Que faut-il faire quand un disque intrigue mais s’avère ardu à suivre ? On insiste au risque d’en être totalement dégoûté ? Ou on passe son chemin au bout de deux, trois écoutes, histoire de voir si la sauce prendra mieux quand on le ressortira plus tard ? On garde quelques morceaux, on laisse tomber le reste ? Hum... Précisons : mais pourquoi diable est-ce qu’on s’échinerait à revenir sur un skeud entier de Thrash duraille à avaler juste pour une poignée de bons riffs mémorisés ?!
De telles questions se posent-elles au thrasher quand on lui évoque un combo comme
Dark Angel, ce proche cousin stylistique (si ce n'est un très bon élève) de
Slayer ? S’il pense à
We Have Arrived ou
Darkness Descends, il faut croire que non : là,
Dark Angel n’a pas eu pour vocation d’intriguer mais bien de bousculer l’auditeur d’entrée de jeu et de terrasser encore et encore. Par contre, dans le cas de
Leave Scars et surtout du benjamin
Time Does Not Heal, l’intention était différente.
Sur
Time Does Not Heal, les schémas apocalyptiques ou cauchemardesques ont pratiquement disparues. Ici, le batteur
Gene Hoglan est le principal maître à bord depuis l’abandon du navire par
Jim Durkin ; ainsi pour les lyrics et le songwriting, il tient pratiquement toutes les commandes. Grâce au soutien de l’ingé son Terry Date, aide précieuse de
Metal Church et
Pantera notamment, la production n’est plus roots mais en béton armé sans être lisse pour un sou, ce qui permet au groupe d’oser un exercice de style périlleux : aller encore plus loin que l’alambiqué et psychologique
Leave Scars en étalant à outrance des riffs nerveux dans des morceaux à tiroirs s’étendant sur plus d’une heure.
Slogan accolé à l’album : “9 songs, 67 minutes, 246 riffs !” ; que le compte soit bon ou pas, au moins, on n’est pas trompé sur la marchandise. De la remarquable introduction du morceau éponyme jusqu’à la fraîche accélération de “A Subtle Induction”, la traversée risquera d'être aride...
Traversée aride, traversée stérile ?
La difficulté est en effet de ne pas décrocher devant la multitude d’enchaînements, de prime abord écœurante : rafales de riffs syncopés ou incisifs, retours d’insistants mid-tempi (particulièrement pendant “
Act of Contrition”), le tout pour des montées en puissance interminables ; un solo qui tarde à arriver pour donner un minimum d’aération, un accord principal qui au début ne semble guère attrayant (“Psychosexuality“), un départ qui promet faussement une explosion speed avant que le levier de vitesse passe et reste fixé entre la 3ème et la 4ème (“An
Ancient Inherited Shame”), et cetera. En s'y penchant de plus près, constatons que
Dark Angel ne rompt pas totalement avec son passé : çà et là, d’anciens riffs sont bien repris dans leur structure.
Trois guitares, une de trop ? En fait, Eric Meyer et Brett Eriksen, le remplaçant de
Jim Durkin, savent nuancer les accords réitérés et rampants, en posant de temps à autres quelques notes mélodiques ou de véritables soli de tout horizon, mais sans forcément prendre le pas sur la guitare rythmique tenue par l’homme à tout faire Hogan, par ailleurs toujours irréprochable dans l’exécution de ses percussions.
Et Ron Rinehart dans tout ça ? À lui seul, le vocaliste justifie l’approche quasi-progressive de
Time Does Not Heal : légèrement trainante et peu puissante, plus plaintive que de coutume, sa voix transcende les morceaux, interpelle sur les refrains gorgés d’émotions de “
Time Does Not Heal”, du bourratif “The New Priesthood” et “Sensory Deprivation” quand ce ne sont pas des poussées dans les aiguës (le final de “
Pain’s Invention, Madness” ; la séquence précédant le solo multiforme de “
Trauma and
Catharsis”) ou un couplet susurré durant “
Act of Contrition” qui fond froid dans le dos. Une performance vraiment atypique pour un album de Thrash. À travers lui, l’Ange des Ténèbres se met dans la peau d’affligés et de saignés à blanc ; plutôt que de porter l’estocade en deux temps trois mouvements, il étouffe l’auditoire en le poussant à explorer des situations réalistes et délétères, où la peine et les souffrances intimes se conjuguent à la rage, sur fond d’iniquités et d’atrocités aussi vieilles que les sociétés « civilisées ».
Très ambitieux, le
Dark Angel cuvée 1991 n’a pas eu le même succès que ses aînés et reste plutôt destiné aux thrasheurs avertis. Au-delà d’une vague étiquette « Techno-Thrash
Metal », tout de même différent d'un
Coroner ou d'un
Mekong Delta, que certains pourraient lui décerner, notons que le
Power Metal US y fait plus que pointer le bout de son nez, un sous-genre alors en pleine éclosion par le biais de
Exhorder et
Pantera.
Déjà hésitant sur la voie à mener face à un Death
Metal de plus en plus envahissant, le cerveau Hoglan annoncera le split du groupe peu de temps après, suite au départ de Rinehart et ira finalement rejoindre le groupe emblématique de Chuck Schuldiner. Mine de rien, il aura su clôturé intelligemment la carrière d’un groupe jusqu’alors adepte de la forme la plus brute de décoffrage du Thrash.
Metallica a eu son ...
And Justice for All,
Contrition son Persistence Of Time ;
Dark Angel lui a façonné
Time Does Not Heal.
17,5/20
Perso, comme je disais plus haut, j'aime bien, mais faut reconnaître que DA, c'est quand même avant tout Darkness Descends, et Don Doty.
La comparaison avec AJFA de Metallica est assez appropriée, je trouve.
Sur ce "décrié" "Time Does Not Heal" (1991), trois des cinq membres de Dark Angel ont commis trois erreurs fatales qui ont desservi ce quatrième album.
1) Tout d'abord le batteur Gene Hoglan et le nouveau guitariste Brett Eriksen (ex-Viking) ont eu la mauvaise idée de rallonger "artificiellement" leurs morceaux (ils les ont tous quasiment composé tous les deux ensemble, sauf pour quatre d'entre eux sur lesquels Ron Rinehart a participé à l'écriture des paroles).
L'exemple le plus frappant étant le titre "the new priesthood" qui démarre sur les chapeaux de roues, avant de s'essouffler sur sa durée (sept minutes).
2) Au vu de la longueur des morceaux, et le fait de vouloir les voir tous figurer sur le disque, Gene Hoglan a sorti un album de Thrash Metal beaucoup trop long (soixante sept minutes), diminuant ainsi son impact auprès de l'auditeur (Dark Angel c'est du Thrash Metal, pas du Mozart !).
3) Pour terminer Ron Rinehart a changé, et pas en bien, sa manière de chanter.
En effet, par rapport à "Leave Scars" (1989), il a abandonné ses vocaux secs et directs pour un chant plus "mélodique" qui ne convient ni à lui, ni aux titres qu'il interprète !
Bilan : un disque qui au coup de feu du départ démarre bien le marathon avec les très bons "time does not heal" et "pain's invention, madness", pour ensuite perdre son souffle tout en continuant (laborieusement) la course et, à la vue de la ligne d'arrivée, dans un sursaut d'orgueil, termine l'épreuve comme il l'avait entamé avec le très bon (et très court, cinq minutes !) "a subtle induction".
Comme quoi, une compétition ça se prépare sérieusement.
Hier en commandant le 3e effort de Dark Angel, j ai grenouillé sur ce dernier....quite à avoir les 2 et 3 albums pour avoir le dernier.
Si la chronique decrit les imperfections de l album, ca à l air d etre tout de meme tres bon. Donc commandé!
Les 2 ecoutes entre hier et aujourd hui me font pencher vers une preference de ce dernier comparé à son predecesseur. Avis momentané!
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