Alors que tout semblait aller sur des roulettes, alors que le line-up d’«
Iron Man » correspondait à l’idée d’un groupe en devenir, Gary Isom part rejoindre le naissant «
Spirit Caravan » et Larry Brown, le compère de longue date d’Alfred Morris disparait des radars. Il ne reste qu’en ce beau milieu des années 90 que le tandem Al Morris et Dan Michalak. Ceux-là décident d’accorder leur chance à une bassiste, dénommée
Ginger, et au batteur Vic Tomaso. Bien que l’Histoire de la musique n’ait laissé guère de traces de ces deux-là (contrairement à ce qui a pu être dit, Vic ne doit aucunement être confondu avec Tim Tomaselli qui a officié chez «
Place Of Skulls » et chez «
Pentagram »), ils ont fait les beaux jours d’ «
Iron Man » en participant à la création du troisième album, «
Generation Void », et cela après le départ de membres que l’on aurait pu estimer irremplaçables. A y réfléchir, seul le guitariste est indéboulonnable dans cette formation. C’est avant tout la sienne, et par chance il parvient à attirer au creux de ses mains, des talents mis au grand jour, voire exploités de lui seul. Alfred manie d’inoffensifs atomes en vue d’accomplir quelques tests nucléaires de grande dangerosité. «
Generation Void » s’est soldé par un impact aussi détonnant que son prédécesseur.
Ça dépote d’entrée avec un « On the
Mountain », aux sonorités enthousiastes et entrainantes dans la fibre groove des années 70. On est presque loin à proprement dit du doom metal.
Plus proche du stoner, du moins principalement pour les couplets, car un durcissement des riffs se produit lors du refrain. Le duo Alfred et Dan se présente en pleine liberté de mouvement. On touche le même esprit avec le suivant «
Boston Stranger » ; un dynamisme plaisant, une guitare assurément à son aise et complètement agitée, bien que le rythme soit plus électrisant et se rapproche un soupçon de l’œuvre de «
Black Sabbath ». On retrouvera ce son très entreprenant bien plus tard avec notamment « Shadows of
Darkness », empruntant la même voie intimidante qu’un certain «
Pentagram ». La démonstration est véritablement à l’honneur sur l’instrumental «
Juggernaut ». Celui-ci est plus proprement à considérer comme un drum solo magistral de la part de Vic, même si on a un bref aparté graveleux de guitare en début et en fin de morceau.
«
Generation Void » révèle une palette aussi riche que lors de son précédent album, «
The Passage ». On a fait état ici de titres entreprenants, mais l’opus contient aussi des passages marqués dans la fière appartenance au doom metal. Il en est ainsi de « Forever Yours » et ces riffs particulièrement graveleux, entrecoupés d’étranges rires. Le rythme y est ici terne, mécanique. «
Survivor » s’applique en ce sens à nous asséner des coups d’une grande rugosité. Nous avons là un point commun avec l’endiablé «
King of
Kings », qui bien que se montrant intransigeant donnera suite à un solo psyché du meilleur effet. Ce qui peut être amusant avec «
Survivor », pour revenir à lui, c’est que l’on ressent un contraste assez déroutant entre la partie instrumentale et le chant très décontracté de Dan. Au moins avec « As the Gods Have
Spoken », «
Iron Man » offre ce que le doom a de plus traditionnel. Encore un argument prouvant la richesse de l’engin.
Nous n’avons pas énormément évoqué Al Morris, qui en comparaison de «
The Passage », fait une illustration plus rangée de son jeu de guitare, mais pas moins performant. Il sait se montrer tranchant et incisif quand il le faut. C’est ce que l’on peut découvrir avec un certain plaisir sur l’imposant et nerveux titre éponyme. Le guitar hero afro-américain nous surprend d’autant plus quand il exerce sur les ballades. Il nous fait part insidieusement de certaines de ses influences. «
Winds of Change » ressemble à prime abord à une ballade comme était capable de nous assener «
Judas Priest », il y a quelques décennies de cela. On sent malgré tout la révolte gronder, et elle ne manquera pas en seconde partie du morceau, où, là, Al Morris nous fait une très belle échappée, sortant brièvement de la torpeur ambiante. Dans un mode acoustique cette fois, le doux et reposant «
Ironica Blue » semblerait plus correspondre à certaines entames de titres de «
Black Sabbath ». On sait qu’il s’agit de la formation fétiche du guitariste américain. Il ne se prive donc pas encore sur de dresser des ponts avec le grand groupe de Tony
Iommi, y compris sur ce volume.
Vous aurez peut-être remarqué que ceux qui se sont aventurés à écouter les différents disques d’«
Iron Man » citent assez fréquemment «
Generation Void » parmi leurs favoris. A vrai dire, ce n’est pas bien étonnant, on y retrouve toute la dextérité et l’excentricité de «
The Passage », mais de façon plus canalisée. Sur le précédent album, nous avions la sensation que le groupe était en totale vadrouille dans l’époque des 70s. Sur ce troisième album, cette lointaine période est de nouveau pleinement consacrée, mais le son emprunte des cheminements plus stables, moins confus. Ce qui peut être un mal comme un bien. Les amateurs de sonorités psychés préféreront la pièce antérieure, ceux plus addicts au rythme bien trempé et sans vague pinceront davantage pour «
Generation Void », qui aura su révéler un sens inné et redoutable de la musique doom, avec de l’expérience et de la personnalité en prime. Ce disque est en aucun cas une arme de dissuasion, bien au contraire.
16/20
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