Le nom de Charmand Grimloch n'est certainement pas sans agir comme une balayette sur votre mémoire empoussiérée par les années, ravivant quelques souvenirs que vous croyiez perdus à jamais dans une de ses innombrables sinuosités, vous qui suivez
Emperor depuis la fin du précédent millénaire. Le bonhomme, Joachim Rygg de son patronyme à la ville, connut en effet son heure de gloire à cette époque (de 1996 à 1999 pour être exact) où il tint le gouvernail claviéristique lors des prestations live de la célèbre formation norvégienne fondatrice des bases du black metal dit "symphonique".
Une renommée relativement éphémère, acquise de par ce prestigieux rôle, mais également de par ses travaux réalisés en solo sous la bannière de
Tartaros. Un projet qui bénéficia d'excellents échos dès la sortie de "The Grand Psychotic
Castle" en 1997 chez le défunt Necropolis et un EP qui apporta une vision pour le moins inaccoutumée au black metal, une alternative aux sempiternels thèmes sataniques, aux cérémonials sylvestres et aux cavalcades arctiques très en vogue en ces temps de renouveau du genre.
A l'origine du terme "horror metal" avec son cadet d'une année qu'est le "
Blood,
Monsters,
Darkness" des voisins finlandais de
Gloomy Grim dont le dépouillement confinant parfois au sommaire, les bidouillages rudimentaires et le second degré prononcé tendent plutôt à évoquer la petite boutique des horreurs, "The Grand Psychotic
Castle" impose quant à lui la représentation d'une bâtisse bien plus imposante, un séculaire château hanté de mille et une viles et furtives créatures.
Une sinistre demeure en laquelle l'inquiétant propriétaire des lieux, en costume d'aristocrate élégamment excentrique, nous accueille de la plus saisissante des manières, en des cris inhumains déchirant la nuit, se répercutant dans l'infiniment grand corridor, ouvrant une symphonie macabre ("Intro") orchestrée de main de maître par des claviers délivrant notes perçantes et lignes harmoniques stridentes, dont la luxuriance d'effets aux résonances psychédéliques souligne la fantasmagorie d'un décor riche en ornements cabalistiques.
Puis brutalement se tisse la toile de cordes électriques ("
Dark Red Light Upon the Bomos"), apportant sa sève extrême à l'afflux ébouriffant telle une horde de spectres vengeurs tourbillonnant en une sarabande vengeresse, sans contester aucunement la suprématie des claviers, instruments de prédilection du sieur Grimloch, dont l'esprit psychotique s'exprime au travers de vocaux en perpétuelle métamorphose, des récitatifs graves et impérieux aux râles de pestiféré se dissimulant dans le mixage tels d'insidieuses monstruosités dans les ombres d'un recoin ténébreux.
Chacune des cinq compositions que compte ce "Grand Psychotic
Castle" est un nouveau palier de l'édifice regorgeant d'une myriade d'horreurs et d'instants-chocs affolant le palpitant : les notes et percussions hystériques de "
Dark Red Light Upon the Bomos ", le croassement lugubre des corbeaux sur "Images of the Mystic
Sphere", les claquements de fouet et hurlements de terreur du morceau-titre.
Les phénomènes paranormaux sont à l'œuvre, invoqués par un Grimloch inspiré mais dont l'isolationnisme maladif semble parfois le faire sombrer dans sa propre folie. Bien qu'épaulé par l'expérimenté Pytten des légendaires Grieghallen Studios pour une mise en forme sonore massive et compacte, il reste la seule entité créatrice de partitions qui pêchent parfois par faute de goût, en témoignent un "Tones Towards the
Empyrean" longuet par sa succession systématique et prévisible de plusieurs séquences sans réelle force narrative, ou encore le bricolage de souillon effectué sur une boîte à rythmes aux sonorités grimaçantes, tombant parfois dans le simplisme technoïde comme sur le morceau-titre également entaché, outre d'une clôture traînant en longueur, d'une ouverture où les ricanements, proprement loupés, se font aussi terrifiants que les gloussements d'un soulard s'esclaffant à la chute d'une blague de comptoir.
Quelques malfaçons que je trouve un tantinet risibles, tirant le disque vers le bas, mais fort heureusement diluées à suffisance pour ne pas gommer le génie imaginatif de Grimloch ni le caractère original de ses créations, pas plus que l'intensité poignante de leur climat d'épouvante, effaçant par là-même ce rire moqueur que je sentais poindre.
Située dans le prolongement d'un
Emperor dont elle a conservé l'esthétisme grandiloquent, la technicité en moins mais développant en contrepartie une savoureuse approche horrifiante faisant irrémédiablement venir à l'esprit le cultissime générique des Contes de la Crypte, "The Grand Psychotic
Castle" est une œuvre historiquement importante, amorce d'un nouveau sous-genre du black metal, sachant habilement enchaîner tension d'angoisse lorsque l'on scrute l'obscurité pour tenter d'en discerner les présences menaçantes et déferlement de frayeur lorsque la fuite effrénée reste la seule alternative pour échapper à leur véhémence mortelle, à travers les labyrinthiques couloirs du château, dans l'espoir d'en dénicher la sortie …
Quant à moi, je ne peux vous laisser partir sans vous avoir parlé de la fameuse bonustrack présente sur la seconde édition du disque, j'ai nommé "Letzidah's Hypnotic
Children Waltz".
Etant à ce jour le seul et unique témoignage gravé, sinon dans le marbre, du moins sur polycarbonate, de l'existence du side-project avorté The Thrill, c'est pour moi la seule et unique occasion de le faire chroniquement parlant, d'autant que son excellence mérite que je m'y attarde.
Un projet uniquement basé sur les orchestrations aux claviers pour un essai dépeignant une scénographie théâtrale où les sonorités de harpes s'écoulent comme l'effroi dans nos veines transies par la peur, installant une ambiance timburtonienne, à la fois onirique et horrifique, faussement naïve et candide de par ses ritournelles enfantines éminemment cruelles et sournoises.
"Letzidah's Hypnotic
Children Waltz" représente à elle-seule la quintessence du style propre à Charmand Grimloch et de ses fascinantes prouesses aux claviers, à un point où j'en viens même personnellement à trouver la facette metal de
Tartaros un brin encombrante. Une facette que le sieur décidera de mettre en exergue sur l'album "The
Red Jewel" qui sortira deux années après l'EP … Une décision malheureuse à mon sens… Mais ceci constitue un autre chapitre de l'histoire…
To be continued …
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