« J’en ai assez des formules préconçues faites uniquement pour un succès commercial rapide »
Andre Matos – 2008
Le parcours chaotique de l’homme est connu de tous, mais son développement porte, avec le temps, de plus en plus à confusion. Il apparait comme une évidence qu’il fut l’un des moteurs essentiels des splits qui engendra ses différents groupes, et qu’il ne fut probablement pas la victime qu’il a bien voulu décrire pendant un certain temps.
Néanmoins, après les expériences très créatives et immenses que le vocaliste prodige nous apporta avec
Angra puis
Shaman, il est évident qu’il peine sérieusement à trouver un second souffle dans sa carrière solo, qu’il a déclaré faire pour se libérer des carcans et des principes musicaux qu’on lui connaissait. Pourquoi, dès lors, "
Time to Be Free", mais surtout "
Mentalize", furent marqués par un manque évident de personnalité, d’ambition et d’originalité ? Pourquoi ces formules, qu’ils critiquent lui-même, parsèment-elles à ce point ces albums qui, clairement, ne marqueront jamais personne avec un passif aussi magistral que l’est "Angels
Cry", "Holy
Land", "
Ritual" ou "
Reason".
Certes, le split d’
Angra marqua, et la nouvelle séparation qui fut annoncé au cours de l’été démontre bien que les tensions sont également liées à l’entité
Angra, mais comment se fait-il que tous les amis du chanteur se détournent de lui les uns après les autres ?
Il paraissait impossible que son bassiste de toujours, Luis Mariutti, à ses côtés depuis les débuts d’
Angra, puisse un jour s’éloigner de Matos. Et pourtant, si son frère guitariste
Hugo fait toujours partie du line up, Luis n’est plus là lorsqu’Andre présente son troisième album solo, "
The Turn of the Lights". Le batteur surdoué
Eloy Casagrande a également rejoint
Sepultura depuis "
Mentalize", et c’est de nouveau amputé de sa force vive que le chanteur aura dû agir.
Il ne va pas sans dire que les fans n’attendent plus grand-chose de lui, entre ses déceptions en solo, le semi-ratage de
Symfonia avec
Timo Tolkki et Uli Kusch, pendant qu’Edu Falashi, lui, semble se créer une très forte personnalité avec son groupe solo
Almah.
A l’écoute de "The Turn of Lights", c’est à un artiste fatigué et emprunté auquel nous avons affaire. Épuisé par les combats, atteint par la lassitude et passant littéralement à côté de son sujet, la copie est bien pale lorsque l’on porte un nom si glorieux. Comment est-il possible, avec une voix si merveilleuse, de proposer des lignes vocales aussi fades et, disons-le, mal chantées, que sur le morceau d’ouverture "Liberty" ?
Un heavy metal de bas étage, de troisième zone, indigne d’un tel homme, joué sans envie et interprété dans une indifférence générale. Incapable de passer la seconde en ce qui concerne la vitesse d’exécution, même sur les tempos qui se voudraient speed, il est presque incompréhensible qu’un album aussi peu travaillé et dénué autant d’âme ait pu voir le jour sur le marché du disque à l’heure où l’industrie est plus que jamais en crise.
Rien ne ressort d’un album complètement homogène, sans reliefs ni temps forts, tellement fade qu’il s’inscrit rapidement en noir et blanc. Le manque d’imagination en est la cause première, mais Andre lui-même ne parait jamais croire en ses mots, en ses riffs. Si le manque de promotion est un autre facteur étrange qui donne une nouvelle fois à douter de l’implication de l’artiste dans sa création, l’auditeur ne peut que rester pantois face à cet album. Le morceau éponyme, par exemple, est simplement joli, avec un break sympathique et une belle prestation du nouveau batteur Rodrigo Silverira concernant les percussions, mais comment décrire ce solo ? Indigne, une fois de plus, de ce qu’on est en droit de s’attendre d’un groupe de ce calibre…
Oui, Andre essaie de retrouver la fibre d’antan pour composer des compositions speed en diable et incroyable de jouissance, d’idées et de vibrations positives, mais lorsque l’on entend "Unreplaceable", la pilule est vraiment difficile à avaler. Un riff médiocre au possible, des claviers cheap au possible, un chanteur en roue libre éprouvant des difficultés visibles à monter comme il le souhaite (alors que
Symfonia ou les concerts d’
Avantasia ont prouvé, dans ce domaine, qu’il n’avait rien perdu de ses capacités techniques) et surtout, un morceau qui retombe sur lui-même dès le premier refrain. "
Oversoul" est exactement du même acabit, d’une mollesse véritablement affligeante dans sa forme malgré un riff certes speed mais un manque d’épaisseur et une rythmique ne suivant pas du tout le reste. A cela s’ajoute une mélodie vocale complètement copiée sur le Violence de l’opus précédent et l’inutilité de la chose en devient dégradante.
Paradoxalement, c’est presque sur les ballades que le brésilien s’en tire le mieux, particulièrement sur la sublime "
Gaza" qui retrouve une « vibe » chaude et intègre, rappelant l’époque glorieuse et innocente de "
Fireworks". "Sometimes", à la sensibilité exacerbée et au piano tout autant magnifique, clôt également l’album sur une note de poésie salvatrice, parfaitement maitrisée et jamais niaise ou larmoyante.
La sensation de gâchis est évidemment immense à l’écoute de "The Turn of Lights", le meilleur étant désormais définitivement derrière le vocaliste qui, fut un an, s’imposait comme l’un des plus grands compositeurs de son époque. Mais, fatigué des combats psychologiques qu’il a dû mener, peut-être même lassé par un business impitoyable lui ayant causé beaucoup de pertes d’amitiés, Andre ne semble plus apte à affronter son destin. "
Mentalize" pouvait, même si cela semblait peu probable, s’apparenter à une faute de parcours. Malheureusement, ce troisième album en solo vient clore nos espoirs de retrouver l’immense artiste qui, il y a encore peu, sortait un "
Reason" visionnaire et en marge de tous ce que la scène heavy metal avait à nous offrir. Si près, et pourtant si loin de nous, cet Andre a semble-t-il bel et bien disparu…et son amour pour la grande musique avec.
Bonne chronique cela dit :)
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