Il aura fallu attendre six longues années avant de voir revenir dans la course le combo metal mélodique gothique espagnol, suite à « Realscapes », premier et encourageant album full length inspiré par les vibes de
Lacuna Coil, All About Eve,
Evanescence ou encore
Dream Theater. Dans cette mouvance, les Ibères originaires de Vigo remettent le couvert avec une seconde livraison de même acabit, offrant ainsi près d'une heure d'un ruban auditif à la fois vivifiant, chatoyant, surprenant et évanescent sur lequel se succèdent pas moins de 10 titres aux compositions plus expertes, ayant alors bénéficié d'un supplément de maturité. Suite à de nombreuses prestations sur la scène metal locale et après l'incorporation dans ses rangs du guitariste Fran Alvarez, le sextet se relance donc, avec le désir d'en découdre plus sérieusement, cette fois, à l'aune de cette roborative galette, transpirant d'un minutieux travail en studio, n'ayant laissé filtrer que peu de notes parasites. Une qualité d'enregistrement élevée d'un cran, un mixage devenu plus équilibré, des finitions au rendez-vous de nos attentes et des enchaînements inter et intra pistes affinés permettent de rendre compte du degré d'exigence du groupe avec lui-même et de ses prérogatives à l'égard de son auditorat. Autant de raisons qui nous motivent à aller introduire le cd dans le boitier de la platine pour tenter de déceler la substantifique moelle de l'introspectif « The Reasonable Choice of
Insanity »...
Dans cette livraison, le combo a opté pour un schéma vocal du type « la belle et la bête » quasi systématiquement, bien plus que par le passé, et pour une massive présence de titres en mid tempo, avec quelques belles réussites à la clé.
On entre dans le vif du sujet avec « We Are a Lie (All
That Is False, Pt. 1) », vrombissante piste mid tempo d'obédience metal dark gothique mélodique aux riffs acérés, à la rythmique offensive et où les fûts n'ont de cesse d'être martyrisés, et ce, suivant un tracé mélodique plutôt agréable. Ce faisant, on est invité à des échanges oratoires musclés entre la belle, toujours incarnée par Laura Comesana, aux aériennes et puissantes volutes, proches de Julianne Regan (All About Eve), et un bestial et offensif growler, habité par Xan Muniz. De stimulants couplets alternent avec de fondants refrains sur la longueur de la fringante plage. De même, une plombante rythmique accolée à un riffing grinçant nous attire sur le mid tempo «
Reborn in the Fog (In Grave Alive, Pt. 1) », voluptueuse piste mélodique gothique et progressive où les impulsions de la belle gagnent en puissance et en allonge dans les notes médianes. Non sans rappeler Amy Lee (
Evanescence), elle ondoie sous le joug de suaves et sensibles envolées, que suivent à la trace un enjoué piano et un lugubre growler en tapinois. Poignant instant où de cycliques gimmicks du lead guitariste en clean cohabitent avec un tapping battant le pavé. Calés sur une couverture synthétique s'élevant peu à peu, les instrumentistes témoignent d'une progressivité ajustée, finissant l'acte crescendo. Dans une même mouvance, le vrombissant «
Requiem (In
Memoriam, Pt. 2) », entraînant morceau aux riffs épais et à la rythmique resserrée, d'inspiration mélodique gothique à la touche dark, dissémine une lumière mélodique un poil plus blaffarde mais aux fines nuances. Parfois, on tendrait à se noyer dans d'engloutissants tourbillons harmoniques, mais on est assez rapidement repris en main par la maîtresse de cérémonie qui, par ses chaudes vibes, nous retient à sa manière. Malgré les coups de serpe de son acolyte de growler, on ne frise pas la déroute, même si de complexes frasques technicistes ne manquent pas à l'appel. Bref, quelques belles pièces que l'on parcourt avec entrain et dont on prend plaisir à y revenir pour en saisir toutes les subtilités qu'une simple écoute n'aurait pas permis de déceler. Et ces plages sont loin d'en manquer...
Toutefois, dans cet exercice, d'autres pistes ont connu un destin moins enjôleur, voire plus mitigé, et pour certaines d'entre elles, de nombreuses irrégularités ont empêché le magnétisme auditif de s'opérer. Ainsi, de délectables arpèges au piano nous immergent dans l'univers tourmenté de «
Red Dusk Over a
Fire and Tears Sea (The
Rage Breed, Pt. 1) », mid tempo gothique mélodique aux riffs lipidiques et à la rythmique enjouée. Des changements de tonalité et quelques variations bien senties apportent une dynamique particulière à un titre où cohabitent une déesse aux médiums effilés et déchirants et son comparse de growler. Si l'entrée dans les couplets s'effectue prestement, le découpage avec les refrains, en revanche, manque de transparence et les enchainement peinent à se montrer fluides. Aussi une perte des repères peut affecter l'auditeur et le pousser à la désaffection partielle. Dans cette veine rythmique, on inclura « Blue
Dawn of Overwhelming Helplessness (The
Rage Breed, Pt. 2) », offensif titre metal mélodique, où les riffs lacèrent le tympan, étreignant une rythmique martiale et un poil syncopée. Le frondeur duo vocal se fraie un passage au cœur d'une dense forêt instrumentale crépitant sous les flammes qui l'assaillent, se montrant agréable à défaut de nous embarquer plus que de raison. Ce faisant, si les refrains renferment quelques jolies nuances mélodiques aptes à interpeler le chaland, sous le joug des patines larmoyantes de la déesse, ils ne parviennent guère à encenser le pavillon, au final. Et que dire du frondeur « Threat (
Human's
Inside, Pt. 5) », plage d'inspiration mélodique gothique aux relents dark ? Celle-ci nous embarque dans d'insécurisants chemins de traverses, arc-boutée sur un tracé mélodique assez linéaire, sans réels effets de relief. Les efforts consentis tant par la sirène que par le caverneux growler pour nous rallier à leur cause n'y changeront rien. On s'enlise irrémédiablement dans les sables mouvants d'une piste inutilement techniciste, aux accords imprécis et aux harmoniques peu ragoûtantes, qu'on quittera sans regrets.
Mais le groupe nous réserve d'autres moments plus aptes à faire transpirer nos émotions. Il a alors opté pour des voies alternatives à sa propre ligne de conduite. D'une part, l'entraînant « Opportunity (
Human's
Inside Pt. 4) » d'inspiration rock mélodique, laisse la sirène évoluer avec grâce et légèreté sur l'ensemble d'une pièce aux riffs corrosifs et à la frappe souple. On découvre alors de sculpturaux couplets et des refrains plutôt engageants, dans la veine de All About Eve, enjolivés par le flux ininterrompu des inflexions de la douce, son acolyte demeurant, cette fois, en arrière-fond de l'espace oratoire. Un moment volé que l'on se plait assurément à se repasser. D'autre part, sur une rythmique syncopée, une lueur nous parvient à l'abord de « Clarity (In Grave Alive, Pt. 2) », plage mélodique gothique aux relents doom et aux insoupçonnées variations, où agréables couplets et séduisants refrains, dans la lignée d'
Autumn, se succèdent sans encombres. Quelques growls à la volée s'invitent à la danse mais n'entravent pas la route bien tracée par les claires impulsions délicatement éraillées de sa comparse, et ce, sur une ligne mélodique bien sculptée mais n'ayant nullement cédé à une quelconque mièvrerie, loin s'en faut.
Comme sur son précédent, le collectif ibérique nous a concocté une ample pièce aux insoupçonnés rebondissements, domaine dans lequel il parvient à ses fins, aimantant le tympan de bout en bout. C'est alors que de soyeuses nappes synthétiques introduisent avec les honneurs «
Dark Light (All
That Is False, Pt. 2) », enivrante fresque metal mélodique gothique progressive à la saisissante rythmique syncopée distillée sur les couplets, non sans renvoyer à un
Lacuna Coil de la première heure. Sur le sempiternel schéma de la belle et la bête, les jeux de correspondances vocales convainquent tant par le pénétrant effet de clair/obscur octroyé que par la justesse et la symbiose affichées par chaque interprète. Par ailleurs, un sémillant pont technico-mélodique incorpore en les amalgamant avec inspiration organes synthétiques, éléments guitaristiques et rythmiques dans une tourmente propice à la totale captation de nos sens, dans le sillage de
Dream Theater. Une diluvienne reprise sur le refrain relaie ce frissonnant instant, sans y perdre en nuances mélodiques, même si quelques répétitions sont également au programme. On appréciera le dégradé de l'intensité sonore en bout de parcours, signe d'un souci accolé aux finitions.
De même, la troupe nous convie à d'impondérables moments intimistes, avec une touche hispanisante en prime et qui en fonde tout le substrat. Tout en douceur s'installe donc «
Last Rites (In
Memoriam, Pt. 1) », délicate et inattendue ballade progressive se déployant pour le plus pur plaisir de nos sens. Les effets d'échos entre vocalistes intriguent mais n'empêchent aucunement de se faire happer par le charisme interprétatoire d'ensemble et de succomber à la volupté de l'instant posé. Evanescent, ce morceau un tantinet feutré n'omet pas de témoigner d'un léger embrasement, avec de beaux arpèges au piano en substance. Evoluant au gré d'une judicieuse agrégation des éléments pour parvenir à octroyer quelques moments d'emphase orchestrale, à l'unisson avec les parties vocales, l'acte finit en apothéose.
Résultat des courses : on est face à une œuvre qui s'est techniquement étoffée et logistiquement affutée avec le temps, reprenant quelques recettes harmoniques de la première offrande, toutefois non restituées à l'identique, voire avec un petit supplément d'âme, in fine. Si l'on peut regretter le recours systématique à un schéma vocal indifférencié, il s'est enclenché de manière convaincante, offrant de saisissants effets de contrastes et renfermant de subtiles échanges en substance. Ce faisant, certaines pièces attirent irrémédiablement le pavillon, mais les irrégularités mélodiques contenues dans d'autres portées tendent à niveler, si ce n'est à affadir quelque peu le propos. Bref, un skeud qui, au fil de plusieurs écoutes, finit par se dompter et toucher nos âmes. Aussi, il pourra retenir l'attention des amateurs de metal mélodique gothique à chant féminin déjà infiltrés par ses sources d'influence, à condition de ne pas céder à l'irrépressible tentation de la comparaison. Mais, pour que l'adhésion soit plus efficiente, le combo se fera fort de peaufiner encore ses arpèges, d'accoler quelques marques d'originalité à son message musical et d'ouvrir le champ des possibles bien au-delà de ses frontières. En attendant la petite étincelle qui éveillera en nous de plus immédiats et authentiques plaisirs, on embarque volontiers à bord de la caravelle pour une agréable traversée en eaux profondes et mystérieuses...
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