Alors qu’en évoquant les œuvres fondatrices du Black
Metal Symphonique, il est de bon ton d’exprimer toute son admiration pour des versets tels que ceux, évidemment méritoires, écrits par
Limbonic Art ou encore
Emperor qui, bientôt, viendront enfanter ceux de
Dimmu Borgir; on néglige inconsciemment ceux des Italiens de
Graveworm ou des Norvégiens de
Morgul. Si ces derniers, assurément, n’ont ni révolutionné un genre, ni même popularisé aussi parfaitement que Silenoz et les siens, ce mouvement, ils auront pourtant eu le mérite de graver dans le marbre des temples ténébreux, quelques œuvres très attrayantes
Après un
Parody of the Mass (1998) intéressant et prometteur,
Jack D.
Ripper revient deux ans plus tard afin de nous offrir
The Horror Grandeur qui fait, injustement, partis de ces œuvres oubliées mais néanmoins passionnantes. Définitivement seul à bord du navire, l’artiste concocte ici un album aux ambiances très travaillées, où la démence maitrisée et mesurée n’a rien d’abstrait.
Si ici la source du propos de la musique de
Morgul demeure essentiellement dictée par les affres d’un art noir inexorablement symphonique, le compositeur excelle désormais dans l’expression d’atmosphères prenantes. En véritable virtuose, l’artiste sublime effectivement ses arrangements en les parant de mélodies dont l’aboutissement le plus captivant trouve toute sa dimension dans cet œuvre. Ainsi lorsque ces violons tziganes, ces pianos tourmentés, ces suppliques aux voix lancinantes de ce préambule accablant d’un premier titre éponyme emplissent l’air, ils trouvent en nous un écho émotionnel formidable. Dans une douce mélodie désespérée, à la complainte torturée, dans laquelle s’enchevêtre aussi la rage de rythmique symptomatiquement Black
Metal, mais aussi des voix claires délicieuses, ou encore l’aliénation savoureuse de musique aux allures de fêtes foraines où règne une certaine folie, un titre de surcroit dans lequel les plaintes de
Jack viennent aussi nous déchirer l’âme, ce long périple nous offre l'expression de la grandeur et de la décadence de ce groupe.
Dans un reflet parfaitement harmonieux, sur une eau belle et agitée,
Morgul continue de voguer de manière essentiellement pesante mais aussi rageuse parfois. Les pianos et claviers offrent toujours encore de douces mélopées, ainsi que des riffs entêtants, plaisamment obsédants (The
Ghost), mais aussi, parfois, l’exquise désuétude sur des rythmes sans violence, conclue par des airs de violon yiddish sublimes (The Murdering Mind). Cet aspect volontairement suranné, cultivé avec discernement tout au long de cette œuvre, est d’une beauté exquise et éminemment plaisante.
Ce Horror Grandeur est donc assurément une œuvre inhabituel, où la déraison, le charme, l’excellence de mélodies et d’instruments composés subtilement, et la désuétude, s’imprègne en des constructions d’une déconcertante simplicité, et ce afin de nous proposer une richesse de sentiments, eux pourtant, complexes et variés. L’émotion esclave de la simplicité grandit cet album odieusement ignoré.
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