Lorsque à force de talent, d'abnégation, d'acharnement voire d'insistance lourde, un groupe finit par s'extraire de ces sombres abimes dans lesquelles tant végètent et qu'il finit par imposer sa vision artistique à un monde ébahis, cette soudaine bonne fortune profite à tout son entourage immédiat. Et si le miracle peine à contaminer ce proche entourage, ne vous inquiétez pas, à prompt renforts d'estampilles, de bannières ou de publicités ciblées, les maisons de disques, aux desseins évidemment loin de tout mercantilisme démesuré, à force d'insistance lourde, d'acharnement, d'abnégation et de talent, sont là pour nous rappeler ce que nous ne savons pas et pour nous apprendre ce que nous avons oublié. Ou peut-être le contraire.
En 1999, après ce formidable
Vain Glory Opera sur lequel je ne reviendrais pas sous peine d'être interminable,
Edguy sort son troisième disque, Theater of
Salvation. Si sur son second opus il avait surtout été un collectif aux protagonistes divers regroupés autour d'un noyau central aux talents plurielles appelé Tobias Sammet, sur ce nouveau plaidoyer il est enfin un groupe. Et dans ce groupe, à la basse, il y a un certain Tobias Exxel. Pour la plupart d'entre nous c'est un parfait inconnu. Mais pas pour les maisons de disque qui, dans leurs tiroirs, ont les albums de
Taraxacum et de
Squealer à nous vendre...heu...je veux dire à nous proposer. Qu'à cela ne tienne, voilà donc
The Prophecy, troisième album de ces derniers, propulsé comme "l'autre groupe de Tobias Exxel d'
Edguy". Et pour que le message soit encore plus clair on propose à Tobias Sammet de venir chanter sur Friends of
Life, le premier titre de ce manifeste, et d'y faire quelques chœurs. C'est d'autant plus facile lorsqu'on s'appelle Andy "Henner" Allendörfer qu'on est le patron d'AFM Records et, accessoirement, le chanteur de
Squealer.
Sauf que, comme bien souvent dans ces cas là, ces professionnels oublient quelques détails, surement anecdotiques, comme nous préciser que les divers groupes qu'ils tentent de nous refourguer comme des clones de celui qui à vu sa renommé exploser n'en sont pas vraiment, des clones, et qu'ils pratiquent un art souvent différent. Proposer
Squealer à un fan d'
Edguy reviendrait à proposer du
Shy, du
Bon Jovi ou du
Giuffria, à un adepte convaincu de
Darkthrone,
Tsjuder ou
Archgoat. Quand bien même j'aurais avec cette analogie un peu, beaucoup, grossi le trait il n'empêche que les deux groupes sont très, mais alors très, éloignés l'un de l'autre.
Déjà il y a cette musicalité qui, selon moi, est l'une des signatures les plus remarquablement caractéristiques du travail du groupe de Fulda et qui, s'agissant de
Squealer, n'est pas vraiment la même.
Plus sombre, plus torturée, plus heurtée, moins fluide, elle ne sera pas forcément à même de vous séduire facilement si vous êtes un adepte de ce
Power Metal aux refrains fédérateurs dans lequel Sammet excelle.
Il y a ensuite le propos à proprement parlé.
Squealer, malgré les artifices derrière lesquels AFM Records aura essayé de le dissimuler, est un groupe de Heavy
Metal aux aspirations Thrash
Metal nombreuses et évidentes (écoutez ne serait-ce que le splendide I See the World pour vous en convaincre). Ces premiers opus sont d'ailleurs davantage encore ancrés dans le style extrême si cher à Mille Petrozza et consorts (un peu à l'instar d'
Angel Dust. Ne vous excitez pas, j'ai dis "un peu").
Et puis, dernière différence, et de taille, Andy "Henner" Allendörfer n'est pas Tobias Sammet. Sa voix est âpre, écorchée et rugueuse. Thrash en somme. Ce qui est parfaitement logique si l'on considère la nature exacte de ce collectif de Schwalmstadt.
Mais que reste-t-il donc à ce disque une fois passée la morsure de cette comparaison, forcément, décevante? Et bien quelques titres vraiment intéressants comme, par exemple, ce
Live Everday aux couplets que l'on jurerait avoir entendu sur le Puritanical Euphoric Misanthropia de
Dimmu Borgir aux pré-chorus empruntés davantage à
Kreator et aux refrains très mélodiques, comme ce
To Die For (...Your Sins) aux parfums Gothique étonnants, comme ce furieux I See the World ou comme ce
The Prophecy (Follow Me) aux humeurs changeantes mais surtout habité par cette ardeur propre aux premiers efforts de
Blind Guardian.
Nous vendre ce disque comme ce qu'il n'est pas était certainement une erreur, n'aura assurément pas eu l'effet escompté et, pire encore, l'aura desservi alors que, pourtant, sans nous offrir l'expression d'un art inoubliable, loin s'en faut, il avait quelques beaux atouts à faire valoir.
D'accord sur toute la ligne avec cette excellente analyse. Et la petite comparaison avec Angel Dust (que j'adore) est très pertinente.
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