Souvent il est d’usage de se demander si le contenu d’une bouteille d’alcool sera bon simplement en la contemplant, comme si soudain la vue disposait de qualités divines. Que ce soit pour un vin, un champagne ou un whisky il arrive que le nectar ne convienne pas à notre goût, ne parvienne pas à émoustiller notre palais ou reste neutre pour notre délicat gosier. Et pourtant, la fiole et son étiquette semblaient nous promettre monts et merveilles.
Ce souhait d’anticipation est valable aussi lorsque l’on se trouve devant la couverture d’un livre, l’affiche d’un film mais aussi un album de musique.
Imaginez maintenant ce que pourrait donner l’association de l’ex-bassiste d’
UFO, Pete Way avec l’ex-guitariste des Heartbreakers, Ronnie Kayfield, l’ex-guitariste et claviériste d’
UFO, Paul Raymond, l’ex-chanteur de
Flying Squad,
Ian « Fin » Muir et l’ex-batteur de
Stampede,
Wild Horses et
Def Leppard, Frank Noon ? Facile, vous avez trouvé,
Waysted ! En 1982, Pete Way réunit cette brochette de gâchettes pour sortir un premier album «
Vices » chez Chrysalid records que Mick Glossop produira après avoir officié sur le « Making contact » du groupe…
UFO.
Mais qu’en est-il de la qualité de la musique ? Franchement, rien à redire. Si vous aimez le bon hard-rock, vous ne serez pas déçus. Comme à l’époque le vinyle avait l’avantage de limiter le remplissage avec des pistes inutiles, ce disque contient donc neuf titres seulement, et rien à jeter. En prime, le jeu de basse est placé bien en dessous de la ceinture, les mélodies sont tranchantes, le feeling et la technique procurent quelques moments de plaisir et la voix… Ah oui, la voix de Fin est, comment dire, à peine écorchée, sensuelle et gorgée d’un whisky écossais hors d’âge.
On retrouve les trois catégories usuelles du genre dans cet album.
Par exemple, du Heavy
Metal même si celui de
Waysted s’affranchit du cuir et des clous. Le «
Women in Chains » construit sur un gros beat de batterie fait penser à du Queensryche par son côté lourd et l’atmosphère générale que les claviers confèrent au titre. Pete Way, tel un bon vieux diesel, se réveille en balançant son groove de basse à l’entame du refrain. Quelques intonations à la Ozzy de Fin ont du mal à cacher la gouaille rincée au meilleur nectar tourbé d’Écosse. Enfin, Ronnie Kayfield en roue libre sur le lead de guitare atteint les sommets cosmico-psychédéliques sur un solo d’extra-terrestre. Deuxième touche heavy « Hot Love » dont les fondations rythmiques basse-batterie sont creusées avec autant de régularité qu’une tête de derrick forant off-shore à la recherche d’éventuelles nappes d’hydrocarbures. Les claviers sur ce heavy-rock parviennent à nous faire taper du pied et le délire de Paul Raymond lui donne un air Stonien et Springsteenien.
Waysted ne déroge pas à la sacro-sainte ballade rock en nous offrant un « Right from the start » bien roulé et efficace. Les claviers et la guitare assurent une mélodie simple et le chant est à nouveau clair et propre. Pete Way, pépère à la basse, démontre pourtant un certain don pour l’écriture de chanson et de mélodie, que ses compères s’approprient sans difficulté et enrichissent de leur acquis divers.
Le volet
Hard-Rock est quant à lui bien touffu, disons « à la portugaise », et se taille la part du lion.
Guitare en avant, batterie qui claque, « Love loaded » ancre ce rock carré dans la discographie de base de tout aficionado du genre. Encore un poil (décidemment) flemmard, Pete Way se réveille lors du refrain soutenu par des chœurs gaillards avant de nous flanquer carrément le vertige avec une ligne de basse qui envoie du lourd. Ronnie Kayfield s’amuse comme un fou et le refrain accrocheur confirme que la voix de Fin est un vrai piège à gonzesse. L’entame vicieusement ‘nasty and dirty’ de « Sleazy » le met sur les rails d’un bon rock bien gras aux confins du boogie. La paire de guitaristes en remet une couche en permanence alors que le chant éraillé et punchy de Fin se pose sur une batterie énorme et un Pete Way bagarreur en diable.
La petite pépite nichée au creux de cette galette me semble être «
Night of the wolf », cavalcade implacable de riffs juteux harnachés sur une section rythmique balèze. Au départ, les arpèges de guitare aérienne et la voix posée avec délicatesse nous emmenaient pourtant sur une fausse piste, finalement dévastée par un cri vorace et une accélération qui vous prend aux tripes. Le break et la reprise détonnent de l’apport de chacun des 4 musiciens et le chant achève l’œuvre avec élégance et fougue.
« Toy with the passion » vous cueille avec un son de guitare à la AC/DC pour continuer sur une ligne de basse de phacochère et une sonorité Status-Quo du côté de Ronnie Kayfield. Fin gratifie le titre d’un chant de très haute voltige. La batterie de Frank Noon n’est pas non plus en reste et le break de mammouth laisse la place à un solo d’excellente facture lui aussi. La seconde déflagration de l’album provient de l’explosif « All belongs to you » durant lequel les membres du groupe nourrissent à la pelle le foyer de la locomotive
Waysted lancée à pleine allure. Massif sur sa structure, ce rock d’école vous fait l’effet d’une bonne tarte dans la gueule après une nuit de beuverie et le sublime solo de Kayfield celui d’une bonne douche glacée. Énorme rythme et groove intense.
Passons enfin sur la reprise « Somebody to love », délivrée sur un rythme bien mieux calibré en intensité (et pas en taille) que l’original qui vit Darby Slick se faire voler son œuvre de 1966 avec Great Society par Grace Slick au profit de Jefferson Airplane.
En conclusion, l’ensemble fait preuve de caractère et d’une maturité musicale certaine. Le style est résolument hard-rock avec l’élégance et la pointe de hargne qui donnent un vernis indélébile aux différentes compositions. Les musiciens cités plus haut ne sont en effet pas des plaisantins. Leur début de carrière et leur bagage technique agissent comme des tannins le feraient lors de l’élevage d’une nouvelle cuvée.
Citons d’ailleurs l’alchimie prometteuse entre un jeune chanteur aux capacités et qualités évidentes et un bassiste inspiré, tout autant par la musique que par la divine bouteille. Pete Way a trouvé en Fin le parfait alter-ego pour composer et l’allié idéal pour sceller les bases d’un combo d’avenir. Sans revêtir la blouse de professeur, l’initiation aux charmes des délices capiteux des Highlands fut un plaisir autant partagé que provoqué par le funambule à quatre cordes. Inspiration et bouteille, vice et vertu, les deux compères se sont trouvés. Sans doute le pouvoir irrésistible du nectar intemporel contenu dans la bouteille.
Didier – septembre
2012
En tous cas merci pour avoir partagé ton flacon avec nous.
Et à l'inverse de Sam, je n'entrerai dans aucune polémique Lusitanienne.
Fred, le dépôt étant une matière noble, retente le coup avec Marko, car trinquer seul, qu'est ce que c'est triste !
Même si je suis réticent à l'album, les chroniques sur des groupes comme Waysted, Armored Saint, Virgin Steele, Grim Reaper, Jag Panzer etc...la liste est longue est pour moi la quintessence de SOM : découvrir, redécouvrir des albums parfois oubliés mais ô combien estimables.
Pour Waysted, je n'avais pas trouvé l'album mauvais mais j'avais pas accroché va savoir pourquoi...un peu comme le What's the Hell de Viva et le 1er Armored Saint.
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