Au début des années 2000,
Behexen était l’un des maîtres incontestés de la scène black finlandaise, mais 15 ans plus tard, nombreux sont ceux qui se posent des questions sur la santé du groupe.
Fort de deux premiers albums désormais cultes dans la catégorie black bestial, ignoble et blasphématoire, le combo de Tampere sort en 2008 un
My Soul for His Glory qui divise, bien plus mélodique, groovy et mieux produit (en un mot plus accessible), et qui, malgré une qualité musicale incontestable, laissera une partie des anciens fans sur le carreau. S’ensuit un
Nightside Emanations, s’éloignant toujours plus du style raw d’origine, et explorant le sillon obscur d’un black plus lent et incantatoire, à fortes tendances orthodoxes.
Aujourd’hui, l’avenir de
Behexen soulève de nombreuses interrogations : avec des chamboulements de line-up importants, un style pour le moins mouvant sur les trois dernières réalisations (Torog a même complètement changé sa façon de chanter en cours de route) et un logo qui s’est radicalement transformé, on est en droit de se demander à quoi s’attendre sur ce cinquième full length sobrement intitulé
The Poisonous Path.
Dès les premières secondes on est plongé dans l’obscurité la plus totale, avec ces cloches mystérieuses, ces percussions étouffées et ce sourd grondement des profondeurs qui semblent nous convier à une cérémonie occulte se déroulant quelque part dans les boyaux perdus de la terre. Puis un mur de guitares tellurique et vibrant, magma de cordes à la pesanteur effroyable appuyé par un blast extrêmement violent, lourd et rapide, nous terrasse, nous précipitant tête la première dans les abysses, et la voix terrible de Torog, extrêmement grave et sentencieuse (si si, je vous assure, c’est le même qui hurlait sur
Rituale Satanum!), résonne dans l’immensité du vide, rageuse et implacable.
Ce premier titre éponyme se pare de leads de guitares entêtantes bien que discrètes, qui parviennent à trouer l’opacité effroyable des guitares et de la basse, et se fend d’un break possédé à la noirceur luciférienne avant une ultime reprise rapide et terrassante.
Dans le même style, on distinguera également Cave of the
Dark Dreams, court, intense et impitoyable de vitesse et de noirceur avec ses blasts destructeurs, crachant ces petites mélodies vicieuses qui surgissent comme des étincelles diaboliques dans l’épaisseur des ténèbres, et
Chalice of the
Abyssal Water, l’un des rares morceaux à avoir conservé quelques réminiscences de black finlandais avec ces guitares ensorcelantes aux notes envoûtantes qui surnagent dans cet océan de suie.
Pour le reste,
Behexen a définitivement changé et il faudra vous y faire. L’artwork montre bien la nouvelle direction prise par le groupe, suite logique de
Nightside Emanations, véritable plongée dans un black orthodoxe habité et ésotérique. L’album est d’une noirceur oppressante, suintant une aura religieuse omniprésente renforcée par ces quelques notes d’ambiant intervenant souvent en début ou en fin de piste (bruits de clochettes, percussions, grondements souterrains) et par un son étouffant et sourd d’une épaisseur et d’une opacité claustrophobes nous provenant comme des entrailles d’un monde souterrain et sans lumière.
Pourtant, si cette production sied parfaitement à ce genre de musique extrêmement noire et spirituelle, elle la dessert de la même façon en enveloppant ces 57 longues minutes dans les miasmes épais et étouffants d’un satanisme dévot qui émousse l’explosivité de la musique : le même écho sourd de la batterie qui couvre presque intégralement le grondement indistinct des riffs lors des blasts, ce mur de cordes grave et vibrant duquel il est difficile d’extraire une mélodie, la voix impérieuse et grondante de Torog, sans grande variations, le tout forme un bloc souvent trop compact et monolithique assez assommant et difficile à s’enfiler sur la longueur.
A
Sword of
Promethean Fire, lent, lourd, et pataud mêmes dans ses accélérations qui n’apportent rien, aux riffs peu inspirés et déjà entendus mille fois,
Tyrant of Luminous
Darkness avec ces guitares minimalistes entre blast continu et fin de morceau molle et répétitive (on appréciera par contre les hurlements vraiment possédés du maître de cérémonie qui font vraiment froid dans le dos) ou les trois premières minutes de
Pentagram of
The Black Earth, un peu indigestes, les mêmes riffs tournant inlassablement sur ce martèlement sourd et binaire, font partie de ces longueurs inutiles dont on aurait pu amputer cette messe noire par ailleurs réellement oppressante.
Heureusement,
Behexen fait respirer son art grâce à quelques ralentissements de tempi et des trouvailles mélodiques inspirées qui évitent l’asphyxie et cassent la monotonie de l’ensemble (la deuxième partie de Umbra Luciferi, vraiment diabolique et incantatoire, avec ce riff simple et excellent, la fin de
Pentagram of the Black
Earth avec ce long passage lumineux et halluciné du plus bel effet).
Finalement, le constat est là :
The Poisonous Path est un très bon album, à l’ambiance ritualiste et à la spiritualité palpables, qui souffre juste d’un manque d’originalité certain et d’une linéarité préjudiciable due à une production trop sourde et étouffante et à un ensemble trop compact. Ceci dit, à force d’écoutes, cette nouvelle production des Finlandais, difficile d’accès au premier abord, dégage petit-à-petit sa magie délétère et finit par se faire réellement envoûtante...
Alors, que penser de
Behexen en 2016 ? Si cet album ne convaincra pas forcément les amateurs des débuts du groupe, force est de constater que la nouvelle voie empruntée par la horde est tout aussi séduisante.
Sombre, tortueux et particulièrement difficile d’accès, s‘enfonçant à perte de vue dans les boyaux du monde souterrain, ce chemin est, comme son nom l'indique, particulièrement vénéneux, et vous risqueriez bien de vous y perdre pour l’éternité…
Ils ont beau changer de son, de style, il y a quelque chose dans leur musique que je ne retrouve pas ailleurs.
Très bon album même si des passages font un peu réchauffés et très bonne critique.
Je pense qu'il faut du temps pour rentrer dans cet album, c'est le genre de galette qui s'appréhende dans son ensemble, extrêmement compact et cohérent, pour être apprécié à sa juste valeur...
Merci pour cette belle chronique! Je viens de m'écouter la totalité des albums de Behexen par ordre chronologique, et bien je dois dire que celui-ci est pour moi le meilleur de leur discographie. Et contrairement à toi, j'ai réussi à entrer immédiatement dans cet album que je trouve terrible. Il faut dire aussi que je ne suis pas un grand fan de leur true black des débuts, j'ai toujours du mal avec le côté trop raw, et accroche beaucoup plus au côté moderne et incantatoire de celui-ci. Du coup, je comprends parfaitement que les fans de la première heure soit déstabilisés, mais pour ma part, j'y trouve parfaitement mon compte tout au long de l'album, que je vais aller commander derechef!
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