Je n’ai pas la science infuse. Loin s’en faut. J’ai (presque) des goûts vestimentaires de chiotte. Je cuisine (presque) comme un apprenti de chez Mc Do. Je casse (presque) tout ce que je bricole. Bref, je ne sais (absolument) rien faire. Et pourtant, je suis persuadé d’avoir toujours raison.
Vous vous dites surement que je suis dérangé. Menteurs, vous êtes (presque) tous comme moi.
Les musiciens sont faits du même bois. Ils se chauffent donc de la même manière, à grand renfort de « j’ai raison ».
Hélas, hélas, hélas. Trois fois hélas.
Hélas – oups quatre-, il arrive toujours un moment où la réalité nous rattrape et où le moment est venu de se dire « je me suis trompé ».
Voilà en substance l’état d’esprit qui règne au sein d’
UFO en ce milieu d’année
1980.
Le groupe est alors dans sa période la plus déjantée.
Champion du monde ! La vie en tournée se résume à boire et absorber toutes les drogues i(ni)maginables et surtout disponibles. A l’instar de nos gaulois préférés dans les aventures d’Astérix,
UFO n’a peur que d’une chose à l’époque : que les bars soient fermés.
Quelques mois plus tôt, courant 1979, le groupe a dû encaisser la perte d’un guitariste du calibre de Michael Schenker.
Pas simple. Le gallois Paul Chapman (ex-
Lone Star), surnommé "Tonka", en référence aux jouets indestructibles de cette marque, pour sa capacité à être toujours en mesure d’assurer le boulot sur scène quoi qu’il ait pu ingurgiter auparavant, entre en piste.
Pourtant, les fans font la moue. L’album de son arrivée, «
No Place to Run », a entraîné
UFO dans une mauvaise direction. La faute pour beaucoup à la production jugée trop "propre" de George Martin et à un disque exagérément éloigné des racines originelles.
« Nous nous sommes trompés » confesse le groupe. C’est bien les gars, vous allez voir, ça soulage.
Fini donc les enregistrements « vacances » sur une île déserte des caraïbes comme pour l’opus précédent, retour au berceau du rock, à Londres, dans les studios AIR, en partie propriété de leur label Chrisalis.
Plus pragmatique, Way concèdera que le choix du studio n’était peut être pas tant un choix artistique que financier, l’objectif étant avant tout de réduire les couts. En outre, après deux années passées à vivre à L.A., les visas ne sont pas reconduits. Autrement dit, le retour en Angleterre est obligatoire.
Comme si cela ne suffisait pas, l’ovni perd une autre durite lorsque Paul Raymond décide de quitter
UFO après la tournée soutenant «
No Place to Run », et d’aller alunir quelques mois plus tard sur la planète
MSG. Traitre. Neil Carter, fortement suggéré à Mogg par Phil Collen, le remplace. Le talent du bonhomme n’est plus à vanter. Néanmoins, sa participation effective à cet opus se résume en réalité à quelques backing vocals et à un peu de saxophone. Les claviers seraient l’œuvre de John Sloman, lequel a bossé quelques semaines avec le groupe avant de refuser leur proposition de devenir un membre permanent, mais chut ne le répétez pas, le différent n’a jamais été vraiment résolu entre Mogg et lui. Pauvre Carter qui devra faire face aux nombreux bizutages que ne manqueront pas de lui imposer les boys tout au long de la tournée aux States qui suivra la sortie de l’opus. Welcome on (tableau de) bo(a)rd Neil !
Bref, il est temps de relancer le moteur de la soucoupe et de muscler son jeu. Et pour ce neuvième album, cela va s’entendre...
Déjà, le groupe remplit toujours les salles dans son pays, comme en atteste une tournée sold out en octobre
1980. La confiance renaît.
Janvier 1981. Le disque sort.
Dire d’Ufo que le groupe est passé maître dans l’art de bâtir ses chansons sur de superbes riffs n’a rien de bien novateur. Il convient quand même de le rappeler encore et encore tant cet élément est essentiel dans la savoureuse recette sucrée-salée parfaitement délivrée ici ("Chains chains", "Makin’ moves", «"Couldn’t get it right", le morceau le moins marquant du skeud sans être mauvais, loin de là, pour autant). Je me permets de sortir du lot "Long Gone". Ses superbes mélodies vocales, ses alternances je-calme-le-jeu-je-m’emballe propulsées par les lignes de guitare, son refrain enchanteur, son solo royal, et enfin ses quelques cordes très bien arrangées en fin de titre en font, à mon goût, un tube intemporel. Ni plus ni moins
Autre signe de cette confiance retrouvée, un "It’s Killing me" que n’aurait pas renié un certain Phil Lynott du temps de la splendeur de
Thin Lizzy. Une mélodie envoutante, soutenue par la basse claquante de Way et annonciatrice d’un refrain magnifique, ce dernier point étant une constante sur ce disque.
L’éponyme "The wild, the willing, and the innocent" et son refrain aux « ahahah ahahahaaaaa », notez bien la différence avec les lo-lo-lo-lo-lo-lo(n’ly heart) de celui du plus pop mais néanmoins épatant "
Lonely Heart", traduit bien également cette volonté du groupe de faire du neuf avec du vieux. Quel groove ! Avec un tel titre, on pense d’emblée au célèbre western de Léone, « The good, the Bad and the Ugly » (1966). C’est pourtant du côté de Springsteen qu’il faut aller chercher l’inspiration du groupe. De Phil Mogg plus exactement. Grand fan du
Boss, il décide ainsi de rendre un hommage appuyé au « The wild, the Innocent and the E Street Shuffle » (1973), album incontournable du chanteur américain. Mogg a même hésité à intituler le disque « Jungleland » en référence au titre présent sur un autre incontournable de Bruce, le mythique «
Born to Run ». Tout comme pour celles de Springsteen, les paroles sont ici teintées d’une forte coloration sociale.
Enfin, "Profession of Violence" renoue avec la brillance d’une ballade telle que "Love to love" (1977. Cette chanson offre un long solo qui illumine la fin du titre et qui ressemble fort à un clin d’œil (narquois ?) à Schenker. Un titre qui, pour l’anecdote, sortira sous le titre amputé "Profession of " sur la pochette US - quand on connait la propension à la violence des ricains, quelle hypocrisie…
En chipotant, on peut toujours dire que sa place aurait été plus appropriée en milieu qu’en clôture d’album, histoire de finir sur une note énergique. Energizing, voilà bien l’adjectif qui me semble qualifier au mieux ce TWTWTI – oui le monde du métal aime bien les acronymes -.
Quel pied ! Mogg est tout bonnement royal et les autres membres du groupe sont à l’unisson. La basse de Way claque comme rarement et Chapman prouve que sa place au sein du groupe est tout sauf usurpée. A ce sujet, je sais que les puristes n’apprécient guère que l’on touche aux œuvres originales, et je suis souvent de cet avis, mais force est de constater que le remastering est remarquable – la seconde gratte à gauche, les claviers à droite, et Chapman plein centre, un parfait équilibre -.
Avec cet album, Ufol’dire, les boys prouvent que le hard rock britannique peut encore compter sur eux. 8 titres. 8 brulots. Rien à jeter. Tout pour faire un énorme carton. Avec même un léger parfum de scandale autour de la pochette créée par Hipgnosis qui fera sa petite controverse : un homme qui s’en prend par derrière – on se calme amis lecteurs - à une femme nue avec une sorte de chalumeau.
L’opus reçoit tout naturellement de forts bonnes critiques dans la presse mais se vend assez peu (77 aux US, 19 au UK). C’est que la concurrence est très sérieuse en cette année 1981 : «
Killers », « Diary of a Madman » ou encore «
Mob Rules » pour ne citer qu’eux.
Pas une raison pour passer à côté aujourd’hui.
Bref, pour tous ceux, nombreux, ce que je ne comprendrai jamais – le pire étant que j’accepte quand même de les côtoyer, probablement ma trop bonne éducation -, qui n’apprécient guère Schenker, voilà une bonne occasion de découvrir le
UFO période Chapman, un
UFO trop largement sous estimé.
Tu étais prévenu pourtant hé hé.
Vraiment content que l'album te plaise. Je n'en doutais pas à vrai dire tellement il est excellent mais comme j'avais pas de nouvelle tu m'as mis le doute. Il s'agit vraiment pour moi du meilleur album de la période Chapman, de loin. Pour autant, les 2 suivants sont quand même très bons et méritent d'être découverts. J'aurai bien prochainement l'occasion de venir faire quelques travaux chez toi et de t'amener un petit cadeau pour me faire pardonner d'éventuels problèmes de bricolage...
Un très bel album de la période Paul Chapman, et qui plus est s'en sort avec les honneurs. Étant un grand fan de Schenker devant l'éternel, je n'aurais jamais pensé que UFO après son départ nous sorte des albums de cette envergure.
Merci pour cette excellente chronique!
J'avais "épeluché" cette chronique afin de savoir jusqu ou aller dans la disco d'UFO...la chronique particulierement bien argumentée m avait encouragé à chercher ce dernier album.
Trouvé à Lectoure ...ecouté 3~4 fois depuis, je trouve 1 UFO en grande forme conformement a la chronique.
UFO est 1 merveilleux groupe qui procure 1 certaine joie à son ecoute.
Definitivement conquis.
Quel chance tu as mechant (garnement) de découvrir ce disque en 2020, ça doit être le panard!
Lorsque il m'arrive, souvent grace à des membres de SOM d'ailleurs, de découvrir des pépites des eighties que j'ignorais, je suis comme un fou. La liste est bien trop longue pour l'étaler ici. Mais c'est l'occasion de remercier sincèrement SOM et l'ensemble de ses membres pour leurs apports respectifs au développement de ma culture musicale d'un genre inépuisable, le métal.
LONG LIVE METAL (et SOM) en cette putain de période de merde.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire