Le voici, le nouveau né du Monsieur
Arjen Anthony Lucassen, compositeur extraordinaire s’il en est. Après un double album en 2008 pour clore le projet
Ayreon, puis un an après, le premier album du projet
Guilt Machine, notre hippie hollandais favori (non je ne parle pas de Dave) revient à la charge avec une nouvelle offrande spatiale de Star One. Regagnez vos quartiers, attachez les harnais, verrouillez les sas.
On retrouve la fine équipe avec aux commandes vocales : Damian
Wilson, Russel Allen,
Floor Jansen et Dan
Swanö. Au niveau des machinistes, aux caisses c’est toujours l’ami Ed Warby qui s’y colle, Captain
Arjen pilote évidemment les claviers et les guitares, Peter Vink à nouveau la basse, et enfin Joost van den Broek (ex-
After Forever) et Gary Wehrkamp (
Shadow Gallery) viennent poser quelques soli respectivement de claviers et de guitare. L’équipage est au complet, nous pouvons embarquer.
"
Houston… Nous avons un problème. Nous annulons le décollage". Quoi ?? Et bien oui. Là où le premier album ("
Space Metal", 2002) nous emmenait de ci de là à travers l’espace en reprenant pour chaque chanson le thème d’une œuvre cinématographique de SF, "
Victims of the Modern Age" nous propose un concept plus terre-à-terre… si l’ont peut dire. On décolle toujours de sa chaise, mais le concept garde cette fois-ci les pieds sur la terre ferme et non plus la tête dans les étoiles. Le thème majeur, comme le laisse présager le titre de l’album, est selon les mots de son créateur dans une vidéo trailer : "Post-apocalyplepleple" (comprenez : post-apocalyptique). Les références sont ainsi tirées de films comme Orange Mécanique ou encore La Planète des Singes…
L'album débute de la même manière que le précédent, avec une intro aux claviers dans le parfait style Lucassen, on est dans le bain, et c'est est une parfaite rampe de lancement pour la fusée "Digital
Rain".
Rythmique lourde et entraînante, sur un fond de claviers cosmiques, la piste annonce la couleur : l’album sera beaucoup plus pêchu que son frangin et c’est tant mieux. On retrouvera tout au long des pistes de "
Victims of the Modern Age" ces mêmes types de sonorités, mais agencées de manière différente. Comme à l’accoutumée on se délecte évidemment des soli de guitares/claviers se renvoyant la balle toujours exécutés à la perfection par
Arjen et ses compères. Chacun parmi
Floor, Russel, Damian et Dan seront présents sur tous les titres, chacun de leur côté ou en chœur mais dans tous les cas chacun apportant sa touche. La première piste se termine d'ailleurs par un très bon final a capella qui rappelle forcément le final de "
The Eye of Ra".
Alternant les tempos posés ("
Earth that Was", "
Victim of the Modern Age", "24 Hours"…) et les rythmes plus soutenus ("Cassandra Complex", "Digital
Rain"…), cet album est plus prenant et dynamique que le précédent qui semblait peiner et souffrait de longueurs. On retrouve les mêmes genres de rythmiques lourdes et puissantes mais mieux travaillées avec un rendu plus percutant, qui sont alliées à la puissance de D.
Swanö et R. Allen, ou bien au contraire en contraste avec la légèreté de F. Jansen ou D.
Wilson. On est accroché et tenu en haleine tout du long par des chanteurs tous dans leur plus grande forme, mais on profite aussi d'accalmies avec plusieurs breaks tous très bien trouvés avec ces claviers sonnant très "70's" si chers à Lucassen, comme par exemple sur "
Earth that Was" ou bien à la guitare acoustique comme sur le final de l'album. On sent mieux la volonté de se démarquer d’un
Ayreon beaucoup plus planant et "psyché", chose qui avait été moyennement réussie sur le premier opus.
L'album n'est pas un concept en soi, car même si l'ensemble traite des mêmes thèmes chaque chanson tire son concept d'œuvres différentes. C'est sur ce point qu'on peut émettre quelques reproches, car du coup les pistes ne s'enchaînent pas à la perfection, et même si on retrouve les mêmes ambiances il n'y a pas vraiment de ligne directrice au long de l'album. A ceci on rajoute ces structures parfois décousues qui peuvent déstabiliser de prime abord, on se perd un peu dans l'album… Mais avec le temps et les écoutes l'ensemble se tient et on obtient finalement un rapport de mission plutôt positif.
Globalement la deuxième moitié de l'album (à partir de "24 Hours") est la plus intéressante, car composée de titres en eux-mêmes plus variés et moins linéaires, et qui surtout mettent mieux en valeur les talents des artistes présents sur ce projet.
"It’s Alive, She’s Alive, We’re Alive" et "24 Hours" sont assez semblables dans leur construction mais différentes musicalement. Ces deux pistes commencent par une ambiance lente de claviers étranges pour exploser en puissance dans un riff brise-nuque pour l'une, et dans un refrain balancé en pleine face par Russel pour l'autre. Ces deux pistes sont parmi les points forts de l'album. On passe tantôt par la puissance d'Allen et
Swanö, tantôt par la douceur et l'émotion de Jansen et
Wilson. Le tout avec la musique qui suit. Mais il y a aussi paradoxalement un gros travail de contraste, et on retrouve des gros riffs lourds et agressifs avec
Floor au chant par exemple. Mais tout est maîtrisé, tout est contrôlé, rien ne choque. Les breaks et les soli de ces pistes sont aussi parfaitement joués et placés, aucune faute de goût.
"It all Ends Here.". "Tout finit ici". Quel meilleur nom pour la dernière piste d'un album ? Le nom de l'album "
Space Metal" avait déjà surpris par son originalité (!), voici une autre couche. La piste débute par des bruits dignes d'un atterrissage du Faucon
Millenium chez le voisin du dessus, puis claviers et guitares se font à nouveau omniprésents, mais laissent aussi la part belle aux percussions. R. Allen récidive avec des envolées puissantes, entouré de la grosse voix de D.
Swanö et de F. Jansen sublimant le tout de sa puissante grâce. D.
Wilson est à nouveau lui aussi irréprochable quand vient son tour, planant mais avec aussi des soupçons de puissance bien choisis. Sur la fin l'intensité monte dans une escalade qui n'est pas sans rappeler les sensations finales de l'album "The
Human Equation" d'
Ayreon ou même de "Metropolis Pt I" de
Dream Theater. Et tout s'écroule dans un bruit d'explosion interstellaire. It all Ends Here…
Tout finit, d'accord, mais comme disait l'autre "toute fin est un commencement" (je ne sais plus qui c'est, mais il le disait). Ici s'achève le deuxième décollage de Star One avec plus de réussite que le précédent, qui ouvre la voie à un successeur digne d'
Arjen. A moins que ce titre n'évoque la fin du projet ?
Quoiqu'il en soit l'oreille est ici plus attirée et l'attention maintenue avec des vocalistes tous au top (mention spéciale à Russel Allen mais surtout à Damian
Wilson qui est superbe), ces ambiances prenantes propres à
Arjen Lucassen, et puis ces rythmiques et ces riffs en béton armé qui amènent la puissance et la densité sonore qui faisaient défaut sur "
Space Metal".
Cet album plaira aux fans, qu'ils aient aimé le précédent ou juste apprécié. Pour les déçus de "
Space Metal", la tentative de rattrapage est bien effectuée, et cet album saura les intéresser. Les allergiques aux claviers cosmico-planants passeront outre, mais ce n'est pas nouveau avec
Arjen.
On reste dans un style relativement proche du reste de son œuvre, la faute à sa griffe reconnaissable entre mille sur les riffs de guitare et les claviers. Certains ne verront ici qu'un remake d'
Ayreon dans un style plus rentre-dedans, ce qui n'est pas faux… mais on se méprend tout de même moins qu'avec "
Space Metal", et c'est en ceci que cet album est mieux réussi.
Arjen doit sans doute se consacrer pleinement à un projet et ne pas tout mener de front pour ne pas se mélanger les pinceaux, c'est une chose que méditer il vous faut, Maître…
16/20.
Victims of the Modern Age respecte par contre plus cette manière de penser =)
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