Nous ayant déjà interpellés à la lumière de son sémillant premier album studio, «
The Sign of Faith », le quintet ukrainien revient dans les rangs trois ans plus tard, à l'aune d'un second effort de même acabit, répondant au nom de «
The Realms of Fire and Death » ; auto-production où 10 pistes se dispatchent sur une bande auditive de 42 minutes. A l'aune de son deuxième élan, le combo est-européen pourra-t-il réitérer l'exploit de son introductif opus, celui de nous aspirer dans la tourmente au point de nous pousser à remettre le couvert sitôt l'ultime mesure de la rondelle envolée ? Ce nouvel arrivage serait-il alors dans la stricte continuité stylistique de son aîné ? Ne constituerait-il pas une alternative qui, précisément, lui conférerait son caractère propre ? Peut-être une heureuse combinaison de ces deux orientations ? Exploration...
Né sur les cendres de Parallax, le combo alors renommé
Ignea en 2015, poursuit son chemin sous l'impulsion communément partagée de ses membres originels, à savoir : Helle Bogdanova, en qualité de frontwoman (chant clair et growls) ; Alexander Kamyshin, à la basse ; Evgeny Zhytnyuk, aux claviers ; Ivan Kholmohorov, à la batterie ; Maxim Khmelevsky se voyant, quant à lui, remplacé par Dmitry Vinnichenko, aux guitares. De cette collaboration de longue date émane un propos metal symphonique progressif à la chatoyante coloration orientalisante et empreint d'une touche de modernité et d'effluves death gothique, dans la veine coalisée d'
Epica,
Orphaned Land, Riverwood,
Lacuna Coil,
Tristania et Metalite, soit dans la mouvance atmosphérique du précédent effort.
Concernant son ingénierie du son, la troupe s'est précisément laissé le temps de la parfaire ces trois années durant. A nouveau enregistré, mixé et mastérisé par Max
Morton (guitariste, bassiste et vocaliste expérimenté (
Morton ; guest chez
Bare Infinity,
Inner Missing,
Sanctorium,
Scarleth...) et producteur prolifique (Grimfaith,
Sunrise,
Meden Agan...)), le méfait jouit alors d'une qualité de production d'ensemble de fort bonne facture, à commencer par un mixage équilibrant lignes de chant et instrumentation à parités égales doublé d'un soin particulier apporté aux finitions. Ayant ainsi mis les petits plats dans les grands, que peuvent bien nous réserver nos inspirés acolytes pour leur retour sur le devant de la scène ?
C'est à la lumière de leurs passages les plus enfiévrés que nos compères marquent leurs premiers points, et non des moindres. Ce qu'atteste, d'une part, «
Black Flame » (dont la version originale, ici octroyée, est « Чорне полум'я »), up tempo symphonique gothique aux relents death, dans la veine coalisée de
Lacuna Coil,
Tristania et
Orphaned Land ; aussi tortueuse qu'enivrante, recelant de délicats clapotis synthétiques et agrémentée d'une touche orientalisante, la grisante offrande se fait des plus enveloppantes, et ce, en dépit d'un point techniciste qui ne s'imposait pas.
Plus incisif et obscur, le pulsionnel « Too Late to Be
Born », quant à lui, poussera à un headbang bien senti. Sans relâcher la pression d'un iota, le mordant méfait n'a de cesse de nous lacérer de ses growls coupants comme des lames de rasoir, comme pour mieux nous retenir. Enfin, dans une orientation metal moderne, à la manière de Metalite, et sans y perdre de sa coloration orientale, l'éruptif «
Jinnslammer » déploie un entêtant refrain encensé par les poignantes volutes de la frontwoman tout en voguant sur d'ondoyantes nappes synthétiques.
Quand la cadence du convoi orchestral se fait un poil plus mesurée, le combo trouve à nouveau les clés pour happer le pavillon du chaland. Ainsi, on ne mettra qu'une poignée de secondes pour se voir aspiré par les vibes enchanteresses exhalant des entrailles de «
Queen Dies ». Aussi, effeuille-t-on un ''lacunacoilesque'' mid tempo aux riffs crochetés, glissant le long d'une radieuse rivière mélodique, sur laquelle se calent les fluides inflexions comme les growls glaçants de la sirène ; une manière habile de cultiver les effets de contraste oratoire. Dans cette mouvance s'inscrit également «
Out of My
Head » ; un félin mid tempo aux riffs acérés, aux ondoyants gimmicks guitaristiques, recelant un vibrant solo au synthé à mi-morceau et là encore mis à l'honneur par le large spectre vocal de la déesse. Un tantinet plus incisif, « Gods of
Fire », pour sa part, se pose tel un mid tempo dark gothique aux riffs tranchants, à la confluence de
Tristania et de
Draconian, dont les couplets empreints de noirceur se voient relayés chacun d'un refrain bien plus lumineux. Et la magie opère, une fois encore. Enfin, c'est dans une atmosphère digne d'un conte des Mille et une Nuits que nous plonge le mid tempo progressif «
Disenchantment » ; aussi romantique que tumultueux, ce truculent méfait se jouera sans mal de toute tentative de résistance à son assimilation.
Plus en retenue encore, d'autres espaces d'expression pourront non moins nous retenir, un peu malgré nous. Ce qu'illustre, en premier lieu, « Í Tokuni », titre folk issu de l'album « Slør », œuvre d' Eivør, chanteuse pop-folk-jazz originaire des Iles Féroé, ici adapté et arrangé aux fins d'une version ''metallisée''. Si les claires impulsions de la princesse se greffent sur celles d' Eivør, des growls en tapinois et bien amenés s'invitent également à la danse ; les rampes synthétiques originelles se voient, elles, troquées par des riffs de guitare épais et des roulements de tambour bien plus lourds. Sans pour autant dénaturer le magnétique substrat mélodique de l'originale, cette troublante alternative a subi une véritable métamorphose, la rendant particulièrement efficace. On ne retiendra pas moins l'ensorcelant low tempo « What for » ; nourrie d'hypnotiques cordes et percussions moyen-orientales et inscrivant dans sa trame un refrain immersif à souhait mis en habits de soie par les troublantes oscillations de la belle, cette ballade folk au carrefour entre
Epica et Riverwood comblera assurément les attentes de l'aficionado de moments intimistes.
Résultat des courses : à l'aune de son second mouvement, le combo ukrainien revient plus boosté que jamais dans la course, recueillant par là même une seconde couronne de laurier. Aussi, effeuille-t-on une œuvre aussi palpitante et originale qu'énigmatique et romanesque, avec, comme dénominateur commun, d'enchanteresses sonorités orientales. Dans la continuité stylistique de son illustre devancier, ce second opus en est le digne héritier ; diversifié sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, variant ses exercices de style à l'envi tout en témoignant d'une technicité instrumentale et vocale difficiles à prendre en défaut, le rutilant manifeste n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense. Bref, une deuxième pépite aussi corrosive que rayonnante, éminemment pénétrante, à rajouter au palmarès de l'inspiré quintet ukrainien, susceptible de le placer dores et déjà parmi les valeurs montantes de son registre metal d'affiliation. Chapeau bas...
Hé bien encore une fois, belle découverte! Mais à la différence des autres, j'ai vraiment envie de l'écouter tout de suite cet album!
Comme tu le dis dans ta chronique, on ressent l'influence de plusieurs groupes, mais selon mon avis, le style du regretté Tristania est celui qui s'en rapproche le plus! A la limite, la vidéo sous la chronique aurait pu se faire carrément passer pour Tristania si l'OL avait aucune info!
Merci pour cette belle chronique...une fois de plus.
Merci à toi pour ce retour! Tout à fait d'accord avec l'influence ''tristanienne'' prise par le groupe sur son second opus, c'est parfois à s'y méprendre! Ce qui ne l'empêche pas d'avoir dores et déjà une signature artistique en voie de consolidation, en peu de temps, finalement. Affaire à suivre, donc...
Cela fait quelques temps déjà que je suis ce combo, et il ne m'a jamais déçu. Pour ma part, son 3ème album est de la même trempe. Mais on aura sûrement l'occasion d'en reparler prochainement...
Merci pour cette chronique Ericb4, seulement 16 !? Moi j'aurai noté plus haut 17/18 mais je suis vraiment fan de cette band ça doit être pour ça, je retrouve tout ce que je cherche dans un groupe de metal symphonique et j'apprecie que de plus en plus d'artiste y ajoute du growl ça y rajoute de la puissance au chanson, pour moi actuellement hormis Xandria(plus accessible) je ne trouve rien de meilleur que leur son qui est propre même s'il est vrai que par moment ça me rappel aussi Lacuna coil sur les gros riff, je vois que vous évoquez Tristania il faudrait que je réécoute ce groupe que j'ai un peu oublié.
Personnellement je suis complètement envoûté par les sonorités orientales et le dernier album d'Ignea en est encore bien plus rempli.
Seule reproche que je ferais à leur albums c'est d'être toujours trop court, mais c'est peut être mieux comme ça souvent le remplissage est une mauvaise idée.
D'accord avec l'idée qu'il vaut mieux écouter un album un peut court, de bonne qualité et sans temps morts ou zones de remplissage, plutôt qu'un opus long, ponctué de bémols et d'interludes qui ne s'imposent pas toujours. Et un album de 40-45 minutes qui ne relâche pas son étreinte stimule réellement l'envie d'y revenir dès la chute finale du propos. De plus, quand on écoute un album en streaming, les derniers morceaux d'un opus de très longue durée sont souvent oubliés, à tort, au profit des premières pistes. Mais ce n'est là que mon humble avis.
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