Il y a quelques semaines,
Vigilante annonçait la sortie de son cinquième et ultime opus, "V". Ayant chroniqué et apprécié le précédent, "
Opacities" sorti il y a plus de deux ans, je me devais de voir par les oreilles le point final de ce projet si singulier mêlant sonorités industrielles et orgue liturgique.
Depuis 2009, le multi-instrumentiste Vincent Dromard originaire de Bourg-en Bresse a sorti cinq albums : "
Warning" en 2011, "License to KIIin" en 2017, "
Zero Summons" en 2019, "
Opacities" en 2022, et pour finir "V".
Loin d'être un long fleuve tranquille, le processus de création de "V" a été éprouvant mais nécessaire pour Vincent, cathartique, dans lequel il a évacué beaucoup de saleté et de frustration, en partant d'un état d'épuisement total. Comme il en a l'habitude, Vincent a tout enregistré et mixé sans ordinateur, et son album est paru en version CD sur sa structure Detergent Records.
"V" est un disque éminemment personnel, où se véhiculent les obsessions du Dr. V, dans une atmosphère de repentance cybernétique. Avec son unité de lieux (l'esprit), de sensations (le malaise, l'oppression et la souffrance), et de moyens (boîte à rythme, claviers, guitares et chant saturé),
Vigilante pose son identité de manière simple et lisible, et est reconnaissable des les premières mesures quand on a déjà écouté d'autres de ses disques. Les idées fortes et les hooks mélodiques sont procurés par les claviers, comme le refrain solennel et un peu malicieux de "Porcelain Babes Hosiery Scratch Lines". Le son de
Vigilante a pris plus de corps avec plus de liant en général et de basse en particulier, bien que celle-ci ait un son assez synthétique, on s'en aperçoit bien sur "1" où elle débute seule l'intro et participe de manière plus évidente aux mélodies.
L'orgue, point d'ancrage et ligne de fuite, trône au milieu des compositions la majorité du temps, et donne une dimension mystique et liturgique. Comme si, au fond d'une église perdue, il égrenait en boucle des notes stridentes et obsédantes, possédé par une entité surnaturelle et vengeresse. Les riffs guitare forment un chemin de pénitence parallèle vers le purgatoire, très différent mais complémentaire de celui des claviers. Légèrement mixées en retrait elles supportent la charpente des morceaux.
Le chant monocorde robotique et implacable du Dr.V, déformé par la haine et la saturation, rappelle celui d'un
Ministry, et annihile toute velléité d'espoir.
Il y a tout de même dans ces litanies d'expiation l'irruption de l'humainement faillible, quelques décrochages, un clavier qui perd subitement de sa substance, une boîte à rythme qui s'écroule de manière presque comique sur une fin de morceau, ou même un brin de musique d'ascenseur, comme un retour furtif à la normalité au milieu du chemin descendant vers la folie.
Si "V" reste dans la même lignée que les disques précédents de
Vigilante, c'est celui qui propose une forme finale, la mieux maîtrisée, une épitaphe à sa discographie. Si vous ne connaissez pas l'artiste, c'est aussi un des plus accessibles si l'on peut dire.
Si c'est à priori l'ultime opus de
Vigilante, Vincent m'a confié avoir envie d'explorer d'autres univers bien différents, et rien que ça, c'est le plus encourageant signe d'espoir.
Belle épitaphe, merci Jean Edern Desecrator.
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