Ce que nous avait laissé le disque «
Black Night » était le souvenir d’un groupe en gestation. «
Iron Man » n’était en 1993 qu’un énième projet visant à singer le «
Black Sabbath » des années 70. Un pur produit nostalgique. Néanmoins, la formation créée par Alfred Morris montrait déjà une volonté de se démarquer de son idole, par un riffing particulièrement gras et une petite dose psychédélique, qui définiront le son d’«
Iron Man ». Pour l’effort suivant, réalisé dans la foulée, juste une année après Alfred Morris décidera de se passer des services du chanteur Robert Levey, nous ayant reproduit un faux semblant d’Ozzy très nonchalant sur «
Black Night ». Chose plus étonnante par contre est le départ du batteur d’ «
Unorthodox », Ron Kalimon. Il fait confiance à deux membres talentueux, le chanteur Dan Michalak, qui va largement contribuer à l’essor d’ «
Iron Man », et le batteur Gary Isom, appelé à un brillant avenir. Cette nouvelle formation autour d’Al Morris va forger l’album «
The Passage », avec toujours Steve Carr à la production. Ce dernier fait véritablement là ses premières grandes armes, et deviendra une personne incontournable de la production dans le Maryland. Le second opus d’«
Iron Man » marque un point de passage déterminant et gratifiant dans sa quête d’affirmation et de reconnaissance.
Un titre comme « The
Fury » porte parfaitement bien son nom. Le riffing y est tempétueux d’entrée, la guitare d’Al produit des salves disciplinées qui ne font aucun détail. Cela dit, il n’est pas lié à cette rigueur et se permet même de ralentir le rythme pour ensuite l’accélérer en milieu de piste ou de le rendre complétement ombrageux sous le bruit de l’orage, histoire de glacer le sang de ses auditeurs. On remarque aussi son goût pour les longs solos psychédéliques. Il nous en gratifiera de quelques-uns tout le long de ce prestigieux volume. On avait parlé de cette sensibilité de Robert Levey pour le chant d’Ozzy, bien que peu convaincante, Dan Michalak tient bizarrement plus de celui de
Dio, du moins c’est une évidente sur le titre « The
Fury », il jouera plus d’un mix entre
Dio et Ozzy pour les suivantes. «
Black Sabbath » se rencontre en toute discrétion un peu partout sur cet album. Il y a même des morceaux où «
Iron Man » se consacre fidèlement à la musique de son maître à penser. C’est le cas justement d’ «
Unjust Reform », qui par ses riffs abrasifs et tempéré, joue au mimétisme avec le Sabbath du début des années 70. Dans un tempo plus lent, « Time of
Indecision » se rapproche lui aussi fortement des compositions de la bande à
Iommi. On y retient un chant par à-coups en cohésion avec le rythme.
«
Black Sabbath » n’est pas la seule influence marquante de l’opus. On y croise «
Pentagram » notamment à travers un « Waiting for Tomorrow », particulièrement brulant, incisif, après une longue entame ballade étonnement limpide et chaleureuse, ou encore avec le vibrant «
End of the World », ténébreux, pessimiste quand le chant s’exprime, plus accommodant en son absence. Un très bon titre, où la batterie fait preuve d’une grande aisance. Cette dernière a véritablement son moment de gloire sur l’impétueux, tonique, presque tribal, « Iron
Warrior », qui accorde une place importance aux coups et à l’aspect guerrier. Il s’agit sans doute là de l’extrait le plus rigide et régulier de l’album. «
Freedom Fighters » oppose également une grande régularité, bien que s’illustrant avec beaucoup moins de puissance qu’« Iron
Warrior ». Les riffs y sont directs, froids, mais quasi retranchés. Dan donne l’impression de s’exprimer à travers l’hygiaphone, donnant un effet assez perturbant. Du moins il fait ainsi pour les couplets, donnant une sensation de libération au passage du refrain. Il y a ainsi une pression qui s’emmagasine, puis se relâche.
L’album s’accapare de sujets et de domaine complètement différents. On y assimile pêle-mêle
Satan, des monstres et des super héros. C’est une part du folklore américain de la fin du 20ème siècle qui est véhiculé sur ce «
The Passage ». « Tony Stark » est sans nul doute l’illustration la plus brillante de ce schéma, un gros clin d’œil de la part d’Alfred Morris à ces attraits de jeunesse. «
Iron Man » est à la fois le titre d’un morceau de «
Black Sabbath » et le nom d’un super héros de comics. Alfred aime visiblement les deux. Tony Stark n’est d’ailleurs que le véritable nom du super héros en question; le guitariste y consacre un instrumental assez démentiel jouant de tout son feeling et de la force du blues. La qualité de cette brillante démonstration fait écho à l’excellent titre « Harvest
Earth », situé entre les deux courts interludes « The
Gargoyle » et «
The Passage ». Une fois encore, les musiciens nous témoignent de leur haut niveau technique, surtout Alfred qui s’impose par un solo endiablé aux allures psychédéliques. Le titre est également captivant par l’efficacité du chant de Dan Michalak, capable de se montrer très intimidant.
Sans se détacher complètement de «
Black Sabbath », formation de cœur d’Alfred Morris, «
Iron Man » parvient à créer une musique qui lui est identifiable, usant de solos psychédéliques survoltés qui doivent aussi au culte porté par le leader à Jimmi Hendrix, de riffs gras et résonnants, d’une touche bien américaine en soit. «
The Passage » figure aujourd’hui comme une pièce maîtresse d’«
Iron Man ». II avait propulsé le combo du Maryland au statut de groupe majeur de la scène doom metal américaine, sans pour autant la bouleverser ou faire de l’ombre aux grands tenants que sont «
Saint Vitus » ou «
Pentagram ». Un combo qui était alors composé de son line-up le plus prometteur et le plus performant, avant que la routine et la valse des membres ne se remette en action, insatiablement. Mais tant qu’Al Morris III reste aux commandes tout finira, malgré tout, par bien se passer.
15/20
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