Toi aussi, un jour au moins, à l’écoute d’un album particulièrement stimulant, tu t’es déjà mis à vocaliser le solo de guitare, suivi du gros riff avant le dernier refrain, à grands coups d’onomatopées improbables. Vous savez, dans le feu de l’action parfois… Et à cette prestation particulière, ton auditoire a réagi très dubitativement. Rassure-toi, tu n’es pas seul. Il y en a même qui en font des albums. Enfin un groupe surtout,
Van Canto, qui officie dans ce qu’ils ont baptisé le metal a-ccapella.
La formule est simple, pour ceux qui découvrent, un batteur, et 5 chanteurs(euses), qui ont la particularité de ne pas constituer un chœur au sens habituel, mais de remplacer également les parties de guitare, basse ou clavier. C’est en reprenant des grands classiques (
Metallica, Maiden,
Manowar,
Nightwish etc) que le groupe s’est d’abord fait entendre. Aujourd’hui, ils en sont à 3 albums et multiplient les compositions originales. Un parcours d’OVNI qui me rappelle assez celui d’
Apocalyptica, même si nous avons fait le tour des seuls points communs. Dans la découverte de
Van Canto pour un auditeur, il y a habituellement trois étapes. La première, on esquisse un sourire, voir on se poile un peu au son des « racatacatacata, dum dum dam dam » qui remplacent les riffs. Deuxième étape, on admire tout de même la performance et la synchronisation des vocalistes. Et dernière étape, on remarque qu’en fait, même sur leurs propres chansons, les bougres sont très pertinents, tant sur la rythmique que sur les mélodies. C’est du metal mélodique, parfois du power, assez cliché, mais qui ne passe pas si mal. Le problème, c’est que selon le cas des auditeurs, il est possible de ne pas franchir une des étapes…
Parlons de ce Trib of Force. Pour aider la sauce à prendre, l’accent a été mis sur la production, bien davantage que sur leurs efforts précédents. Chaque chanteur se distingue très bien et occupe à merveille la place sonore habituellement dédiée à l’instrument correspondant. Le vrai chanteur, la voix de tête qui s’occupe des textes, est puissante et claire, et peut même avoir quelques accents trash à de rares moments. Une chanteuse s’extrait parfois du reste des voix pour le seconder, avec une voix elle aussi parfaite pour le genre, immédiatement associée aux timbres de
Tarja et autres Simonne Simons. La batterie est un peu aseptisée par cette production, mais il ne faudrait pas qu’elle noie ce qui n’est après tout que des voix. Le jeu de cette batterie est typique du genre, sans rien d’époustouflant mais d’un niveau plus que correct. Cela aide, bien sûr, à retrouver les marques du power/ metal mélo. Pour peu qu’on ait franchi les deux premières étapes dont je parlais ci-dessus, on se dit dès «
Lost Forever» qu’on est certainement parti pour un album qui réussira à rendre leur drôle de musique efficace même sur la durée. Et à l’écoute du reste, on confirme.
Pourtant les morceaux ont tout pour ne pas prendre à première vue. Les structures sont bateaux au possible, les paroles sont au raz des pâquerettes, bref,
Van Canto n’invente rien. Malgré tout, les mélodies sont percutantes, les rythmes entrainants, et dans leur classicisme, les structures sont sans failles pour nous tenir en haleine. C’est assez improbable, on se demande presque pourquoi parfois, mais ça marche. On leur attribuera même quelques passages vraiment bien sentis, comme ce break sur «My
Voice», dont la mélodie à coups de bam bam bam peut facilement rester longtemps en tête. En parlant des onomatopées guitaristiques, le groupe a le bon sens de ne pas proposer trop de passages où ils sont vraiment mis en avant trop longtemps. Pour les soli, ils usent toujours de leur méthode consistant à saturer un micro pour que les vocalises, devenues nasillardes, ressemblent à quelque chose qui approche d’une guitare. Le résultat est parfois bluffant, même si la technique en elle-même n’est pas neuve non plus.
Plusieurs morceaux amènent leur petit plus tout au long du CD. Tout d’abord ceux avec un guest, même si
Victor Smolski (
Rage) reste assez discret. Chris Boltendahl (
Grave Digger) lui, vient carrément défendre une de ses propres chansons reprises, il faut le faire. «Water
Fire Heaven Earth» met en avant la chanteuse, avec les chœurs en arrière plan sur les couplets. On pense alors un peu à
Nightwish période Bless the Shild. La balade «Last
Night of the
King» est la seule chanté totalement a capella, pour un rendu assez médiéval je trouve. La justesse de chacun ne s’en ressent que davantage. A l’inverse, «Magic Taborea» ajoute des accompagnements symphoniques aux chants et à la batterie. Cela contribue à rendre la musique encore plus lumineuse et épique qu’elle ne l’est déjà. Enfin, la reprise du mythique «
Master of Puppets» de tu sais qui (sinon tu sors), prouve s’il en est besoin que sous n’importe quelle forme cette chanson semble toujours monumentale. On fera quand même une petite overdose de racatacata dim du di dam à cette occasion.
Van Canto, c’est sacrément à part, mais on ne sait vraiment qu’en dire. Le concept et les textes ont de quoi faire rire, mais la maîtrise est telle qu’on comprend vite que ça n’est pas qu’un défi marrant. Cet album se permet d’évoluer depuis
Hero, de chercher à présenter leur musique sous un meilleur jour, et même d’offrir quelques compositions très honorables.
A mon humble avis, «Magic Taborea» ou encore leur apparition sur le second album solo de
Tarja montre que le groupe devrait se décider à s’accompagner davantage. Un puriste m’en voudra sûrement de tels propos, mais je suis certain qu’il y a mieux à faire d’un tel travail que de continuer à imiter des riffs de guitare, tout en restant très metal dans l’esprit. Comme quoi encore une fois, l’esprit metal, ça n’est pas qu’une histoire d’instruments.
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