Schwadorf est une figure incontournable de la scène allemande. Tête pensante du cultissime
Empyrium et membre fondateur de
The Vision Bleak, l’artiste a de nombreux autres projets parrallèles, dont Sun of the
Sleepless, dans lequel il peut donner libre cours à ses pulsions les plus sombres et primitives.
Fondé en 1999 avec son compère de toujours Thomas
Elm, Sun of the
Sleepless est effectivement un combo qui combine la majesté d’un black metal épique aux atmosphères humides et mystérieuses de forêts séculaires. Le duo produit quelques démos entre 1999 et 2003 puis est laissé de côté, Schwadorf préférant se consacrer à ses autres projets. 2017 voit donc le retour de la formation après un silence de presque quinze ans, Sun of the
Sleepless nous présentant enfin son premeir full length sobrement intitulé
To the Elements. Pour la nouvelle apparition de ce pâle soleil, le chanteur compositeur est désormais le seul et unique maître à bord, Thomas ayant entre temps décidé de quitter le navire.
Les guitares graves et mélancoliques qui nous accueillent sur l’introductif The
Burden renvoient directement à
Empyrium, ainsi que ce chant païen empreint de solennité. Puis les choses sérieuses commencent avec Motions qui envoie d’emblée un blast lourd et continu venant appuyer un mur de guitares roulant et hypnotique rappelant
Helrunar. Le chant black d’Ulf est parfait pour le genre, grave, profond et articulé, dégageant une résignation renforcée par ces choeurs intemporels et mâles dont le musicien est coutumier. Une lead aux douces mélodies lancinantes troue régulièrement l’opacité des guitares, et le tout forme un titre simple et solide aussi efficace que prenant.
On retrouve également le spectre d’
Empyrium sur The
Owl qui s’ouvre sur ces arpèges feutrés et ces chuchotements mystérieux, avant que la bourrasque des grattes et de la batterie ne vienne nous emporter sur un mid tempo puissant et conquérant qui se meut bientôt en ce blast si cher au style. Là aussi, on retrouve quelques notes plus claires qui forment comme une pâle lueur dans l’obscurité profonde de la forêt au milieu de laquelle Schwadorf nous entraîne, avec son chant rauque et gorgé d’émotions, cette batterie mécanique qui nous écrase sous un rythme puissant, et ce court break acoustique qui nous dévoile parfaitement l’âme sauvage de la formation.
To the Elements est sans aucun doute l’oeuvre la plus intense du musicien, même si on retrouve toujours cette mélancolie poignante qui enveloppe ces 41 minutes, dominant le fracas conjugué de la batterie et des guitares et l’enveloppant d‘une aura spirituelle palpable. A ce propos, le travail à la six-cordes est appréciable, le riffing se faisant tour à tour massif, dominateur, brumeux et lancinant (mention spéciale à ce superbe passage exalté qui clôt admirablement Where in My Childhood Lived a Witched), composant un ensemble à la fois compact et aéré, simple sans être minimaliste. En fait, on ne peut pas vraiment parler de violence sur ces sept titres, et malgré le martèlement de la batterie et un riffing bien charbonneux (le début d’In the
Realm of the Bark sonne comme un
Darkthrone moins crade), il se dégage une certaine solennité, un je ne sais quoi de sacré et de mystérieux qui nous pénètre, nous domine et nous impose le respect. Guitares majestueuses et désespérées, parties acoustiques de toute beauté et choeurs pronfonds, tout se conjugue pour nous subjuguer d’émotions et déverser dans notre âme le chant poignant d’une nature millénaire meurtrie.
Non,
To the Elements n’a absolument rien d’original, mais il parvient à nous emporter du début à la fin et il ne pourra pas laisser de marbre les amateurs d’un black metal à la fois mélancolique et exalté. A écouter d’urgence pour tous ceux qui apprécient
Helrunar,
Moonsorrow et
Forest of Fog, et si possible la nuit et en pleine forêt, loin de la décadence et de la folie des hommes afin d’être plus sensible à l’appel immémorial des esprits de la terre.
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