Liste des groupes Metal Mélodique Crimson Sun Towards the Light

De l'eau a coulé sous les ponts depuis les débuts du groupe il y a quatorze ans, à l'instar de plusieurs changements de line-up, de trois discrètes démos précédant un évolutif « The Border », agréable EP sorti deux ans avant ce premier album full length. Autant dire que le combo issu d'Hamina n'a pas compté rester en retrait bien longtemps d'une scène metal symphonique mélodique partagée par bon nombre de ses pairs. Pour ce faire, l'un des membres fondateurs, en la personne du guitariste Joni Junnila, s'est entouré des compétences expertes de Jukka Jauhiainen (bassiste du groupe depuis 2002), du batteur Antti Rantavuo (depuis 2007). Dès 2012, ont également été sollicités Miikka Hujanen aux claviers et Sini Seppälä, chanteuse au timbre de voix à la fois chatoyant, clair et puissant. De cette étroite collaboration émane une production entraînante et sensuelle d'une dizaine de pistes. Et ce, pour un parcours auditif de quarante minutes d'un heavy symphonique mélodique bien trempé ayant cultivé l'art de savoir nous retenir plus que de raison au fil des écoutes. Quel serait donc son secret pour réaliser une telle prouesse ?

Tout d'abord, l'enregistrement, réalisé par Saku Moilanen aux Deep Noise Studios, à Kouvola (Finlande) est d'excellente facture tout comme le mixage, équilibrant parfaitement les parties vocales et instrumentales entre elles. Le mastering, quant à lui, est l'oeuvre de Jacob Hansen (Amaranthe, Epica, Primal Fear, Volbeat), élément qui renseigne sur le degré d'exigence technique et logistique du quintet. En outre, finitions, enchaînements et arrangements se sont avérés sécurisants. Un certain confort auditif en résulte et permet de suivre l'opus d'un seul tenant. De leur côté, les compositions ont gagné en maturité et les paroles en finesse d'écriture. L'artwork de la jaquette aux traits nuancés et aux couleurs de braise parachève de nous convaincre d'entrer sans plus attendre dans la lumière de cette œuvre solaire.

Le combo a opté pour un propos regorgeant de moments d'allégresse, voire de nervosité bien canalisée, au sein d'un bain orchestral aux magmatiques remous. Sans réelle décélération du rythme de fond, les temps de respiration, s'ils sont rares, sont octroyés au cœur de bon nombre de plages. Parmi cette profusion de titres évoluant sur des charbons ardents, certains se détachent de par la savante combinaison de technicité et de mélodicité qu'ils contiennent. Cependant, les titres en seconde ligne sont loin d'être sans mérites et sont placés à l'endroit opportun dans la tracklist, permettant ainsi de s'en imprégner et de se les approprier au fur et à mesure des écoutes.

Certains morceaux témoignent de réels progrès accomplis par le groupe au fil des années, notamment grâce à des lignes mélodiques plus immersives, à une orchestration à l'architecture plus solide et étoffée, à l'image de gammes plus engageantes et d'arpèges plus effilés.
Eblouissant par son aplomb autant que par son empreinte mélodique et les coups de griffe de la tigresse, le morceau éponyme de l'album, « Towards the Light », déjà, offre un cheminement harmonique des plus jouissifs, dans la lignée d'Amaranthe. L'ambiance enjouée évolue au rythme d'une instrumentation en liesse, sachant desserrer l'étreinte et reprendre le flambeau au moment adéquat et sans aucune fausse note. Premier carton plein. Par ailleurs, une émoustillante ambiance heavy habite « Clockwork Heart », piste rythmiquement mordante et mélodiquement entraînante. Des nappes synthétiques et une furieuse lead guitare sont au corps à corps avant la reprise sur le refrain de la belle pour l'ultime chevauchée fantastique. De son côté, le véloce et syncopé « The Spark », à la manière d'Against Myself, use d'un riffing acéré et d'une rythmique endiablée, que suit en tapinois une inaltérable rampe aux claviers. On se plait à entamer un headbang subreptice à l'abord d'un refrain catchy à souhait. Un affriolant solo de guitare convolant parallèlement à des clapotis synthétiques ravissent, la déferlante reprise étant aux mains de l'autoritaire et orgasmique présence vocale de la jeune diva pour ne plus nous lâcher jusqu'à la clôture de l'acte. D'autre part, up tempo syncopé et virulent, « The Herald » offre blasts et riffs abrasifs sur un tapis synthétique en suspension, à prendre dans son jus. Ce titre bondissant et effréné livre également un refrain qui ne rate pas sa cible, celle de nos émotions, les magnétiques impulsions de Sini faisant le reste. Enfin, bien boosté et venimeux, d'obédience heavy symphonique, « Awaken » nous pousse irrémédiablement sur des couplets finement ciselés et des refrains victorieux, mis en exergue par les patines vocales aux irrésistibles médiums de la maîtresse de cérémonie. Un pont opportun s'insinue, se faisant prestement enjamber par une féroce reprise sur l'hypnotique refrain. Chapeau bas.

Le collectif finlandais a également pensé à varier ses plans rythmiques. Sur des schémas nuancés, la magie peut, là encore, opérer sans encombres. Ainsi, un environnement synthétique omniprésent corrobore l'entraînant « Enter the Silence », titre revêche et rythmiquement progressif où la patte vitaminée et un poil rocailleuse de la sirène nous happe une fois encore. Le schéma d'ensemble se veut direct, vivifiant, et, au final, atteint l'efficacité tant appelée de ses voeux. Titre polyrythmique, « Portrait of a Ghost » d'inspiration gothique symphonique, non sans évoquer Imperia, distille une belle lumière mélodique, un break opportun enjolivé d'un sensible piano, relayé par une lead guitare clôturant la plage. L'empreinte vocale, de son côté, rappellera Angtoria, ce qui n'est pas le moindre de ses mérites.
Dans une mouvance plus en retenue, comment passer outre la vrombissante et affriolante fresque « Memories Burning » ? Cette savoureuse piste déploie de massifs et métronomiques roulements de tambour, sur un mid tempo, le long d'un tracé mélodique sulfureux, éminemment captateur de nos émotions. L'envoûtement est à son paroxysme sur le refrain, grisant instant qu'on entonnerait à tue-tête, dans la lignée de Within Temptation. Sur un pont à la technicité éprouvée, où l'espace percussif se densifie, un revigorant duel guitare/synthé s'emploie à nous faire plier l'échine plus bas encore, si besoin était. Difficile alors de résister à l'appel de la sirène sur la sculpturale reprise en refrain se déversant dans nos tympans alanguis. Un subtil dégradé de l'intensité atmosphérique s'observe, comme pour mieux nous signifier que l'on détient là le diamant de l'opus, assurément...

Dans l'ombre des pépites sus-citées, d'autres titres tirent non moins leur épingle du jeu, à leur manière. Ainsi, le tempétueux « The Storm », non sans rappeler Lacuna Coil, nous entraîne dans une rythmique power ravageuse, étreinte de riffs fougueux, sur des couplets corrosifs un poil linéaires et des refrains catchy, servis par les flamboyantes impulsions de la déesse. Sinon, des riffs claquants chevauchant un vénéneux serpent synthétique nous accueillent sur « Eye of the Beholder ». Ce titre heavy symphonique énergique à la section rythmique plombante distille des refrains immersifs, mais un brin répétitifs, que se plait néanmoins à entonner d'un filet mordoré la sirène.

On ressort de l'écoute de cette rondelle saisi à la fois par ce nouvel élan d'inspiration, aussi inattendu que bienvenu, un certain brio instrumental et vocal, un souci de l'indicible détail mélodique, et ce, sans jamais tomber dans une affligeante mièvrerie, ni au creux d'une léthargique atmosphère, loin s'en faut. L'empreinte auditive s'opère progressivement pour s'installer durablement dans la mémoire, non sans renvoyer par moments aux modèles identificatoires ou aux homologues stylistiques évoqués. Cela dit, la signature du groupe dans les harmonies et accords inhérents à l'ensemble de ces compositions est effective et n'engage sereinement sur cette scène metal que leurs auteurs. C'est dire que cette oeuvre ne manque ni de caractère, ni d'originalité, même si on aurait pu espérer une palette plus étoffée de l'offre vocale, des atmosphères complémentaires et d'autres exercice de style. Et ce, d'autant plus que les conditions de production étaient réunies pour nous octroyer une telle offrande.

Toutefois, le groupe a réussi le délicat pari de nous retenir de bout en bout, l'intérêt grandissant au fil du déroulement du ruban auditif, sans qu'aucune ombre au tableau ne vienne affadir la saveur de la galette. Et ce, sans recourir ni à une imparable ballade, ni à un impressionnant dispositif orchestral, ni à l'appui de choeurs, ni même à un fringant ou progressif instrumental. Bref, le message musical suit une tout autre logique, celle de l'efficacité arc-boutée sur un cocktail fait d'une pudique onde vibratoire, de subtilités harmoniques, d'une technicité mesurée, d'un zeste de séduction oratoire sur fond d'une indéfectible incandescence. A l'aune de cette recette, nul doute que les aficionados de heavy symphonique mélodique à chant féminin s'y retrouveront. Plus encore, avec une telle offrande, selon votre humble serviteur, le combo finlandais peut d'ores et déjà espérer gravir rapidement les échelons pour se hisser d'ici peu parmi les formations majeures de ce registre metal.