à tendance heavy par à coups, qui atteint son paroxysme au moment du solo de guitare. Pour avoir une vraie ballade, il faudra attendre le ravissant et posé “Pujar”, offrant quelques similarités avec “
Dalriada”. On assiste alors à un charmant duo au chant entre Baptiste et Emilie Manescau de “Daunas de
Cor”, mais également à l’apparition de la vielle à roue. Il y a manière à hésiter sur le caractère de “ballade” au morceau “Aiga d’Aur”. Bien que débutant par un arpège acoustique doux et mélancolique nous invitant à ce choix, le chant en chœurs également, la suite nous donnera tort dès l’apparition de la guitare électrique et du registre power metal, qui fera d’ailleurs une superbe embardée instrumentale en seconde partie de piste.
Nous pouvons aussi être frappés par les sonorités et les intonations très méditerranéennes d’”Aiga D’Aur”, probablement dues aussi à l’utilisation du chant en occitan qui y joue un rôle déterminant, malgré la prise mélodique de la seconde moitié de morceau, comme dévoilé ultérieurement. A la différence du précédent album, plus rien n’est dans le langage du nord. “
Boisson Divine” revendique sa cuisine à l’huile, en opposition à la cuisine au beurre, sur le long et mystique “Caussada Deus Martirs”, bien qu’il soit soutenu par l’entrain produit par le heavy speed. On y décèle une petite atmosphère épique, qui ne semble pas concurrencer “Los Tilhorès”, autant plus attachant dans sa cavalcade. Extrait simple en apparence pour ce dernier, accordant même un chouia d’accordéon, mais redoutable, éloquent de sincérité, prenant littéralement aux tripes. Aussi tempéré dans la puissance que ne l’est “Dauma de Brassempoi”, s’illustrant lui au départ comme un “
Eluveitie” soft. Son refrain est savoureux, idem pour son solo survolté de guitare, démontrant la virtuosité de nos humbles musiciens.
Que les choses soient dites, “Enradigats” a été une véritable surprise. Une grosse baffe, comme on emploie souvent le terme. La surprise est désormais passée, mais “Volentat” ne fait pas non plus pâle figure. Peut-être moins tonitruant qu’un “Enradigats” plus adepte au power, ce second volume est un peu du même tonneau et pourra ravir votre palais jusqu’à l’ivresse s’il le faut. Il ne faut pas être spécialiste ou brillant œnologue pour reconnaître les qualités du duo gascon, aujourd’hui élargi de membres live. Nous avons tout espoir de voir bientôt figurer “
Boisson Divine” parmi les grands représentants actuels du folk metal, non pas occitan, mais français (si ce n’est pas déjà le cas). Le folk metal n’est ainsi pas le monopole du pays de la bière. Le pays du vin se devait de répondre et d’apporter ses solides représentants. Et comme l’amateur de bière ne crache pas sur une bonne bouteille de vin… Comme rapportait un livre à l’origine de l’ivresse des hommes : “Bonum vinum laetificat cor hominis.”
15/20
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