Parmi le nombre grandissant de groupes émergents de metal symphonique à chant féminin sud-américains, Finita souhaite à son tour s'immiscer dans ce registre. Dès lors, muni de cet album full length auto-produit comme propos musical initial, le jeune quintet brésilien, issu de
Santa Maria, annonce la couleur de sa détermination à venir fouler cette scène metal. Et ce, avec un message fort lancé à la concurrence, à l'aune des trente-six minutes sur lesquelles s'égrainent huit morceaux, dont le bref instrumental « Vazio », agrégeant en filigrane de raidissants growls et de déchirants cris féminins.
Nos acolytes nous plongent au cœur d'un metal symphonique gothique à la fois énigmatique et envoûtant eu égard à quelques gammes sulfureuses, usant du classique schéma vocal de la belle et la bête. En outre, le filet vocal de la mezzo-soprano Luana peut rappeller Judith Rijnveld (
Kingfisher Sky), avec un soupçon de Marjan Welman (
Autumn) dans les médiums, distillant également de glaçants growls. De leur côté, les compositions sont techniquement bien inspirées, avec quelques arpèges hispanisants, à la manière d'Elessär, et les paroles habilement mises en œuvre, bien que les lignes mélodiques souffrent de quelques approximations rendant certaines plages moins ragoûtantes que d'autres. Concernant la partie logistique, l'oeuvre repose à la fois sur une qualité d'enregistrement laissant quelques notes parasites traverser l'espace sonore et sur un mixage convenable, à défaut d'être irréprochable. Les enchaînements intra pistes, tout comme les finitions, n'ont pas relevé la sauce, même si les arrangements demeurent assez satisfaisants.
Une ambiance gothique à l'atmosphère brumeuse s'échappe de plusieurs pistes de l'opus. Et ce, non sans rappeler la troublante et mystique ambiance du groupe metal gothique mexicain
Fortaleza, eu égard à leur album «
Fortaleza Oculta » (
2012), perceptible notamment des contreforts de l'entame de l'opus. Tout comme chez
Dreams Of Agony sur leur opus « The Other Side of the Mirror) » (2015), une empreinte hispanisante se fait ouïr eu égard à l'habile délié à la lead guitare, signé Portela, sur le rythmiquement plombant «
Blind Greed », muni de riffs revêches. Une patine vocale féminine puissante, lyrique et modulée dessine judicieusement les couplets de ce titre, au moment où des growls inquiétants suivent de près l'ombre de la belle. Un pont instrumental un tantinet bourbeux se cale alors avant de laisser repartir librement la cavalerie rythmique et le duo vocal, sur une ligne mélodique au spectre assez resserré. Même protocole pour son voisin de ruban auditif. Un clavecin à l'habile doigté, œuvre de Guilherme, distillant de beaux arpèges, et des riffs acérés nous accueillent sur le frondeur « The Other Face ». On entre au cœur d'une atmosphère blafarde, peu rassurante, sous l'impulsion conjuguée des deux interprètes. Mais, la mezzo-soprano sait nous retenir quelques instants de ses ondulations expertes, avant de découvrir quelques passages techniques bien tracés par la lead guitare. Tout comme chez
Boudika, on aurait pu se passer de la présence des growls dans cet exercice, alourdissant l'ambiance d'un titre qui n'en avait pas réellement besoin.
Au sein de cet espace metal global, le groupe a su diversifier ses ambiances eu égard aux variations rythmiques contenues dans l'opus.
Tout d'abord, quelques moments d'obédience symphonique, à la patte progressive, nous sont octroyés. Ainsi, des nappes synthétiques corrélées au chatoyant organe de la déesse nous invitent à naviguer en douceur sur :« Perspective ». Soudain, émerge de l'ombre une fringante guitare assistant une rythmique en mid tempo et des riffs arrondis. Une basse, signée
Allison, gronde parallèlement à la fringante six-cordes. Une fois de plus, les growls partagent l'espace vocal avec la valeureuse interprète. Un pont technique de bonne facture se place opportunément, avant de se faire aspirer sur le refrain, ces passages rappelant certains accords contenus dans « Concierto de Brujera », œuvre du groupe de metal symphonique argentin
Abrasantia.
D'autre part, le combo a veillé à intégrer quelques notes à la chatoyante coloration sud-américaine dans son atmosphère d'ensemble, propice à un déhanché subreptice ou à un headbang apocopé. D'inspiration trans-ibérique, «
Origin Lost », à la rythmique syncopée et aux riffs grincheux, nous aguiche par ses fouettantes ondulations mélodiques sur les couplets. En outre, les inflexions vocales de la sirène ne sont pas sans rappeler Judith Rijnveld, avec de faux airs de Marcela Bovio (
Stream Of Passion). Là encore, de caverneux growls ne quittent pas la belle d'un bémol, à la manière de
Against Myself, à la lumière de leur album « Sky
Ashes » (2011). Mais, la sirène sait aussi se faire bestiale et échanger quelques vibes, à l'instar de ses propres growls, avec la sauvage créature. D'envoûtants arpèges et un solo de guitare sont au programme de cette chatoyante plage au suave parfum d'exotisme.
En de rares moments, le tempo accélère sa cadence, avec plus ou moins de réussite. Des notes graveleuses à la guitare acoustique nous accueillent sur l'entraînant «
Beyond the
Mist », aux inflexions vocales non sans rappeler
Autumn, seconde mouture. Dans ce sillage, la double-caisse sait se faire entendre, à l'instar d'une frappe vigoureuse dispensée par Splinter. Ici, les refrains s'avèrent nuancés mais, parfois, la dynamique instrumentation use de technicité au détriment d'un paysage de notes alors devenu lunaire. On y perd donc en mélodicité ce qu'on a gagné en technicité instrumentale.
Enfin, lorsque la dynamique rythmique reste calée définitivement dans les mid tempi, l'exercice de style peine davantage à convaincre, et donc, à imposer les gammes du combo. A titre d'exemple, des frasques synthétiques accompagnent les vibes de la belle sur le placide «
Awake », muni de riffs incisifs, déambulant dans des couplets et des refrains plutôt linéaires. Les growls n'apportant pas l'effet oppressant escompté. la piste aurait gagné à s'en séparer pour laisser évoluer la déesse en solo. Malgré les efforts déployés par cette dernière pour se dépétrer de ce mauvais pas, la mayonnaise ne prend guère. Même schéma sur sa voisine de bobine. Ainsi, une atmosphère pesante plane sur «
Voices from Sanatorium », titre plutôt lancinant, la sirène devenue vénéneuse et son comparse ne nous octroyant que peu de lumière mélodique. Et, malgré l'intervention d'un clavecin et d'un solo de guitare bien amenés, les risques de délestage sont réels, tant le cheminement harmonique se montre délicat à suivre.
Au final, on appréciera les ondulations atmosphériques d'inspiration sud-américaine au sein d'un propos symphonique gothique assez sensible, parfois obscur. Encore un peu tâtonnant sur la partie artistique du projet, ayant pourtant ses mérites, le combo doit encore se laisser le temps nécessaire à la maturité de ses gammes et de ses arpèges pour un recueil étoffé de nos émotions. De leur côté, les aspects techniques, relativement convaincants, compensent partiellement le manque de diversité de l'offre oratoire et mélodique. Enfin, la qualité de la production, en amont, ne permet pas encore de valoriser le potentiel, pourtant intéressant, du combo.
On comprend que l'on s'attardera quelques instants sur ce premier jet, pour une ou deux écoutes, le plaisir de la découverte aidant. Les amateurs de metal symphonique gothique pourront y trouver quelques moments aptes à les retenir quelque peu, mais ne devront pas y chercher là matière à exacerber le plaisir des sens, ni une quelconque pointe d'originalité. On en attend donc davantage de cette valeureuse formation qui affiche déjà une belle énergie, à canaliser dans un circuit harmoniquement plus immersif. Gageons qu'il s'agit d'un galop d'essai et que nos acolytes trouveront, d'ici peu, les clés d'accès à un paysage de notes plus lumineux.
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