Après une traversée du désert de pas moins de cinq longues années depuis son sculptural et flamboyant premier album longue durée « Chaos », et six suite à son introductive et discrète démo « Maqueta », le combo espagnol originaire de Mérida revient en force. Et ce, avec, dans ses cartons, une seconde galette généreuse de ses 10 pistes égrainées sur 55 minutes d'un spectacle émoustillant, fort en contrastes, chargé en émotions et laissant entrevoir quelques nouvelles sonorités.
Evoluant dans un metal mélodico-symphonique progressif influencé par
Diabulus In Musica,
Within Temptation,
Xandria,
Delain, Beto Vazquez
Infinity, nos acolytes y ont inséré des touches gothiques, aujourd'hui plus marquées qu'hier, à l'instar d'
Autumn et de
The Fall Of Eve. Une évolution stylistique qui a pour corollaire davantage de variations atmosphériques et rythmiques et reposant, là encore, sur une solide qualité de production, à commencer par des enchaînements, des finitions et un mixage passés au peigne fin. On comprend que le projet a bénéficié d'améliorations logistiques et d'un mastering plus affûté, témoignant de la maturité du projet. Le combo espagnol aurait donc, d'ores et déjà, mis les petits plats dans les grands...
Créé en 2008, et suite à quelques changements de line-up, le collectif ibérique se réduit désormais à un trio dont deux membres originels (Samuel Muñoz (producteur, fondateur, compositeur, guitariste et choriste) et Cristina Mendoza (mezzo-soprano au timbre gracile et évolutif, dans la veine de ceux de Marjan Welman (
Autumn, Vetrar
Draugurinn) et Laura Tracey (
The Fall Of Eve), avec un soupçon de Simone Simons (
Epica)) auxquels s'est adjoint le claviériste Victor Fonseca. De cette étroite collaboration émanent des lignes mélodiques aussi prégnantes qu'exigeantes, calées sur des séries d'accords travaillées en profondeur, voire inexplorées pour certaines d'entre elles. Sans omettre la finesse du jeu d'écriture dont se dotent les paroles et la mûre technicité instrumentale et vocale dont se pare la rondelle. Aussi, la troupe espagnole pourrait-elle déjà caresser l'espoir de s'imposer parmi les valeurs montantes d'un registre metal ô combien concurrentiel ?
Ce seraient les passages les plus cadencés, loin d'être rares, les pépites de l'opus. Ainsi, le tubesque « Alone » octroyant un cheminement harmonique quasi imparable enchantera l'aficionado du genre. Doublé d'une habile technicité guitaristique et synthétique, que pourraient bien lui envier
Diabulus In Musica ou
Delain, cet efficace méfait est enjolivé par les caressantes patines de la maîtresse de cérémonie. Coup de maître, donc. Pour sa part, le frondeur « Grim Reality », dans la veine de Beto Vazquez
Infinity, distille une intarissable énergie, son lot de blasts et d'effets de surprise. Impactant par son solo de guitare, ses rampes véloces aux claviers et son refrain irisé, il se frayera sans mal un passage dans nos pavillons alanguis pour s'enquérir de nos âmes. Dans la mouvance d'
Autumn, le vitaminé « Chase Your Dreams » distribue ses coups de boutoir tout en sauvegardant une ligne mélodique finement ciselée et réservant de belles montées dans les aigus du fait de la sirène.
Mais d'autres pistes, certes moins radiophoniques mais non moins prégnantes, sont également inscrites au programme. Dans le sillage d'un
Delain à l'heure de « Moonbathers », avec une touche de
The Fall Of Eve à l'image de l'EP « Calls from the
Horizon », les up tempi « Crazy Mind » et « The
Tree of Wishes » disséminent de saisissants couplets et de gracieux refrains entonnés avec justesse et non sans âme par la déesse, à la manière de Laura Tracey (
The Fall Of Eve). Doublé d'un frissonnant solo de guitare signé Samuel, doté d'intarissables rampes synthétiques nightwishiennes et de gimmicks galopants, le premier et vibrant effort ne ratera pas sa cible ; le second, de par ses hispanisants arpèges à la guitare acoustique et les sensibles et cristallines modulations de la frontwoman, ne se révèle pas moins chargé en émotions.
Quand le combo s'adonne à des compositions à la vélocité contenue, il ne se montre pas maladroit, loin s'en faut. D'une part, vêtu d'un riffing lipidique, dans le sillage d'
Amberian Dawn (seconde mouture), le mid tempo «
Fight » aspire le tympan tant par ses graduelles tonalités, finalisées par d'insoupçonnées explosions, que par les jeux d'ombre et de lumière octroyés par un duel au sommet entre guitare et claviers. D'autre part, mid tempo syncopé, non sans évoquer
Kingfisher Sky (dans la veine de « Hallway of Dreams »), l'original «
Countdown » envoûte tant par ses gammes hispanisantes à la guitare acoustique que par de grisants couplets relayés par des refrains immersifs à souhait. Sous-tendu par un chapelet d'harmoniques peu convenues mais interpellantes et doté d'une bonne dose d'inspiration de la part de l'interprète, difficile d'échapper à son emprise.
Sinon, nos compères nous invitent à explorer les arcanes de pièces sculpturales et techniquement complexes, à l'image de deux fresques placées aux antipodes de la tracklist. Ainsi, sur d'enveloppantes nappes synthétiques et un progressif tapping, l'imposant et altier « The Four Truths » démarre les hostilités, dans une atmosphère énigmatique et pénétrante, proche de celle d'
Autumn à l'aune de « Altitude ». Malgré quelques linéarités mélodiques, les 7 minutes de la fresque se suivent sans sourciller, et d'autant plus aisément qu'elles reposent sur de fines variations rythmiques mises en habits de lumière par les claires et enivrantes inflexions de la belle, dans l'ombre de Marjan Welman. Forte en contrastes atmosphériques et rythmiques, l'outro symphonico-progressive aux accents ibériques «
Winter Storm », quant à elle, distille près de 8 minutes d'une pièce en actes où abondent les changements de tonalité. On appréciera la célérité du guitariste soliste, dans le sillage d'un
Lanvall (
Edenbridge), interrompant à peine un imperturbable convoi orchestral, ce dernier gagnant en puissance et en magnificence au fur et à mesure de son avancée.
S'il ne les a pas oubliés, et s'ils recèlent quelques portées bien amenées et une sensibilité à fleur de peau, ce n'est pas sur les mots bleus que le groupe a le plus largement placé ses espoirs de séduction. En effet, une seule pour nous servir, pas une de plus... Ainsi, de doux arpèges au piano se mêlent à un duo mixte en voix claires sur « Por Primera Vez », tendre ballade a-rythmique à la fine esthétique mélodique. Sans jamais décoller ni flirter avec d'évidentes harmoniques, par le seul truchement de ses nuances atmosphériques, cette offrande n'en reste pas moins touchante.
Déjà remarqué par son grisant « Chaos », le combo s'est laissé le temps d'accoucher d'un second et non moins impactant message musical ; ce qui s'en ressent sur la totalité de l'opus, eu égard à un enregistrement et à une ingénierie du son difficiles à prendre en défaut. Diversifié tant dans ses atmosphères et ses jeux rythmiques qu'au regard de ses exercices de style, techniquement plus éprouvé et mélodiquement impactant, avec un soupçon d'originalité, le grassouillet propos révèle une inaltérable inspiration de ses auteurs. De plus, recourant rarement au chant lyrique, trop souvent usité par ses consoeurs, la belle parvient cependant à nous retenir et même à laisser perler une émotion sur nos joues.
C'est dire que l'amateur des sources d'influence du trio ibérique se fera fort de ne pas éluder cette formation à l'identité artistique déjà affirmée et qui en a sous le pied. Bref, un album différent et un poil moins prégnant que son prédécesseur, mais qui devrait incontestablement propulser la troupe au rang de valeur montante de la scène metal symphonique gothique internationale actuelle. On attend désormais, avec une impatience à peine dissimulée, son troisième manifeste pour confirmation de son potentiel...
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