Liste des groupes Metal Moderne Tulip The Perpetual Dream

Nous ayant laissés sur le souvenir ému d'un laconique mais truculent EP, « The Witch », le combo canadien cofondé à Toronto en 2017 par l'ex-chanteuse d'opéra Ashleigh Semkiw et par l'expérimenté et fin guitariste/bassiste et ingénieur du son Colin Parrish (Monolith) nous laissera orphelins une longue année durant avant de nous adresser « The Hanged Man », le premier des quelque huit singles réalisés entre 2022 et 2023. Un foisonnant matériau qui, précisément, viendra alimenter son second album full length, « The Perpetual Dream » ; aussi effeuille-t-on une auto-production riche de ses 12 compositions, dispatchées sur un ruban auditif de 46 palpitantes minutes. Ce faisant, le collectif nord-américain, aujourd'hui basé à Argyle, au Texas, détiendrait-il l'arsenal susceptible de guerroyer efficacement face à ses plus redoutables opposants ? Cette fraîche offrande lui offrira-t-elle le sésame pour le propulser parmi les valeurs montantes du si couru registre metal symphonique moderne à chant féminin ?

Dans la droite lignée de ses devanciers, cet opus à la fois enjoué, pimpant, solaire et organique, reste ancré dans un univers rock'n'metal symphonique moderne, aux relents groove, électro et progressif. Une fois encore, les sources d'influence appelées de leurs vœux par nos acolytes sont à chercher du côté de Rage Of Light, Metalite, Volturian The Murder Of My Sweet, Delain, Amaranthe, Lacuna Coil et The Dark Element, la touche personnelle en prime. Et comme il nous y avait accoutumés, l'exigeant combo a particulièrement soigné sa production d'ensemble. Aussi, y décèle-t-on une qualité d'enregistrement ne laissant place à aucune approximation et assortie d'une saisissante profondeur de champ acoustique. S'y superposent un mix parfaitement ajusté entre lignes de chant et instrumentation et des arrangements aux petits oignons. Aussi, le temps serait-il venu pour nos compères de marquer plus fort les esprits de leur empreinte, voire de porter l'estocade ?

A l'aune de ses prédécesseurs, de nombreuses pistes aussi sanguines que synthétiques nous sont octroyées, non sans quelques pépites placées sur notre route. Ainsi, passée la brève mais grisante entame instrumentale d'inspiration cinématique, « Dr34mf4rm3r », de virulents coups de boutoirs se mettront à pleuvoir sous le joug de « Ghost of Kyiv », up tempo aux riffs aux tirs en rafale au carrefour entre Amaranthe, The Murder Of My Sweet et Metalite ; doté d'un refrain catchy mis en exergue par les rocailleuses attaques d'une interprète bien habitée et ne relâchant pas son étreinte d'un iota, la ''tubesque'' plage poussera assurément à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée. Tout aussi enfiévré, pourvu de riffs acérés adossés à une frondeuse rythmique et de seyantes séries de notes, le trépidant et ''volturien'' « Gemini » ne saurait davantage être éludé. Et comment ne pas se sentir porté par les vibes enchanteresses insufflées par « Black Rainbow » ? Disséminant d'insoupçonnées montées en régime de son corps orchestral tout en nous immergeant au cœur d'un chatoyant paysage de notes, ce vibrant mid/up tempo dans la veine coalisée de Rage Of Light, Amaranthe et Delain constituerait l'une des gemmes de l'opus.

Lorsque la cadence se fait un tantinet moins vive, la troupe parvient là encore à nous retenir sans avoir à forcer le trait. Ce qu'illustre, en premier lieu, « The Hanged Man », mid tempo progressif aux riffs ronronnants et doté d'un léger tapping, à la confluence de Lacuna Coil et de The Dark Element, s'écoulant le long d'une radieuse rivière mélodique qu'empruntent les sculpturales et poignantes impulsions de la princesse. Ainsi se dessine un hit en puissance que l'on ne quittera que pour mieux y revenir, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité. D'autre part, à « Mu53 », bref mais grisant élan électro metal aux truculentes rampes synthétiques et aux inattendus relents rap, succèdent « Assassins » et « Third Eye », entraînants mid tempi aux riffs épais à mi-chemin entre Amaranthe, Delain et Volturian, poussant, peu ou prou, à un headbang subreptice. Enfin, affichant tous deux un visage plus groovy tout en maintenant une cadence soutenue sans être effrénée, et esquissant, chacun à sa manière, un trait mélodique éminemment enveloppant, l'organique « Starseed » tout comme le bluesy « The Perpetual Dream » pousseront prestement le chaland à l'entame d'un pas de danse qu'il souhaitera, à n'en pas douter, quasi ininterrompu.

Quand ils nous mènent en de plus intimistes espaces, nos compères trouvent à nouveau les clés pour nous assigner à résidence. Ainsi, succédant au laconique et frissonnant instrumental a-rythmique et progressif « H0m3 » – que d'ondulantes nappes synthétiques, des larmes d'un piano mélancolique et un violoncelle libertaire enorgueillissent – , « Near Death », lui, imposera ses sémillants arpèges d'accords d'un battement de cils ; se posant telle une ballade power progressif aux relents électro des plus intrigants et surmonté d'un refrain immersif à souhait mis en relief par les poignantes modulations de la maîtresse de cérémonie, l'instant privilégié se jouera de toute tentative de résistance à son assimilation.

Résultat des courses : un album à la fois volontiers sémillant, souvent enjoué, parfois tonique, un brin romanesque, et reposant sur une ingénierie du son plutôt soignée attend celui qui y aura plongé le pavillon. A l'instar du précédent effort, d'aucuns, pour se sustenter, auraient probablement espéré un opus plus diversifié sur le plan vocal, des exercices de style plus variés qu'ils n'apparaissent et l'une ou l'autre prise de risque inscrite au cahier des charges. Toutefois, eu égard à ses mélodies éminemment accrocheuses mais nullement sirupeuses, ayant pour corolaire des séries d'accords savamment élaborées et des plus enivrantes, et laissant entrevoir des arrangements instrumentaux coulés dans le bronze, ce message musical s'avère d'une redoutable efficacité. Aussi, six ans après sa sortie de terre, le groupe aurait les atouts requis pour se hisser désormais parmi les valeurs montantes du metal symphonique moderne à chant féminin. Bref, un retour sur les chapeaux de roue pour la formation nord-américaine...